Dossiers législatifs

LOI n° 2013-1028 du 15 novembre 2013 relative à l'indépendance de l'audiovisuel public

Exposé des motifs

La loi n° 2009-258 du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision a retiré au Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) le pouvoir de nomination des dirigeants de l'audiovisuel public pour le confier au Président de la République.

Depuis 2009, le mode de nomination des présidents des sociétés nationales de programme fait l'objet de nombreuses critiques.

Dans son principe même, ce mode de nomination jette un doute sur l'indépendance à l'égard du pouvoir exécutif des personnes qu'il s'agit de désigner. Il n'apparaît pas compatible avec les exigences d'une démocratie moderne.

L'autorité de régulation du secteur de la communication audiovisuelle a en effet été, depuis sa création en 1982, et jusqu'en 2009, l'autorité de nomination des présidents des chaînes de télévision et de radio publiques. Ce fut d'ailleurs pendant plus de 25 ans l'une des missions essentielles de l'autorité garantissant l'émancipation du secteur audiovisuel public vis-à-vis du pouvoir exécutif. Le juge constitutionnel y a vu une garantie de son indépendance et de la mise en œuvre effective de la liberté de communication.

C'est pour cette raison que, conformément à l'un des engagements du Président de la République, le projet de loi confie au CSA le soin de désigner les présidents des trois sociétés nationales de programme. Ce faisant, il rétablit le système de nomination qui prévalait jusqu'en 2009.

Ce projet de loi ordinaire s'accompagne d'un projet de loi organique tirant les conséquences de cette réforme.

Par ailleurs, le projet de loi modifie les règles de composition du CSA. Pour améliorer la cohérence de l'action de l'autorité de régulation, le nombre de membres du conseil est réduit de neuf à sept, le Président de la République ne conservant que la prérogative de désignation du président du CSA.

En outre, de manière à renforcer le rôle des parlementaires dans la désignation des membres du CSA, les commissions des affaires culturelles de chaque assemblée sont impliquées dans le choix des membres de l'autorité de régulation par le président de l'Assemblée nationale et le président du Sénat : ces commissions doivent en effet rendre un avis conforme sur ces désignations, dans des conditions de majorité qui garantissent un consensus large entre les principales formations politiques qui les composent.

Enfin, le projet de loi réforme la procédure de sanction applicable devant le Conseil supérieur de l'audiovisuel.

Les développements récents de la jurisprudence européenne comme de la jurisprudence constitutionnelle font peser sur les autorités administratives des exigences croissantes lorsqu'elles mettent en œuvre un pouvoir de sanction.

L'instauration d'un rapporteur indépendant du collège du CSA tient compte de cette évolution. Le déroulement de la procédure de sanction du CSA opérera désormais une distinction claire entre, d'une part, le titulaire des fonctions de poursuites et d'instruction et, d'autre part, le titulaire de la fonction de prononcé de la sanction.

Tel est l'objet du chapitre Ier du projet de loi.

Le chapitre II du projet de loi comporte des dispositions diverses, transitoires ou finales.

Chapitre Ier - modifications de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication

L'article 1er réduit le nombre de membres du CSA de neuf à sept : seul le président du conseil reste nommé par le Président de la République, trois membres étant désignés par le président de l'Assemblée nationale et trois membres par le président du Sénat. Cet article modifie également le mode de nomination des six membres désignés par les présidents des assemblées parlementaires. Afin de renforcer leur indépendance à l'égard de la majorité parlementaire par une procédure de désignation associant l'opposition, ces membres sont nommés après un avis conforme des commissions en charge des affaires culturelles, statuant à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés.

L'article 2 du projet de loi tire les conséquences de la réduction du nombre de membres du CSA pour la détermination des règles de majorité lors des délibérations du conseil.

L'article 3 modifie en profondeur l'actuel article 42-7 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, pour instituer un rapporteur permanent auprès du Conseil supérieur de l'audiovisuel, qui sera chargé des fonctions de poursuites et d'instruction.

La nouvelle procédure de sanction, inspirée de celle en vigueur devant l'Autorité de la concurrence, sépare strictement les fonctions de poursuite et d'instruction d'une part et de prononcé de la sanction d'autre part. Le Conseil demeure compétent pour prononcer celle-ci, mais il ne peut le faire que sur saisine du rapporteur, dont l'indépendance à l'égard du collège du CSA et du secteur audiovisuel est garantie par son statut et les modalités prévues pour sa nomination.

Le rapporteur est ainsi nommé par le vice-président du Conseil d'État, après avis du Conseil supérieur de l'audiovisuel, parmi les membres des juridictions administratives, pour un mandat de quatre ans renouvelable une fois.

Le rapporteur a, seul, autorité pour décider si les faits portés à sa connaissance, notamment par le CSA, ou dont il décide de se saisir, justifient l'engagement d'une procédure de sanction.

Le rapporteur est seul à pouvoir décider ensuite de notifier les griefs aux intéressés et dirige alors à ce titre l'ensemble de l'instruction. Le rapporteur peut mettre fin à la procédure de sanction jusqu'à la notification des griefs. Une fois celle-ci effectuée, il ne peut plus y mettre un terme et doit transmettre pour information au Conseil supérieur de l'audiovisuel cette notification.

Le CSA met à disposition du rapporteur tous les moyens nécessaires à l'exercice de sa mission d'instruction. Une convention précise les conditions de cette mise à disposition et, par dérogation à l'article 7 de la loi du 30 septembre 1986 précitée, afin d'assurer l'indépendance de l'instruction, les agents mis à disposition du rapporteur pour l'exercice de ses missions sont placés, dans cette mesure, sous sa seule autorité.

Il appartient ensuite au rapporteur, au terme de la phase d'instruction, de présenter un rapport au collège et de proposer, le cas échéant, l'adoption d'une sanction.

La procédure est contradictoire : les parties mises en cause peuvent présenter des observations écrites ou orales lors de l'instruction et sont entendues par le Conseil supérieur de l'audiovisuel.

Le rapporteur est entendu par le CSA lors de l'audition de la personne mise en cause mais n'assiste pas au délibéré.

L'article 4 tire les conséquences de cette nouvelle procédure dans plusieurs articles de la loi du 30 septembre 1986 précitée relatifs au pouvoir de sanction du conseil.

L'article 5 modifie le mode de nomination des présidents des sociétés nationales de programme, à savoir la société France Télévisions, la société Radio France et la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France.

Les présidents de ces sociétés ne seront plus nommés par le président de la République, mais par le Conseil supérieur de l'audiovisuel qui se prononce à la majorité de ses membres.

Afin d'associer le Parlement et de porter à sa connaissance le projet de la personne nommée, les présidents nouvellement désignés lui transmettront un rapport d'orientation, dans un délai de deux mois après le début de leur mandat. Les parlementaires pourront, s'ils le souhaitent, auditionner sur ce fondement les présidents après leur nomination.

L'article 6 précise que le mandat d'un président d'une société nationale de programme peut lui être retiré par une décision motivée du CSA adoptée à la majorité de ses membres.

Chapitre II - Dispositions diverses, transitoires et finales

Le chapitre II du projet de loi (articles 7 à 10) comporte plusieurs dispositions diverses, transitoires et finales.

L'article 7 organise dans le temps le passage de neuf à sept membres en prévoyant que les mandats en cours des membres du CSA ne sont pas interrompus. Les membres désignés par le Président de la République autres que le président du conseil ne sont pas remplacés en cas de vacance. L'entrée en vigueur des nouvelles règles de quorum et de majorité est différée à la date de l'échéance du mandat du membre du Conseil supérieur de l'audiovisuel désigné par le Président de la République en 2011.

L'article 8 prévoit que le nouveau mécanisme de sanction n'est applicable qu'aux procédures engagées après l'entrée en vigueur du texte.

L'article 9 supprime les références aux sociétés nationales de programme dans la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 relative à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution afin de tirer les conséquences de la modification du mode de désignation des présidents de ces sociétés.

Enfin, la loi est rendue applicable sur l'ensemble du territoire de la République en son article 10.

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