Version initiale


  • (LOI POUR LA CONFIANCE DANS LA VIE POLITIQUE)


    Le Conseil constitutionnel a été saisi, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution, de la loi pour la confiance dans la vie politique sous le n° 2017-752 DC, le 9 août 2017, par M. Christian JACOB, Mme Emmanuelle ANTHOINE, M. Julien AUBERT, Mme Nathalie BASSIRE, M. Thibault BAZIN, Mmes Valérie BAZIN-MALGRAS, Valérie BEAUVAIS, Émilie BONNIVARD, MM. Ian BOUCARD, Jean-Claude BOUCHET, Mme Valérie BOYER, MM. Xavier BRETON, Fabrice BRUN, Jacques CATTIN, Eric CIOTTI, Pierre CORDIER, Mme Josiane CORNELOUP, M. François CORNUT-GENTILLE, Mme Marie-Christine DALLOZ, MM. Olivier DASSAULT, Rémi DELATTE, Fabien DI FILIPPO, Eric DIARD, Julien DIVE, Mmes Marianne DUBOIS, Virginie DUBY-MULLER, MM. Pierre-Henri DUMONT, Daniel FASQUELLE, Nicolas FORISSIER, Laurent FURST, Claude de GANAY, Mme Annie GENEVARD, MM. Claude GOASGUEN, Philippe GOSSELIN, Mme Claire GUION-FIRMIN, M. Patrick HETZEL, Mme Valérie LACROUTE, MM. Guillaume LARRIVÉ, Marc LE FUR, Mmes Constance LE GRIP, Geneviève LEVY, Véronique LOUWAGIE, MM. Emmanuel MAQUET, Olivier MARLEIX, Jean-Louis MASSON, Gérard MENUEL, Mme Frédérique MEUNIER, MM. Maxime MINOT, Jérôme NURY, Jean-François PARIGI, Eric PAUGET, Guillaume PELTIER, Bernard PERRUT, Mme Bérengère POLETTI, MM. Didier QUENTIN, Alain RAMADIER, Frédéric REISS, Jean-Luc REITZER, Bernard REYNES, Raphaël SCHELLENBERGER, Jean-Marie SERMIER, Jean-Charles TAUGOURDEAU, Guy TEISSIER, Mmes Laurence TRASTOUR-ISNART, Isabelle VALENTIN, MM. Patrice VERCHÈRE, Charles de LA VERPILLIÈRE, Michel VIALAY, Jean-Pierre VIGIER et Eric WOERTH, députés.
    Au vu des textes suivants :


    - la Constitution ;
    - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
    - l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires ;
    - la loi organique n° 2009-403 du 15 avril 2009 relative à l'application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution ;
    - le code pénal ;
    - le code de la défense ;
    - le code des postes et des communications électroniques ;
    - le code du travail ;
    - le livre des procédures fiscales ;
    - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
    - la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique ;
    - la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 relative à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution ;
    - la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique ;
    - les observations du Gouvernement, enregistrées le 1er septembre 2017 ;


    Et après avoir entendu le rapporteur ;
    Le Conseil constitutionnel s'est fondé sur ce qui suit :


    1. Les députés requérants défèrent au Conseil constitutionnel la loi pour la confiance dans la vie politique. Ils contestent la procédure d'adoption de son article 2 et certaines dispositions de ses articles 1er et 3, son article 11, certaines dispositions de son article 12 et ses articles 13, 14, 15, 16, 17, 18, 22, 23 et 30.


    - Sur la procédure d'adoption de l'article 2 :


    2. Selon les députés requérants, l'article 2 a été adopté au terme d'une procédure irrégulière. Ils font valoir que, lors de son examen en séance publique en première lecture par l'Assemblée nationale, cet article a été considéré comme adopté, alors qu'il aurait en réalité été rejeté. Il en résulterait une méconnaissance de l'exigence de clarté et de sincérité des débats parlementaires, ainsi que des articles 27 et 45 de la Constitution.
    3. Lors de sa première séance du 25 juillet 2017, l'Assemblée nationale a examiné l'article 1er bis A, devenu article 2, du projet de loi. A l'issue de la discussion de l'article, celui-ci a été mis aux voix et adopté par un vote à main levée. Si ce vote a ensuite été contesté par plusieurs députés, au motif notamment que la présidente de séance aurait appelé à plusieurs reprises les votes en faveur de cet article, il ne ressort pas des travaux parlementaires que la clarté et la sincérité des débats en aient été altérées. Les articles 27 et 45 de la Constitution n'ont pas davantage été méconnus. L'article 2 a donc été adopté selon une procédure conforme à la Constitution.


    - Sur certaines dispositions de l'article 1er :


    4. Le paragraphe I de l'article 1er de la loi déférée introduit un article 131-26-2 dans le code pénal instituant, à son paragraphe I, une peine complémentaire obligatoire d'inéligibilité à l'encontre de toute personne coupable d'un crime ou d'un des délits énumérés à son paragraphe II. En application des articles 131-26 et 131-26-1 du même code, auxquels la loi renvoie, l'inéligibilité ne peut excéder une durée de dix ans en cas de condamnation pour crime et de cinq ans en cas de condamnation pour délit, portée à dix ans si la personne condamnée exerce une fonction de membre du Gouvernement ou un mandat électif public au moment des faits. En application du dernier alinéa de l'article 131-26, l'inéligibilité emporte interdiction ou incapacité d'exercer une fonction publique. Le paragraphe III de l'article 131-26-2 prévoit toutefois que la juridiction peut, par une décision spécialement motivée, décider de ne pas prononcer cette peine complémentaire, en considération des circonstances de l'infraction et de la personnalité de son auteur.
    5. Les députés requérants reprochent à ces dispositions, qui seraient entachées d'incompétence négative, de méconnaître les principes de légalité des délits et des peines et d'individualisation des peines.
    6. L'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 dispose : « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires… ». Aux termes de l'article 34 de la Constitution : « La loi fixe les règles concernant… la détermination des crimes et délits ainsi que les peines qui leur sont applicables ». Le législateur tient de l'article 34 de la Constitution, ainsi que du principe de légalité des délits et des peines qui résulte de l'article 8 de la Déclaration de 1789, l'obligation de fixer lui-même le champ d'application de la loi pénale et de définir les crimes et délits en termes suffisamment clairs et précis pour exclure l'arbitraire. L'article 61 de la Constitution ne confère pas au Conseil constitutionnel un pouvoir général d'appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement. Si la nécessité des peines attachées aux infractions relève du pouvoir d'appréciation du législateur, il incombe au Conseil constitutionnel de s'assurer de l'absence de disproportion manifeste entre l'infraction et la peine encourue.
    7. Le principe d'individualisation des peines, qui découle de l'article 8 de la Déclaration de 1789, implique qu'une sanction pénale ne puisse être appliquée que si le juge l'a expressément prononcée, en tenant compte des circonstances propres à chaque espèce. Il ne saurait toutefois faire obstacle à ce que le législateur fixe des règles assurant une répression effective des infractions.
    8. En premier lieu, en instituant une peine complémentaire obligatoire d'inéligibilité, le législateur a entendu renforcer l'exigence de probité et d'exemplarité des élus et la confiance des électeurs dans leurs représentants. Parmi les infractions impliquant le prononcé d'une telle peine complémentaire, il a ainsi retenu, d'une part, l'ensemble des crimes et certains délits d'une particulière gravité et, d'autre part, des délits révélant des manquements à l'exigence de probité ou portant atteinte à la confiance publique ou au bon fonctionnement du système électoral.
    9. En second lieu, d'une part, la peine d'inéligibilité doit être prononcée expressément par le juge, à qui il revient d'en moduler la durée. D'autre part, le juge peut, en considération des circonstances de l'infraction et de la personnalité de son auteur, décider de ne pas prononcer cette peine complémentaire.
    10. Par conséquent, le grief tiré de la méconnaissance du principe d'individualisation des peines doit être écarté.
    11. Toutefois, en vertu du dernier alinéa de l'article 131-26 du code pénal, la peine obligatoire d'inéligibilité prononcée en application de l'article 131-26-2, qui vise à renforcer l'exigence de probité et d'exemplarité des élus et la confiance des électeurs dans leurs représentants, entraînerait de plein droit l'interdiction ou l'incapacité d'exercer une fonction publique pour tous les délits mentionnés au paragraphe II de cet article. Il en résulterait une méconnaissance du principe de proportionnalité des peines. Dès lors, les dispositions contestées ne sauraient, sans méconnaître ce principe, être interprétées, s'agissant des délits mentionnés au paragraphe II de l'article 131-26-2 du code pénal, comme entraînant de plein droit l'interdiction ou l'incapacité d'exercer une fonction publique prévues au dernier alinéa de l'article 131-26 du même code.
    12. Selon l'article 11 de la Déclaration de 1789 : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi ». L'article 34 de la Constitution dispose : « La loi fixe les règles concernant… les droits civiques et les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques ». Sur ce fondement, il est loisible au législateur d'édicter des règles concernant l'exercice du droit de libre communication et de la liberté de parler, d'écrire et d'imprimer. Il lui est également loisible, à ce titre, d'instituer des incriminations réprimant les abus de l'exercice de la liberté d'expression et de communication qui portent atteinte à l'ordre public et aux droits des tiers. Cependant, la liberté d'expression et de communication est d'autant plus précieuse que son exercice est une condition de la démocratie et l'une des garanties du respect des autres droits et libertés. Il s'ensuit que les atteintes portées à l'exercice de cette liberté doivent être nécessaires, adaptées et proportionnées à l'objectif poursuivi.
    13. Le 13° du paragraphe II de l'article 131-26-2 du code pénal introduit par l'article 1er prévoit que l'inéligibilité est obligatoirement prononcée pour certains délits de presse punis d'une peine d'emprisonnement. Or, la liberté d'expression revêt une importance particulière dans le débat politique et dans les campagnes électorales. Dès lors, pour condamnables que soient les abus dans la liberté d'expression visés par ces dispositions, en prévoyant l'inéligibilité obligatoire de leur auteur, le législateur a porté à la liberté d'expression une atteinte disproportionnée. Par conséquent, le dix-huitième alinéa du paragraphe I de l'article 1er est contraire à la Constitution.
    14. Sous la réserve énoncée au paragraphe 11, le reste du paragraphe I de l'article 1er, qui n'est pas entaché d'incompétence négative et ne méconnaît ni le principe de légalité des délits et des peines ni aucune autre exigence constitutionnelle, est conforme à la Constitution.


    - Sur certaines dispositions de l'article 3 :


    15. L'article 3 donne une nouvelle rédaction à l'article 4 quater de l'ordonnance du 17 novembre 1958 mentionnée ci-dessus. L'avant-dernier alinéa de cet article 4 quater dispose que chaque assemblée, après consultation de l'organe chargé de la déontologie parlementaire, détermine les modalités de tenue d'un registre public recensant les cas dans lesquels un membre de cette assemblée a estimé devoir ne pas participer à ses travaux en raison d'une situation de conflit d'intérêts. Le dernier alinéa de cet article 4 quater prévoit que ce registre est publié par voie électronique, dans un standard ouvert, aisément réutilisable et exploitable par un système de traitement automatisé.
    16. Selon les députés requérants, ces dispositions, qui pourraient notamment empêcher les membres du Parlement de « prendre position sur un dossier », seraient contraires aux articles 3, 26, 27 et 44 de la Constitution ainsi qu'au principe de la séparation des pouvoirs.
    17. Selon l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution ».
    18. Les dispositions contestées ont pour seul objet d'instituer, dans chaque assemblée, un registre public recensant, à l'issue des débats parlementaires, les cas dans lesquels l'un de ses membres, en situation de conflit d'intérêts, « a estimé devoir » ne pas participer, en commission ou en séance publique, aux délibérations ou aux votes de cette assemblée. Elles n'ont ainsi ni pour objet ni pour effet de contraindre un parlementaire à ne pas participer aux travaux du Parlement.
    19. Par conséquent, le grief tiré de la méconnaissance du principe de la séparation des pouvoirs doit être écarté. Les deux derniers alinéas de l'article 3, qui ne contreviennent ni aux dispositions des articles 3, 26, 27 et 44 de la Constitution, ni à aucune autre exigence constitutionnelle, sont donc conformes à la Constitution.


    - Sur les articles 11, 14, 15, 16 et 17 :


    20. Le paragraphe I de l'article 11 interdit à un membre du Gouvernement de compter parmi les membres de son cabinet son conjoint, son partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou son concubin ; ses parents ou les parents de son conjoint, de son partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou de son concubin ; ses enfants ou les enfants de son conjoint, de son partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou de son concubin. La méconnaissance de cette obligation est réprimée de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende.
    21. Le paragraphe II de ce même article prévoit qu'un membre du Gouvernement doit informer sans délai la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique lorsqu'il compte dans son cabinet son frère ou sa sœur, ou le conjoint, le partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou le concubin de ceux-ci ; l'enfant de son frère ou de sa sœur, ou le conjoint, le partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou le concubin de cet enfant ; son ancien conjoint, la personne ayant été liée à lui par un pacte civil de solidarité ou son ancien concubin, ou l'enfant, le frère ou la sœur de ces dernières personnes ; le frère ou la sœur de son conjoint, de son partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou de son concubin.
    22. Le paragraphe III impose au membre du cabinet ministériel ayant un lien familial au sens des paragraphes I et II avec un autre membre du Gouvernement d'en informer sans délai le membre du Gouvernement dont il est le collaborateur et la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.
    23. Le paragraphe IV prévoit que la Haute Autorité, lorsqu'elle constate qu'un membre du Gouvernement compte parmi les membres de son cabinet une personne mentionnée aux paragraphes II et III « d'une manière qui serait susceptible de constituer un conflit d'intérêts », peut faire usage du pouvoir d'injonction prévu à l'article 10 de la loi du 11 octobre 2013 mentionnée ci-dessus pour faire cesser cette situation.
    24. Les articles 14, 15, 16 et 17 prévoient des interdictions, peines et obligations similaires pour les membres du Parlement s'agissant de leurs collaborateurs, pour les autorités territoriales s'agissant des membres de leur cabinet, pour les maires d'une commune de la Nouvelle-Calédonie ou de la Polynésie française et les présidents d'un groupement de communes de ces collectivités s'agissant des membres de leur cabinet.
    25. L'article 14 prévoit cependant, à la différence du régime prévu par l'article 11, que le député ou le sénateur employant comme collaborateur un membre de sa famille mentionné au paragraphe 21 de la présente décision informe non la Haute Autorité mais le bureau et l'organe chargé de la déontologie parlementaire de l'assemblée à laquelle il appartient. De la même manière, le collaborateur parlementaire ayant un lien familial avec un autre député ou sénateur est tenu d'en informer sans délai le député ou le sénateur dont il est le collaborateur, le bureau et l'organe chargé de la déontologie parlementaire. Par ailleurs, ce dernier dispose d'un pouvoir d'injonction pour faire cesser une situation irrégulière.
    26. Selon les députés requérants, l'article 11 méconnaîtrait le principe de la séparation des pouvoirs dès lors qu'il n'appartient pas au législateur de réglementer la composition ou le fonctionnement des cabinets ministériels. L'article 14 méconnaîtrait également l'autonomie des assemblées parlementaires dès lors, d'une part, que celle-ci implique une liberté de choix de ses collaborateurs par un parlementaire et, d'autre part, que relève des seules assemblées la définition des règles applicables à l'emploi de ces collaborateurs.
    27. Par ailleurs, en interdisant le recrutement de membres de sa famille comme collaborateurs, les articles 11 et 14 à 17 introduiraient une différence de traitement entre les employeurs, mais aussi entre les salariés, contraire au principe d'égalité devant la loi. Ils contreviendraient également à la liberté d'accéder à l'emploi, à l'égal accès aux emplois publics et à la liberté contractuelle. En outre, en faisant obstacle à la possibilité pour un élu d'épouser son collaborateur, les articles 14 à 17 violeraient la liberté du mariage. De la même manière, en contraignant une personne à dévoiler sa paternité, ces articles méconnaîtraient le droit au respect de la vie privée.


    En ce qui concerne l'article 11 :
    - S'agissant du principe de la séparation des pouvoirs et des exigences tirées des articles 8 et 20 de la Constitution :


    28. Aux termes des deux premiers alinéas de l'article 20 de la Constitution : « Le Gouvernement détermine et conduit la politique de la Nation. - Il dispose de l'administration et de la force armée ». Le principe de la séparation des pouvoirs s'applique à l'égard du Gouvernement.
    29. L'article 8 de la Constitution dispose que le Président de la République nomme les membres du Gouvernement et met fin à leurs fonctions.
    30. D'une part, l'interdiction d'emploi pénalement sanctionnée prévue par les dispositions du paragraphe I de l'article 11 ne porte que sur un nombre limité de personnes. Ces dispositions ne privent ainsi pas le ministre de son autonomie dans le choix de ses collaborateurs. Dès lors, elles ne méconnaissent ni le principe de la séparation des pouvoirs, ni l'article 20 de la Constitution.
    31. D'autre part, le principe de la séparation des pouvoirs ne fait pas obstacle à ce que la loi soumette les membres du Gouvernement à l'obligation de déclarer à une autorité administrative indépendante les membres de leur famille employés au sein de leur cabinet ni à ce que cette autorité se prononce sur l'existence d'un conflit d'intérêts résultant de cette situation. Les paragraphes II et III, qui imposent uniquement des obligations déclaratives aux membres du Gouvernement et aux membres des cabinets ministériels, ne méconnaissent donc pas le principe de la séparation des pouvoirs.
    32. En revanche, les dispositions du paragraphe IV de l'article 11 habilitent la Haute Autorité à adresser une injonction, dont la méconnaissance est pénalement sanctionnée en application du paragraphe II de l'article 26 de la loi du 11 octobre 2013, tendant à ce qu'il soit mis fin à une situation de conflit d'intérêts découlant de l'existence d'un lien familial au sens des paragraphes I et II. Or, dès lors que le conflit d'intérêts naît de l'existence d'un lien familial, le destinataire de l'injonction ne pourra mettre fin à la situation dénoncée qu'en démissionnant de ses fonctions ou, le cas échéant, en mettant fin à l'emploi de son collaborateur. Dès lors, en confiant un tel pouvoir à une autorité administrative indépendante, le législateur a méconnu les exigences constitutionnelles précitées. Le paragraphe IV de l'article 11 et, par voie de conséquence, les mots « et IV » figurant au paragraphe V de ce même article sont contraires à la Constitution.


    - S'agissant du principe d'égalité devant la loi ou dans l'accès aux emplois publics :


    33. Aux termes de l'article 6 de la Déclaration de 1789 : « La loi… doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse. Tous les citoyens étant égaux à ses yeux sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents ». Le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit. En outre, il découle de cet article le principe d'égal accès aux emplois publics.
    34. Le principe d'égal accès aux emplois publics ne s'oppose pas à ce que soient appliqués des traitements différents à des personnes se trouvant dans des situations différentes dès lors que cette différence de situation présente un caractère objectif et qu'elle est motivée par la nécessité d'éviter des conflits d'intérêts.
    35. En premier lieu, en interdisant à un ministre de recruter comme collaborateur au sein de son cabinet les membres de sa famille proche et en lui imposant de déclarer à la Haute Autorité l'emploi au sein de son cabinet d'autres membres de sa famille, le législateur a souhaité accroître la confiance des citoyens dans l'action publique en renforçant les garanties de probité des responsables publics et en limitant les situations de conflit d'intérêts et les risques de népotisme. Il a poursuivi un objectif d'intérêt général.
    36. En second lieu, en distinguant les membres de la famille proche, certains autres membres de la famille et les autres personnes, le législateur a pris en compte les risques de conflits d'intérêts pouvant naître de l'emploi, rémunéré sur des fonds publics, d'une personne présentant des liens très proches avec celle décidant de son recrutement. De la même manière, il ressort des travaux parlementaires qu'en imposant une obligation déclarative au membre de cabinet ministériel ayant un lien familial avec un membre du Gouvernement autre que celui dont il est le collaborateur, le législateur a entendu prendre en compte les risques de conflit d'intérêts résultant d'« emplois croisés ». La distinction ainsi opérée repose sur des critères objectifs et rationnels en rapport direct avec l'objet de la loi.
    37. Il résulte de ce qui précède que le reste de l'article 11 ne méconnaît ni le principe d'égalité devant la loi ni celui d'égal accès aux emplois publics.


    - S'agissant des autres griefs :


    38. Le reste de l'article 11, qui ne méconnaît ni le droit pour chacun d'obtenir un emploi, ni la liberté contractuelle, ni aucune autre exigence constitutionnelle est conforme à la Constitution.


    En ce qui concerne l'article 14 :
    - S'agissant du principe de la séparation des pouvoirs :


    39. D'une part, l'interdiction d'emploi introduite par la loi déférée au paragraphe I de l'article 8 quater de l'ordonnance du 17 novembre 1958 ne porte que sur un nombre limité de personnes. Les dispositions de ce paragraphe ne privent ainsi pas le député ou le sénateur de son autonomie dans le choix de ses collaborateurs. Dès lors, elles ne méconnaissent pas le principe de la séparation des pouvoirs.
    40. D'autre part, ce principe ne fait pas obstacle à ce que la loi soumette les députés ou les sénateurs à l'obligation de déclarer au bureau ou à l'organe chargé de la déontologie parlementaire de l'assemblée à laquelle ils appartiennent les membres de leur famille employés par eux comme collaborateur parlementaire. Il ne s'oppose pas non plus à ce que cet organe, dont le statut et les règles de fonctionnement sont déterminés par chaque assemblée, se prononce sur l'existence d'un manquement aux règles de déontologie résultant de cette situation et adresse des injonctions, dont la méconnaissance n'est pas pénalement sanctionnée, aux fins de faire cesser cette situation. Les paragraphes II, III et IV de l'article 8 quater ne méconnaissent donc pas le principe de la séparation des pouvoirs.


    - S'agissant des autres griefs :


    41. Pour les raisons énoncées aux paragraphes 35 et 36, l'article 14 ne méconnaît pas le principe d'égalité garanti par l'article 6 de la Déclaration de 1789. Il ne méconnaît pas non plus le droit pour chacun d'obtenir un emploi, ni la liberté contractuelle, la liberté du mariage, le droit au respect de la vie privée, ni aucune autre exigence constitutionnelle. Il est conforme à la Constitution.


    En ce qui concerne les articles 15, 16 et 17 :


    42. Le troisième alinéa de l'article 72 de la Constitution dispose que, dans les conditions prévues par la loi, les collectivités territoriales s'administrent librement « par des conseils élus ».
    43. D'une part, pour les raisons énoncées au paragraphe 30, l'interdiction d'employer un membre de sa famille comme membre de son cabinet prévue par les articles 15, 16 et 17 en ce qui concerne une autorité territoriale, le maire d'une commune de la Nouvelle-Calédonie ou de la Polynésie française et le président d'un groupement de communes de ces collectivités, ne méconnaît pas le troisième alinéa de l'article 72 de la Constitution.
    44. D'autre part, ces mêmes dispositions constitutionnelles ne font pas obstacle à ce que ces articles soumettent ces personnes à l'obligation de déclarer à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique les membres de leur famille employés au sein de leur cabinet ni à ce que cette autorité se prononce sur l'existence d'un conflit d'intérêts résultant de cette situation. En revanche, pour les raisons énoncées au paragraphe 32, en confiant à cette autorité le pouvoir d'adresser une injonction pour faire cesser cette situation, le législateur a méconnu le troisième alinéa de l'article 72 de la Constitution. Dès lors, l'avant-dernier alinéa du 2° du paragraphe I de l'article 15 et les mots « et IV » figurant au dernier alinéa de ce 2°, l'avant-dernier alinéa du 1° de l'article 16 et les mots « et III » figurant au dernier alinéa de ce 1°, l'avant-dernier alinéa du 2° de l'article 17 et les mots « et IV » figurant au dernier alinéa de ce 2° sont contraires à la Constitution.
    45. Le reste des articles 15, 16 et 17, pour les raisons énoncées précédemment, ne méconnaissent pas le principe d'égalité. Ils ne méconnaissent pas non plus le principe de la séparation des pouvoirs, le droit pour chacun d'obtenir un emploi, la liberté contractuelle, la liberté du mariage, le droit au respect de la vie privée, ni aucune autre exigence constitutionnelle. Ils sont conformes à la Constitution.


    - Sur certaines dispositions de l'article 12 :


    46. L'article 12 insère un article 8 bis dans l'ordonnance du 17 novembre 1958, relatif à l'emploi de collaborateurs par les députés et les sénateurs. Le paragraphe III de cet article 8 bis prévoit que le bureau de chaque assemblée s'assure de la mise en œuvre d'un dialogue social entre les représentants des parlementaires employeurs et les représentants des collaborateurs parlementaires.
    47. Les députés requérants estiment que ces dispositions violent les principes de la séparation des pouvoirs et de l'autonomie des assemblées parlementaires.
    48. En adoptant les dispositions contestées, le législateur, compétent pour déterminer les principes fondamentaux du droit du travail en application de l'article 34 de la Constitution, a entendu confier au bureau de chaque assemblée le soin de s'assurer de la mise en œuvre de négociations, de consultations ou simplement d'échanges d'informations entre les représentants des parlementaires employeurs et ceux des collaborateurs parlementaires. Par conséquent, ces dispositions ne portent pas d'atteinte au principe de la séparation des pouvoirs garanti par l'article 16 de la Déclaration de 1789.
    49. Le dernier alinéa de l'article 12, qui ne méconnaît aucune autre exigence constitutionnelle, est donc conforme à la Constitution.


    - Sur l'article 13 :


    50. L'article 13 insère un article 8 ter dans l'ordonnance du 17 novembre 1958, prévoyant que les parlementaires, dès lors qu'ils en sont informés, avisent le bureau de leur assemblée des fonctions exercées par leurs collaborateurs au sein d'un parti ou d'un groupement politique. Cet article prévoit également que les parlementaires, dès lors qu'ils en sont informés, avisent le bureau de leur assemblée des activités de collaborateurs au profit de représentants d'intérêts.
    51. Selon les députés requérants, ces dispositions, qui obligeraient à dévoiler une appartenance politique, méconnaîtraient le libre exercice de l'activité des partis politiques protégé par l'article 4 de la Constitution. Elles seraient par ailleurs entachées d'incompétence négative.
    52. Aux termes du premier alinéa de l'article 4 de la Constitution : « Les partis et groupements politiques concourent à l'expression du suffrage. Ils se forment et exercent leur activité librement. Ils doivent respecter les principes de la souveraineté nationale et de la démocratie ».
    53. Les dispositions contestées imposent aux parlementaires de déclarer auprès du bureau de leur assemblée, pour autant qu'ils en aient connaissance, les fonctions exercées par leurs collaborateurs au sein de partis ou de groupements politiques. Ces dispositions, qui visent à éviter des détournements dans l'utilisation du crédit affecté à la rémunération des collaborateurs parlementaires, ne font peser sur ces derniers aucune obligation d'informer le parlementaire employeur des fonctions que, le cas échéant, ils exercent au sein d'un parti ou d'un groupement politique, ni de les rendre publiques. Le grief tiré de la méconnaissance de l'article 4 de la Constitution doit donc en tout état de cause être écarté.
    54. Par conséquent, l'article 13, qui n'est pas entaché d'incompétence négative et ne contrevient à aucune autre exigence constitutionnelle, est conforme à la Constitution.


    - Sur l'article 18 :


    55. Les paragraphes I et II de l'article 18 prévoient les conditions dans lesquelles prennent fin, respectivement, les contrats des collaborateurs parlementaires ou ceux des membres de cabinet d'une autorité territoriale tombant, lors de la publication de la loi, sous le coup des nouvelles interdictions d'emploi de membre de sa famille. Le paragraphe I précise en outre que, dans ce cas, la rupture du contrat constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement et que le collaborateur du parlementaire a droit, à ce titre, à l'indemnité de licenciement et aux indemnités compensatrices de congés ou de préavis prévues par le code du travail. Ces indemnités sont alors à la charge de l'assemblée parlementaire.
    56. Selon les députés requérants, en prévoyant la fin de contrats de travail en cours, l'article 18 méconnaîtrait la liberté contractuelle et le droit au maintien des conventions légalement conclues.
    57. Le législateur ne saurait porter aux contrats légalement conclus une atteinte qui ne soit justifiée par un motif d'intérêt général suffisant sans méconnaître les exigences résultant de l'article 4 de la Déclaration de 1789.
    58. Le licenciement des collaborateurs tombant sous le coup des interdictions d'emplois prévues par la loi déférée est inhérent à l'édiction de ces interdictions, qui sont d'ailleurs pénalement sanctionnées. Or, ainsi qu'il a été indiqué précédemment, ces interdictions visent à accroître la confiance des citoyens dans l'action publique en renforçant les garanties de probité et d'exemplarité des responsables publics et en limitant les situations de conflit d'intérêts et les risques de népotisme. De tels motifs d'intérêt général sont de nature à justifier la rupture des contrats de travail en cours. Par conséquent, le grief tiré de l'atteinte portée aux exigences résultant de l'article 4 de la Déclaration de 1789 doit être écarté.
    59. Il résulte de ce qui précède que l'article 18, qui n'est contraire à aucune autre exigence constitutionnelle, est conforme à la Constitution.


    - Sur l'article 22 :


    60. Le paragraphe I de l'article 22 autorise le Président de la République à solliciter certaines informations relatives aux personnes dont la nomination comme membre du Gouvernement est envisagée. Il peut ainsi interroger le président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique sur la situation de l'intéressé au regard des conflits d'intérêts et sur le respect de ses obligations déclaratives auprès de ladite autorité. Il peut demander à l'administration fiscale d'attester si l'intéressé satisfait ou non aux obligations de déclaration et de paiement d'impôts dont il est redevable. Enfin, il peut obtenir communication du bulletin n° 2 de son casier judiciaire. Le paragraphe II de l'article 22 prévoit que le Premier ministre est également destinataire des informations transmises relatives à des personnes dont la nomination au Gouvernement est envisagée.
    61. Selon les députés requérants, en permettant au Président de la République d'obtenir certaines informations sensibles sur des personnes dont la nomination comme membre du Gouvernement est seulement envisagée, le législateur serait resté en deçà de sa compétence et aurait méconnu le droit au respect de la vie privée ainsi que les droits de l'opposition, si ces informations concernaient un adversaire politique. Les députés requérants soutiennent également que la procédure retenue, qui est aux mains du Président de la République alors que la nomination des autres membres du Gouvernement intervient sur proposition du Premier ministre, méconnaîtrait le second alinéa de l'article 8 de la Constitution.


    En ce qui concerne le grief tiré de la méconnaissance du droit au respect de la vie privée :


    62. La liberté proclamée par l'article 2 de la Déclaration de 1789 implique le droit au respect de la vie privée. Par suite, la collecte, l'enregistrement, la conservation, la consultation et la communication de données à caractère personnel doivent être justifiés par un motif d'intérêt général et mis en œuvre de manière adéquate et proportionnée à cet objectif.
    63. En premier lieu, en permettant au Président de la République ainsi que, pour la nomination des autres membres du Gouvernement, au Premier ministre de recueillir des informations sur les personnes dont la nomination est envisagée, le législateur a souhaité leur donner les moyens de s'assurer de la probité des intéressés. Il a ainsi poursuivi un objectif d'intérêt général.
    64. En second lieu, les informations susceptibles d'être ainsi transmises à la demande du Président de la République portent exclusivement sur la situation des intéressés en matière pénale ou fiscale ou en matière de conflit d'intérêts et d'obligations déclaratives de patrimoine ou d'intérêts. Elles ne concernent qu'un ensemble restreint de personnes dont la nomination est envisagée comme membre du Gouvernement. Les modalités d'information ainsi retenues par le législateur sont donc adéquates et proportionnées à l'objectif poursuivi.
    65. Il résulte de ce qui précède que le grief tiré de la méconnaissance du droit au respect de la vie privée doit être écarté.


    En ce qui concerne le grief tiré de la méconnaissance du deuxième alinéa de l'article 8 de la Constitution :


    66. En vertu du deuxième alinéa de l'article 8 de la Constitution, « Sur la proposition du Premier ministre », le Président de la République « nomme les autres membres du Gouvernement et met fin à leurs fonctions ».
    67. Le Président de la République étant seul compétent pour nommer les membres du Gouvernement, le législateur pouvait, sans méconnaître les exigences constitutionnelles précitées, et même si cette compétence s'exerce, pour les autres membres du Gouvernement, sur proposition du Premier ministre, confier au seul Président de la République l'initiative de la procédure d'information instaurée par l'article 22, dès lors qu'il prévoyait que le Premier ministre serait destinataire des mêmes informations s'agissant de la nomination des autres membres du Gouvernement.
    68. Il résulte de tout ce qui précède que l'article 22, qui n'est pas non plus entaché d'incompétence négative ni contraire à aucune autre exigence constitutionnelle, est conforme à la Constitution.


    - Sur l'article 23 :


    69. L'article 23 prévoit que les conditions, les modalités et les limites de la prise en charge des frais de réception et de représentation des membres du Gouvernement sont définies par décret en Conseil d'Etat.
    70. Selon les députés requérants, cet article, qui concerne l'activité des ministres, violerait le principe de la séparation des pouvoirs et l'article 34 de la Constitution.
    71. L'article 23, qui impose au Premier ministre de prendre un décret en Conseil d'Etat déterminant les conditions de prise en charge des frais de représentation et de réception des membres du Gouvernement, méconnaît le principe de la séparation des pouvoirs. Il est donc contraire à la Constitution.


    - Sur l'article 30 :


    72. L'article 30 habilite le Gouvernement à adopter, par ordonnance, les mesures relevant du domaine de la loi nécessaires pour que les candidats, les partis et les groupements politiques puissent, à compter du 1er novembre 2018 et en cas de défaillance avérée du marché bancaire, obtenir les prêts, avances ou garanties requises pour financer les campagnes électorales nationales et européennes. Il précise que le dispositif retenu par le Gouvernement peut notamment prendre la forme d'une structure dédiée dont l'ordonnance préciserait les règles de fonctionnement, dans des conditions garantissant à la fois l'impartialité des décisions prises et la viabilité financière.
    73. Selon les députés requérants, l'habilitation ainsi donnée au Gouvernement serait, en raison de son imprécision, contraire aux exigences de l'article 38 de la Constitution. Par ailleurs, l'étude d'impact correspondant à cet article 30 ne satisferait pas aux exigences de l'article 39 de la Constitution et de la loi organique du 15 avril 2009 mentionnée ci-dessus.


    En ce qui concerne la partie de l'étude d'impact jointe au projet de loi relative à l'article 30 :


    74. Aux termes des troisième et quatrième alinéas de l'article 39 de la Constitution : « La présentation des projets de loi déposés devant l'Assemblée nationale ou le Sénat répond aux conditions fixées par une loi organique. - Les projets de loi ne peuvent être inscrits à l'ordre du jour si la Conférence des présidents de la première assemblée saisie constate que les règles fixées par la loi organique sont méconnues. En cas de désaccord entre la Conférence des présidents et le Gouvernement, le président de l'assemblée intéressée ou le Premier ministre peut saisir le Conseil constitutionnel qui statue dans un délai de huit jours ». Aux termes du premier alinéa de l'article 8 de la loi organique du 15 avril 2009 : « Les projets de loi font l'objet d'une étude d'impact. Les documents rendant compte de cette étude d'impact sont joints aux projets de loi dès leur transmission au Conseil d'État. Ils sont déposés sur le bureau de la première assemblée saisie en même temps que les projets de loi auxquels ils se rapportent ». Selon le premier alinéa de l'article 9 de la même loi organique, la Conférence des présidents de l'assemblée sur le bureau de laquelle le projet de loi a été déposé dispose d'un délai de dix jours suivant le dépôt pour constater que les règles relatives aux études d'impact sont méconnues.
    75. Le projet de loi a été déposé le 14 juin 2017 sur le bureau du Sénat et la Conférence des présidents du Sénat n'a été saisie d'aucune demande tendant à constater que les règles relatives aux études d'impact étaient méconnues. Le grief tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la loi organique du 15 avril 2009 doit donc être écarté.


    En ce qui concerne la méconnaissance de l'article 38 de la Constitution :


    76. Aux termes du premier alinéa de l'article 38 de la Constitution : « Le Gouvernement peut, pour l'exécution de son programme, demander au Parlement l'autorisation de prendre par ordonnances, pendant un délai limité, des mesures qui sont normalement du domaine de la loi ». Cette disposition fait obligation au Gouvernement d'indiquer avec précision au Parlement, afin de justifier la demande qu'il présente, la finalité des mesures qu'il se propose de prendre par voie d'ordonnances ainsi que leur domaine d'intervention.
    77. L'habilitation conférée par les dispositions précitées, qui vise à favoriser l'accès au crédit des candidats, partis et groupement politiques, en vue du financement des campagnes électorales nationales et européennes, est précisément définie dans son domaine et dans ses finalités et ne méconnaît pas les exigences qui résultent de l'article 38 de la Constitution.
    78. Il résulte de tout ce qui précède que l'article 30, qui n'est contraire à aucune autre exigence constitutionnelle, est conforme à la Constitution.


    - Sur la place d'autres dispositions dans la loi déférée :


    79. Aux termes de la dernière phrase du premier alinéa de l'article 45 de la Constitution : « Sans préjudice de l'application des articles 40 et 41, tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis ».
    80. L'article 7 prévoit la remise au Parlement d'un rapport du Gouvernement sur le remboursement des indemnités perçues par certains fonctionnaires au cours de leur scolarité. Introduites en première lecture au Sénat, ces dispositions ne présentent pas de lien, même indirect, avec celles qui figuraient dans le projet de loi déposé sur le bureau du Sénat. Adoptées selon une procédure contraire à la Constitution, elles lui sont donc contraires.


    - Sur d'autres dispositions :


    81. L'article 9 modifie l'article 6 de la loi du 11 octobre 2013, le quatrième alinéa du paragraphe V de l'article L. 4122-8 du code de la défense ainsi que le quatrième alinéa du paragraphe V de l'article 25 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 mentionnée ci-dessus, pour prévoir que la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique peut exercer directement le droit de communication de certains documents ou renseignement, reconnu à l'administration fiscale à la section I du chapitre II du titre II de la première partie du livre des procédures fiscales, afin de recueillir toutes informations utiles à l'accomplissement de sa mission de contrôle.
    82. Au nombre des prérogatives de communication conférées par l'article 9 à la Haute Autorité compte, par renvoi à l'article L. 96 G du livre des procédures fiscales, le droit de se faire communiquer les données de connexion détenues par les opérateurs de communications électroniques, les fournisseurs d'accès à un service de communication au public en ligne ou les hébergeurs de contenu sur un tel service. Le paragraphe VI de l'article L. 34-1 du code des postes et des communications électroniques prévoit que les données de connexion détenues par les opérateurs de communications électroniques « portent exclusivement sur l'identification des personnes utilisatrices des services fournis par les opérateurs, sur les caractéristiques techniques des communications assurées par ces derniers et sur la localisation des équipements terminaux ». Ces données « ne peuvent en aucun cas porter sur le contenu des correspondances échangées ou des informations consultées, sous quelque forme que ce soit, dans le cadre de ces communications ». En vertu du premier alinéa du paragraphe II de l'article 6 de la loi du 21 juin 2004 mentionnée ci-dessus, les fournisseurs d'accès et les hébergeurs « détiennent et conservent les données de nature à permettre l'identification de quiconque a contribué à la création du contenu ou de l'un des contenus des services dont elles sont prestataires ».
    83. La communication des données de connexion est de nature à porter atteinte au droit au respect de la vie privée des personnes faisant l'objet du contrôle. Faute d'avoir assorti la procédure prévue par les dispositions en cause de garanties suffisantes, le législateur a porté une atteinte disproportionnée à ce droit.
    84. Par conséquent, l'article 9 est contraire à la Constitution.


    - Sur les autres dispositions :


    85. Le Conseil constitutionnel n'a soulevé d'office aucune autre question de conformité à la Constitution et ne s'est donc pas prononcé sur la constitutionnalité des autres dispositions que celles examinées dans la présente décision.


    Le Conseil constitutionnel décide :


  • Sont contraires à la Constitution les dispositions suivantes de la loi pour la confiance dans la vie politique :


    - le dix-huitième alinéa du paragraphe I de l'article 1er ;
    - l'article 7 ;
    - l'article 9 ;
    - le paragraphe IV de l'article 11 et les mots « et IV » figurant au paragraphe V de ce même article ;
    - l'avant-dernier alinéa du 2° du paragraphe I de l'article 15 et les mots « et IV » figurant au dernier alinéa de ce 2° ;
    - l'avant-dernier alinéa du 1° de l'article 16 et les mots « et III » figurant au dernier alinéa de ce 1° ;
    - l'avant-dernier alinéa du 2° de l'article 17 et les mots « et IV » figurant au dernier alinéa de ce 2° ;
    - l'article 23.


  • Sous la réserve énoncée au paragraphe 11, le reste du paragraphe I de l'article 1er de la même loi est conforme à la Constitution.


  • Sont conformes à la Constitution les dispositions suivantes de la même loi :


    - les deux derniers alinéas de l'article 3 ;
    - le reste des articles 11, 15, 16 et 17 ;
    - le dernier alinéa de l'article 12 ;
    - l'article 13 ;
    - l'article 14 ;
    - l'article 18 ;
    - l'article 22 ;
    - l'article 30.


  • Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française.


  • Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 7 septembre 2017, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Michel CHARASSE, Jean-Jacques HYEST, Lionel JOSPIN, Mmes Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI et M. Michel PINAULT.
    Rendu public le 8 septembre 2017.

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