Dossiers législatifs

LOI n° 2012-1270 du 20 novembre 2012 relative à la régulation économique outre-mer et portant diverses dispositions relatives aux outre-mer

Exposé des motifs

Projet de loi relatif à la régulation économique outre-mer et portant diverses dispositions relatives à l'outre-mer

NOR : OMEX1230288L

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Dans les collectivités territoriales d'outre-mer, et plus particulièrement encore dans les départements et régions d'outre-mer, les économies locales se caractérisent par des marchés naturels étroits, éloignés de la métropole, peu ouverts sur leur environnement régional, très cloisonnés. Les économies insulaires se prêtent ainsi à deux types d'organisation de marchés qui ne se retrouvent pas dans les économies d'Europe continentale à un même degré de sensibilité, à savoir d'une part, des monopoles ou oligopoles liés à l'étroitesse du marché (grande distribution, transport aérien, carburant, oxygène médical...) et d'autre part, des monopoles ou oligopoles liés aux réseaux d'acheminement (fret, port, grossistes et importateurs....). Ainsi, les conditions d'une concurrence saine peuvent être affectées tant d'un point de vue horizontal par la présence de peu d'acteurs sur un même marché, que d'un point de vue vertical par ce même phénomène qui se retrouve à plusieurs étapes d'une même filière.

Si les solutions à apporter aux difficultés structurelles que rencontrent les économies ultramarines sont de nature multiple, il ressort de l'analyse de leurs caractéristiques que l'un des moyens d'amélioration consiste à s'attacher à faciliter le jeu de la concurrence et à s'intéresser aux conditions de fonctionnement des marchés locaux, aux mesures permettant de renforcer la transparence des prix, en particulier dans la comparaison entre les prix pratiqués en métropole et ceux pratiqués dans les départements d'outre-mer, aux outils réglementaires et aux moyens dont dispose l'État pour agir en faveur d'une plus grande transparence de la concurrence et sanctionner la méconnaissance des prescriptions réglementaires fixées par le Gouvernement. C'est l'objet du premier chapitre du projet de loi.

Le second chapitre regroupe les dispositions qui traduisent le travail d'extension des normes outre-mer par le recours aux ordonnances des articles 38 et 74-1 de la Constitution, la mise en œuvre de certains dispositifs propres aux collectivités d'outre-mer (procédure d'homologation des peines édictées par des lois du pays prises dans les domaines de compétence partagée avec l'Etat) et, enfin, le besoin des mesures spécifiques tenant aux caractéristiques ultramarines.

Les dispositions du chapitre Ier du présent projet de loi relatives à la régulation économique outre-mer modifient, d'une part, le code de commerce, afin de mettre en œuvre des mesures d'organisation des marchés pour corriger les situations de monopoles et affirmer les pouvoirs de l'Autorité de la concurrence au titre des pratiques anticoncurrentielles, et, d'autre part, le code des postes et des communications électroniques s'agissant des réseaux publics de communications mobiles intra-nationales.

L'article 1er prévoit les mesures permettant d'imposer aux monopoles ou oligopoles privés des obligations d'accès aux biens indispensables à la concurrence sur les marchés aval et, pour cet accès, de définir des principes tarifaires objectifs et non discriminatoires. Il donne, en outre, les moyens de sanctionner la méconnaissance des prescriptions réglementaires fixées par le Gouvernement. A ce titre, il est renvoyé à l'Autorité de la concurrence et aux procédures prévues pour les modalités de saisine et d'instruction des affaires.

L'article 2 permet d'interdire les clauses des contrats commerciaux qui ont pour objet ou pour effet d'accorder des droits d'importation à un opérateur, sauf lorsqu'elles sont justifiées par des motifs objectifs tirés de l'efficacité économique au bénéfice du consommateur.

L'article 3 dote les collectivités territoriales de la faculté de saisir l'Autorité de la concurrence pour lutter contre les pratiques anticoncurrentielles dans leurs territoires respectifs. Compte tenu de leur implication dans la vie économique locale, il apparaît légitime de donner aux exécutifs locaux la possibilité d'agir contre les pratiques de nature à altérer le jeu de la concurrence.

L'article 4 abaisse à 5 M€ le seuil de 7,5 M€ pour le contrôle des concentrations dans le commerce de détail en outre-mer. En métropole, un seuil trois fois plus bas a été retenu pour la distribution de détail par rapport aux autres secteurs économiques (15 M€ / 50M€). Par symétrie, un seuil de 5 M€ est envisagé pour le commerce de détail, en cohérence avec le seuil de 15 M€ applicable aux autres secteurs économiques en outre-mer. Cette diminution du seuil de concentration permettrait de contrôler quasiment toutes les opérations portant sur des surfaces de ventes supérieures à 600 m², sur la base d'un chiffre d‘affaires réaliste de 8 000 à 9 000 €/m².

L'article 5 donne à l'Autorité de la concurrence un pouvoir d'injonction structurelle en matière de grande distribution, pour l'outre-mer. Un tel outil est indispensable pour permettre la remise en cause de situations acquises qui, sans cela, ne pourraient être examinées par l'Autorité que dans le cadre d'une procédure contentieuse.

L'article 6 modifie le code des postes et des communications électroniques, afin d'instituer une base légale permettant à l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) de constater les infractions aux dispositions de l'article L. 34-10 qui prévoit que les obligations nées du règlement n° 717/2007 du 27 juin 2007 concernant l'itinérance sur les réseaux publics de communications mobiles à l'intérieur de la Communauté sur l'itinérance internationale s'imposent aux opérateurs pour ce qui est des communications avec l'outre-mer pour les communications nationales. Cette disposition est rendue nécessaire par le fait que le règlement ne vise que les communications transnationales, à l'exclusion donc des communications intra-nationales.

L'article 7 habilite le Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures étendant à Wallis-et-Futuna, avec les adaptations nécessaires, les dispositions de nature législative intervenues au livre IV du code de commerce depuis le 18 septembre 2000. Ainsi, sera permise la pleine application des dispositions du chapitre Ier du projet de loi.

Le chapitre II comporte les dispositions relatives à la mise en œuvre de la procédure des ordonnances qui permet l'extension des normes en outre-mer, celle des homologation des peines édictées par des lois du pays prises dans les domaines de compétence partagée avec l'Etat et les mesures particulières tenant aux caractéristiques des collectivités d'outre-mer.

Pour tenir compte des spécificités des collectivités territoriales d'outre-mer, caractérisée par une insuffisance d'autofinancement de leur investissement allant même parfois jusqu'à une absence totale de capacité d'autofinancement voire à des situations de déficit structurel, l'article 8 propose d'exclure du champ d'application de l'article L. 1111-10 du code général des collectivités territoriales, qui prévoit la participation minimale des collectivités territoriales au financement des projets dont ils assurent la maîtrise d'ouvrage, les collectivités territoriales et les groupements de collectivités territoriales de Guadeloupe, Guyane, La Réunion, Martinique, Mayotte, Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon.

Dans le cadre de l'adaptation du droit applicable à Mayotte au statut de Département acquis en mars 2011 et de région ultrapériphérique qui sera effectif au 1er janvier 2014 suite à l'accord donné par le Conseil européen le 11 juillet 2012, l'article 9 prévoit d'habiliter le Gouvernement à modifier diverses dispositions par ordonnance.

Il habilite le Gouvernement à modifier l'ordonnance n° 2003-373 du 26 avril 2000 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers à Mayotte, afin de la mettre en conformité avec la législation européenne, dans un délai de dix-huit mois suivant la publication de la loi. Cette réécriture de l'ordonnance aura principalement un impact sur les dispositions relatives au séjour des étrangers (regroupement familial, conditions de circulation sur les territoires français et européen, ...), à leur éloignement, y compris pour des motifs d'ordre public et à leur rétention dans ce cadre.

Il propose de prendre par ordonnance les mesures d'adaptations du code de l'action sociale et des familles dans les domaines de l'adoption et des prestations que sont l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) et la prestation de compensation du handicap (PCH). En effet, une nouvelle habilitation est nécessaire pour achever l'adaptation à Mayotte de l'ensemble des dispositions de ce code.

L'ordonnance n° 2011-1923 du 22 décembre 2011 (dont le présent projet de loi prévoit par ailleurs la ratification) a mis en œuvre, au profit des habitants de Mayotte, certaines avancées vers le droit commun national en matière de sécurité sociale. L'habilitation demandée permettra d'apporter quelques ajustements et compléments aux mesures déjà prises et, au-delà, de poursuivre un rapprochement du droit applicable localement sur le droit commun.

Dans le champ du droit du travail, cette habilitation s'inscrit notamment dans le prolongement de l'ordonnance n° 2012-792 du 7 juin 2012 mettant en œuvre à Mayotte les dispositions relatives au droit syndical et à la représentativité des organisations syndicales. Il convient de compléter ce dispositif pour rendre applicables à Mayotte les dispositions relatives aux élections professionnelles et à la validité des accords préélectoraux en vue de ces élections. Dans le champ de l'emploi et de la formation professionnelle, cette habilitation permet notamment de rendre applicables à Mayotte les dispositions relatives au contrat d'insertion dans la vie civile (CIVIS), à l'insertion par l'activité économique, au maintien, à la reprise et à la création d'entreprises par les demandeurs d'emploi et à la validation des acquis (VAE). Elle permet en outre de rapprocher le droit du travail applicable à Mayotte du droit commun en matière de conditions de travail, de contrat de travail et de lutte contre le travail illégal.

Le dépôt du projet de loi de ratification de chaque ordonnance doit intervenir dans un délai de six mois suivant la publication de l'ordonnance.

L'article 10 vise à homologuer les peines d'emprisonnement prévues dans la réglementation de la Nouvelle-Calédonie ou de la Polynésie française, en application respectivement des dispositions de l'article 87 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie et de l'article 20 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française. En effet, les infractions que ces deux collectivités sont habilitées à créer, dans les matières relevant de leur compétence, par la réglementation locale (lois du pays, délibérations) peuvent être assorties de peines d'emprisonnement, sous réserve de respecter la classification des délits et de ne pas excéder le maximum prévu pour les infractions de même nature par les lois et règlements de la République. Les dispositions statutaires subordonnent l'applicabilité de ces peines d'emprisonnement à leur homologation par la loi.

L'article 11 prévoit la ratification, dans le respect des échéances prévues et conformément aux dispositions des articles 38 et 74-1 de la Constitution, de vingt-six ordonnances spécifiques aux outre-mer dont quinze, énumérées au III de cet article sont prises sur le fondement d'une habilitation prévue par l'article 30 de la loi n° 2010-1487 du 7 décembre 2010 relative au Département de Mayotte. Ces ordonnances soit étendent la législation intéressée dans une mesure et selon une progressivité adaptées aux caractéristiques et contraintes particulières à Mayotte, soit adaptent le contenu de cette législation à ces caractéristiques et contraintes particulières, soit procèdent aux deux opérations.

L'article 12, s'il prévoit que l'article 2 s'applique aux contrats en cours, donne aux parties aux contrats mentionnés par ces dispositions un délai de quatre mois à compter de l'entrée en vigueur de la présente loi pour se mettre en conformité avec les dispositions du nouvel article L. 420-5-1 du code de commerce.

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