Dossiers législatifs

LOI n° 2015-994 du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l'emploi

Exposé des motifs

Projet de loi relatif au dialogue social et à l'emploi

NOR : ETSX1508596L

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Orientations générales

Depuis trois ans, le gouvernement a fait de l'emploi son objectif, et du dialogue social sa méthode. Plusieurs accords nationaux interprofessionnels, transposés dans la loi, ont jalonné ce début de mandat : contrat de génération, sécurisation de l'emploi, réforme de la formation professionnelle, assurance chômage, qualité de vie au travail. Ils façonnent un nouveau modèle de développement, alliant sécurisation des parcours professionnels et adaptation des entreprises à leur environnement.

Ces réformes marquent la confiance du gouvernement dans la vitalité de la négociation interprofessionnelle. Elles ont aussi renforcé la négociation de branche (pacte de responsabilité, temps partiel, etc.) et permettront d'en améliorer le cadre (restructuration des branches, réforme de la représentativité patronale, etc.).

Mais le dialogue social, c'est aussi le dialogue qui se noue au quotidien, au plus près du terrain. Les 900 accords de branche et 36 000 accords d'entreprise conclus en 2014 montrent la vitalité du dialogue social qui ne s'est pas essoufflé malgré la conjoncture économique difficile des derniers mois. Les accords conclus abordent les sujets centraux touchant aux relations du travail et aux garanties sociales comme récemment l'emploi des jeunes et des seniors, la protection sociale complémentaire ou encore le travail à temps partiel. Le dialogue social est ainsi au cœur de notre contrat social, comme le rappellent les termes du Préambule de la Constitution de 1946, « tout travailleur participe, par l'intermédiaire de ses représentants, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises »

Pour autant, la qualité du dialogue social peut être largement améliorée. Dans les entreprises, il est souvent marqué d'un formalisme qui ne favorise ni la recherche constructive de solutions, ni la délibération sur les enjeux stratégiques auxquels l'entreprise est confrontée.

Si les dispositions applicables en la matière, construites à différents moments clés de notre histoire sociale - 1945, 1968, 1982 - ont permis d'assurer une vraie richesse du dialogue social dans l'entreprise, elles n'évitent pas deux écueils majeurs.

D'une part, elles sont le reflet d'une sédimentation dans le temps d'un nombre conséquent de règles et d'obligations qui, nonobstant leur légitimité propre prises isolément, construisent un cadre global complexe, en particulier pour les petites et moyennes entreprises, qui conduit à un dialogue social trop souvent formel n'associant pas suffisamment les représentants des salariés aux décisions stratégiques de l'entreprise.

D'autre part, elles n'assurent pas de manière suffisante la représentation effective de tous les salariés. Les salariés des grandes entreprises bénéficient ainsi d'un cadre collectif d'exercice de leurs droits nettement plus développé, bien qu'insuffisant par rapport à d'autres pays. Mais de nombreuses entreprises et leurs salariés restent largement exclus du dialogue social soit, pour les plus petites d'entre elles, parce que la loi ne prévoit aucune représentation du personnel, soit dans un grand nombre de petites et moyennes entreprises notamment, parce que l'implantation syndicale et la présence concrète d'institutions représentatives du personnel sont trop faibles.

Enfin, en dépit de son rôle essentiel pour faire vivre la démocratie sociale, l'engagement syndical est encore trop souvent perçu négativement par les employeurs et n'est pas suffisamment valorisé.

C'est pourquoi le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a invité en juillet dernier les partenaires sociaux à ouvrir une négociation sur la qualité et l'efficacité du dialogue social dans les entreprises et l'amélioration de la représentation des salariés quelle que soit la taille de leur entreprise. Il proposait aux partenaires sociaux d'approfondir les réformes initiées dans la loi de sécurisation de l'emploi.

La négociation, qui s'est ouverte à l'automne 2014, n'a pas abouti. Mais les discussions avec les partenaires sociaux ont plus que jamais démontré la nécessité d'une réforme. C'est pourquoi le gouvernement, tout en regrettant que les négociations n'aient pas débouché sur un accord, a décidé de présenter un projet de loi, sur la base de son document d'orientation, en tenant compte de la négociation interprofessionnelle.

La conviction du gouvernement est que les règles du dialogue social dans l'entreprise peuvent être améliorées dans un sens doublement bénéfique pour les employeurs et pour les salariés. Elles peuvent être simplifiées pour être rendues plus efficaces, afin de gagner en densité et en richesse du dialogue social ce qu'elles perdraient en formalisme. Un dialogue social de qualité est un facteur d'efficacité de l'entreprise. Les salariés doivent être encouragés à y participer et à s'engager dans les instances représentatives du personnel ; à cette fin, ils ne doivent pas être pénalisés dans leur carrière professionnelle par leur engagement. Ces orientations constituent la ligne directrice du premier grand volet de ce projet de loi consacré à la modernisation et au renforcement du dialogue social au sein de l'entreprise.

Le deuxième volet traduit les engagements pris par le Premier ministre concernant le régime d'assurance chômage des intermittents du spectacle. Il définit les grands principes de leur indemnisation, ainsi que le cadre de la négociation qui permettra d'en définir le contenu. Sera inscrite dans le code du travail l'existence pérenne de règles spécifiques d'indemnisation du chômage des artistes et techniciens intermittents du spectacle.

Le troisième volet met en place la prime d'activité, qui fusionne le revenu de solidarité active dans son volet « activité » (dit « RSA activité ») et la prime pour l'emploi, et permettra d'encourager l'emploi, de soutenir le pouvoir d'achat des travailleurs modestes et de lutter contre la précarité, en particulier des jeunes actifs. La prime d'activité fait suite à la mission confiée par le Premier ministre au député de Saône-et-Loire Christophe Sirugue afin de réfléchir à l'évolution des dispositifs de soutien financier aux travailleurs modestes. A l'issue de ce travail et d'une phase de concertation, le Gouvernement propose la mise en place, à compter du 1er janvier 2016, d'une prime d'activité en remplacement de la prime pour l'emploi (PPE) et du volet « activité » du RSA. Cette réforme a deux ambitions :

  • encourager l'activité en soutenant le pouvoir d'achat des travailleurs modestes, de façon simple et lisible, avec une prime mensuelle, dont le montant est étroitement lié aux revenus d'activité des bénéficiaires. Elle se déclenche dès le premier euro de revenu d'activité ;
  • ouvrir ce droit nouveau aux jeunes actifs, qui s'insèrent souvent dans l'emploi dans le cadre de contrats précaires et/ou à temps partiel, avec des rémunérations modestes. Les jeunes travailleurs bénéficieront de l'intégralité de la prime d'activité, exception faite des jeunes en formation initiale.

Cette prime mensuelle sera réservée, sous conditions de ressources du foyer, aux personnes en activité professionnelle (à temps plein ou partiel), qu'elles soient salariées ou qu'elles exercent une activité indépendante, et ce dès le premier euro de revenu d'activité. Les jeunes actifs majeurs y seront éligibles selon le droit commun. Elle comportera une part individuelle, calculée en fonction du seul niveau de revenu d'activité des bénéficiaires, et une part prenant en compte la composition et les ressources de la famille.

La prime d'activité sera servie chaque mois par les caisses d'allocations familiales et de la Mutualité sociale agricole avec des règles simplifiées.

TITRE Ier - MODERNISER ET RENFORCER LE DIALOGUE SOCIAL AU SEIN DE L'ENTREPRISE

Le titre Ier vise à renforcer et à moderniser le dialogue social au sein de l'entreprise.

Le renforcement de la qualité et de l'efficacité du dialogue social constitue une priorité, que le Gouvernement a souhaité aborder en laissant l'initiative à ceux qui sont au centre de ces enjeux, les partenaires sociaux. Dans un document d'orientation adressé en juillet 2014, il leur a demandé d'engager une négociation permettant d'apporter les réponses à trois questions :

Comment améliorer la représentation des salariés, sous des formes adaptées à la diversité des entreprises ?

Comment faire évoluer le cadre du dialogue social dans l'entreprise, en particulier s'agissant des institutions représentatives du personnel et des obligations de consultation et de négociation, en privilégiant une approche plus stratégique, moins formelle et donc simplifiée ?

Comment valoriser et favoriser les parcours des représentants des salariés ?

La négociation, engagée à l'automne 2014, n'a pas permis d'aboutir à un accord. Le Gouvernement en a pris acte et considéré qu'il relevait de sa responsabilité de présenter un projet de loi sur ce sujet.

Le projet de loi comprend cinq sections qui introduisent une réforme ambitieuse du dialogue social.

Le chapitre Ier vise à instituer une représentation à l'ensemble des salariés des petites entreprises.

Aujourd'hui, 4,6 millions de salariés travaillent dans des entreprises de moins de onze salariés et du particulier employeur. Mais ils ne bénéficient d'instances de représentation que dans les branches qui en ont pris l'initiative. En effet, outre les expériences ponctuelles, plus ou moins abouties, de dialogue social territorial, certains secteurs d'activité ont mis en place des dispositifs plus structurels permettant d'assurer la représentation des salariés et des employeurs. C'est ainsi que dans les branches de l'artisanat, de la production agricole ou, plus récemment, des professions libérales, les partenaires sociaux ont négocié la mise en place des commissions territoriales de dialogue social, auxquelles ils ont donné un rôle de concertation sur des sujets touchant au quotidien des entreprises comme l'emploi, la formation professionnelle ou la gestion prévisionnelle des effectifs et des compétences (GPEC). Ces instances exercent également des missions de conseil et d'accompagnement au quotidien des salariés et des employeurs. Ces derniers y ont intérêt car les chefs des très petites entreprises ont souvent moins accès à l'information pour appréhender l'environnement réglementaire.

Toutefois, ces expériences restent circonscrites et tiennent à la seule volonté de ceux qui les ont initiées. Cette situation est insatisfaisante pour ces salariés et l'objectif de cette section est d'offrir à tous les salariés des très petites entreprises (TPE) un droit à être représentés par des salariés qui partagent leurs préoccupations et leurs difficultés.

L'option retenue dans ce projet de loi se nourrit de la réflexion conduite depuis quelques années entre partenaires sociaux, notamment dans le prolongement de la réforme de la représentativité syndicale, et reflète la recherche d'une solution équilibrée, ajustée aux spécificités des TPE et veillant également à ne pas remettre en cause les acquis des expériences existantes.

La section se compose d'un article unique, qui crée des commissions régionales paritaires composées de salariés et d'employeurs issus des TPE. Ces commissions auront vocation à représenter tous les salariés et les employeurs en dehors de ceux qui sont ou seront couverts par des commissions créées par accords de branches.

Pour tenir compte de ce champ très large, les membres de ces commissions seront désignés respectivement par les organisations syndicales de salariés et les organisations professionnelles d'employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel. Les sièges sont attribués en fonction de leur audience dans le champ considéré. Pour les organisations syndicales de salariés, cette dernière est calculée sur le fondement de l'élection ad hoc dans les TPE qui a lieu tous les quatre ans depuis décembre 2012. Pour favoriser la participation et l'appropriation de ce scrutin par les salariés, les organisations syndicales auront la possibilité de faire figurer sur leur propagande électorale l'identité des personnes qu'ils envisagent de désigner dans les commissions. C'est donc un progrès social et démocratique qui rendra davantage attractif ce scrutin majeur pour notre démocratie sociale.

Le projet de loi confie à ces commissions des attributions utiles au quotidien et concrètes. Elles deviendront des instances incontournables de concertation sur le territoire sur des sujets stratégiques comme la GPEC, l'emploi ou les conditions de travail. Elles exerceront par ailleurs des missions opérationnelles de conseil et d'information au bénéfice des salariés et des employeurs.

Le chapitre II vise à accorder de nouveaux droits aux représentants des salariés et à améliorer la reconnaissance et la qualité de leurs parcours.

L'engagement syndical ou dans les mandats est confronté aujourd'hui à une « crise des vocations » qui l'affaiblit à tous les niveaux. En témoignent le phénomène de carence d'instances représentatives du personnel dans de nombreuses entreprises, la moyenne d'âge croissante des représentants du personnel, ainsi que la pratique répandue du cumul de mandats, faute trop souvent pour les représentants en place de trouver des successeurs.

L'engagement syndical ou dans un mandat de représentant du personnel est aujourd'hui trop souvent perçu par les salariés comme une source de discrimination ou, à tout le moins, un frein à la carrière. Des études concordantes confirment ce ressenti, ainsi que la persistance d'inégalités de rémunération et d'évolution professionnelle qui pénalisent certains représentants du personnel. Même lorsqu'il n'y a pas discrimination, l'exercice de fonctions syndicales est rarement valorisé au plan professionnel alors qu'il implique souvent la prise de responsabilité, l'exercice de compétences notamment relationnelles et le développement d'une expertise.

Par ailleurs, aucune règle n'est prévue par la loi pour encourager les délégués syndicaux à participer à des missions d'intérêt général exercées par leur organisation en dehors de leur entreprise, comme par exemple la négociation dans les branches et au niveau national et interprofessionnel.

Cette situation est injuste vis-à-vis des salariés qui prennent de leur temps pour s'engager au service de la collectivité. Elle est de plus inefficace dans un pays qui a besoin de mobilisation et d'énergies pour faire vivre le dialogue social à tous les niveaux où il s'exerce, et en y faisant participer le salariat dans sa diversité.

Enfin, l'égalité entre les femmes et les hommes a pris trop de retard dans les institutions représentatives du personnel. Ce constat est aujourd'hui largement partagé par les partenaires sociaux, de même que la volonté y remédier. Le projet introduit une novation importante, en prévoyant l'obligation d'une représentation équilibrée entre les femmes et les hommes sur les listes de candidats aux élections professionnelles, qui permettra d'améliorer la représentation des femmes dans les institutions représentatives du personnel.

Les dispositions contenues dans la deuxième section traduisent l'ambition de protéger les représentants du personnel contre les discriminations sous toutes leurs formes et de valoriser leur expérience, y compris dans le cadre de leurs parcours professionnel. Les valeurs d'égalité, d'engagement et de solidarité sont au cœur des mesures envisagées.

L'article 2 prévoit qu'à leur demande, les salariés qui s'engagent dans un mandat bénéficient d'un entretien individuel avec leur employeur pour examiner les modalités pratiques d'exercice de ce mandat au regard de leur activité professionnelle.

Il complète les dispositions introduites par la loi du 5 mars 2014 sur les entretiens professionnels pour les adapter à la situation spécifique des représentants du personnel. Les représentants du personnel exerçant des mandats importants auront droit, à l'issue de ceux-ci, à un entretien professionnel approfondi qui permettra de valoriser l'expérience et les compétences acquises.

L'article 3 crée un dispositif national de valorisation des compétences s'adressant aux salariés titulaires d'un mandat de représentant du personnel. Il prévoit l'établissement par l'Etat, en concertation avec les partenaires sociaux, d'une liste de compétences liées à l'exercice du mandat et qui feront l'objet une certification reconnue et pourront être utilisées dans l'acquisition de certifications professionnelles choisies par le salarié.

L'article 4 vise à lutter contre la pénalisation des représentants du personnel et syndicaux en matière de rémunération. Il instaure un mécanisme qui garantit au salarié de bénéficier, au cours de son mandat électif ou syndical, d'une augmentation au moins égale à la moyenne des augmentations individuelles perçues pendant cette période par des salariés relevant de la même catégorie professionnelle et dont l'ancienneté est comparable. Cette mesure concernera tous les représentants du personnel dont les heures de délégation dépassent 30 % de leur temps de travail.

L'article 5 vise à améliorer la représentation équilibrée des femmes et hommes dans les institutions représentatives du personnel. Il introduit l'obligation pour les listes aux élections professionnelles de comporter une proportion de femmes et d'hommes qui reflète leur proportion respective dans les collèges électoraux. Le non-respect de cette obligation entraîne l'annulation de l'élection du ou des candidats du sexe surreprésenté au regard de la composition sexuée que devait respecter la liste électorale.

L'article 6 améliore et assouplit les possibilités d'utilisation par les délégués syndicaux de leurs heures de délégation. Ils pourront utiliser une partie de leur crédit d'heures pour participer à des négociations ou des concertations à d'autres niveaux que celui de l'entreprise.

L'article 7 vise à accorder aux salariés administrateurs introduits par la loi du 5 juin 2013 relative à la sécurisation de l'emploi pour les très grandes entreprises françaises les garanties pour exercer leur mandat dans les meilleures conditions. Il prévoit un plancher de vingt heures par an pour les heures de formation qui leur sont accordées.

Le chapitre III vise à rendre les institutions représentatives du personnel plus lisibles et plus efficaces, en s'adaptant davantage à la diversité des entreprises.

Un trop grand nombre de ces entreprises est aujourd'hui à l'écart du dialogue social faute d'avoir pu mettre en place des institutions représentatives du personnel. Il ressort des données de la DARES que un quart des entreprises de quarante à cinquante-neuf salariés déclarent qu'aucune institution représentative du personnel n'existe dans leur entreprise et une sur six pour les entreprises de soixante à quatre-vingt-dix-neuf salariés. La situation s'améliore sensiblement à partir de 300 salariés avec une présence quasi systématique d'un délégué syndical et des institutions représentatives du personnel.

Dans les entreprises de moins de 300 salariés, le fonctionnement des instances représentatives du personnel est souvent ressenti comme trop lourd, peu lisible, surtout lorsque peu de salariés font le choix de s'y investir. La possibilité offerte aux entreprises de moins de deux cent salariés de créer une délégation unique du personnel (DUP), rassemblant délégué du personnel et comité d'entreprise a été choisie par 60 % des entreprises concernées. En se fondant sur cette expérience menée sans heurts depuis vingt ans, il est proposé d'élargir la DUP. Toutes les institutions demeurent, les compétences et missions également ; mais le fonctionnement sera plus simple, avec une délégation du personnel entièrement élue par les salariés. Les moyens actuels des élus seront globalement préservés.

Un autre défi concerne l'adaptation du cadre du dialogue social à la diversité des entreprises de taille plus importante. Les obligations en matière d'institutions représentatives du personnel sont aujourd'hui essentiellement fixées par la loi. Elles s'appliquent de manière uniforme aux entreprises sans possibilité significative d'adaptations.

Cette situation n'est pas adaptée à la diversité des entreprises qui forment le tissu économique de notre pays. Elle ne permet pas non plus de prendre en compte l'aspiration des partenaires sociaux à donner davantage de poids à la négociation, attestée par les nombreux accords d'entreprise signés chaque année. Aussi, il sera possible d'organiser différemment les instances représentatives du personnel dès lors que les syndicats majoritaires auront conclu un accord en ce sens.

La loi vise également à clarifier les rôles respectifs des institutions représentatives du personnel, notamment l'articulation entre les différents niveaux (comité central d'entreprise et comités d'établissement, instance de coordination des comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail et comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail locaux). Certaines voies d'amélioration sont possibles et souhaitables, dans le respect de l'effet utile des consultations.

La loi s'attache enfin à simplifier le fonctionnement concret des institutions représentatives du personnel.

L'article 8 élargit la possibilité de mettre en place une délégation unique du personnel à toutes les entreprises de moins de 300 salariés. Il intègre par ailleurs le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) dans le champ de cette instance. En conséquence, il adapte et améliore ses règles de fonctionnement pour faciliter l'exercice, dans ce nouveau cadre commun, des attributions respectives des délégués du personnel, du comité d'entreprise et du CHSCT.

L'article 9 prévoit la possibilité, dans les entreprises de plus de 300 salariés, de regrouper par voie d'accord tout ou partie des institutions représentatives du personnel dans le cadre d'une nouvelle instance sui generis qui se substituera à elles. Ce renvoi est doublement encadré : d'une part, il devra être opéré par un accord majoritaire ; d'autre part, si les partenaires sociaux auront une grande latitude sur le périmètre de ces regroupements, qui pourront varier y compris d'un établissement à l'autre au sein d'une même entreprise, ils ne pourront pas faire varier les attributions de la nouvelle instance qui devra exercer l'ensemble des attributions des institutions faisant l'objet du regroupement. Au sein du code du travail, les attributions et les règles de mise en place de cette instance seront définies aux articles L. 2391-1 et suivants, et ses modalités de fonctionnement précisées aux articles L. 2393-1 et suivants.

L'article 10 clarifie les rôles et compétences respectives du comité central d'entreprise et des comités d'établissements. Il précise l'articulation de leurs consultations sur les projets décidés au niveau de l'entreprise et qui ont des impacts sur plusieurs établissements. Il fait de même entre l'instance temporaire de coordination des CHSCT, lorsqu'elle existe et est réunie, et les CHSCT.

L'article 11 consacre le droit pour tous les salariés des entreprises de plus de cinquante salariés d'être couverts par un CHSCT. Il précise les règles de fonctionnement de cette instance et harmonise la durée du mandat de ses membres avec celle des membres du comité d'entreprise.

L'article 12 contient des dispositions très concrètes pour simplifier le fonctionnement des institutions représentatives du personnel. Il prévoit la possibilité de tenir des réunions communes à plusieurs instances. Il sécurise le recours à la visioconférence et clarifie les conditions d'enregistrement et de sténographie des séances ainsi que les règles de transmission des procès verbaux.

Le chapitre IV vise à simplifier et à rationaliser l'ensemble des obligations d'information et de consultation et des obligations de négociation dans les entreprises.

Ces obligations, qui se sont progressivement accumulées au gré du renforcement du rôle du comité d'entreprise et du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail et de la place croissante accordée à la négociation au niveau de l'entreprise , sont aujourd'hui complexes et, partant, mal appliquées.

Leur empilement contribue à une saturation de l'agenda social des entreprises qui finit par nuire à la qualité et à la créativité du dialogue. Certains thèmes sont par ailleurs redondants et sont abordés sans réflexion préalable sur leur articulation. Ces obligations manquent de sens pour les représentants du personnel et ne les placent pas dans les conditions leur permettant de peser réellement et utilement dans les choix et la stratégie de l'entreprise. Ce constat est largement partagé par les partenaires sociaux qui ont à plusieurs reprises exprimé leur souhait de réformes.

S'agissant des informations et des consultations, un premier cap important a été franchi avec la loi du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l'emploi qui a créé une consultation annuelle sur les orientations stratégiques ainsi qu'une base de données économiques et sociales, accessible à l'ensemble des représentants du personnel, qui est le support de cette consultation tout en servant de réceptacle à l'ensemble des informations récurrentes du comité d'entreprise. Si les premiers éléments de bilan sont encore parcellaires compte tenu de l'entrée en vigueur progressive des différentes obligations, ils incitent à aller plus loin dans le sens d'une meilleure association des partenaires sociaux à la stratégie de l'entreprise.

S'agissant des négociations obligatoires, les partenaires sociaux ont exprimé dans le cadre de la feuille de route de la grande conférence sociale des 9 et 10 juillet 2012 leur souhait de les rationaliser. Plusieurs étapes concrètes ont déjà été franchies en ce sens, notamment dans le cadre de la loi du 5 mars 2014 sur la démocratie sociale qui a créé, reprenant le contenu de l'accord national interprofessionnel du 19 juin 2013 du même nom, une nouvelle négociation sur la qualité de vie au travail regroupant plusieurs thématiques comme la conciliation des temps ou encore la prévention de la pénibilité.

Par ailleurs, le texte vise à clarifier la négociation dans les entreprises dépourvues de délégué syndical. Le projet de loi définit ainsi une solution équilibrée entre, d'une part, l'objectif de développer les opportunités de négociation, notamment dans les PME et, d'autre part, la préservation et le renforcement de la primauté des organisations syndicales pour négocier les accords collectifs.

Enfin, le code du travail contient de nombreux seuils donnant lieu à des obligations en matière de relations collectives. Ces seuils ne sont pas harmonisés, y compris dans leur définition. Cette situation est source de complexité et de confusion pour les employeurs comme les représentants du personnel.

L'article 13 regroupe les dix-sept obligations actuelles d'information et de consultation récurrentes du comité d'entreprises en trois grandes consultations, portant respectivement sur les orientations stratégiques et leurs conséquences, la situation économique de l'entreprise et sa politique sociale. La consultation sur les orientations stratégiques pourra également, lorsque cela est prévu par accord, être menée au niveau du comité de groupe, les comités d'entreprises demeurant consultés dans ce cas sur les conséquences de ces orientations stratégiques. L'article donne plus de marges de manœuvre à l'accord pour organiser ces consultations. Enfin, il supprime l'obligation de consulter le comité d'entreprise sur les accords collectifs.

L'article 14 rationalise les obligations de négocier au niveau de l'entreprise en les regroupant dans trois négociations portant respectivement sur (i) la rémunération, le temps de travail et la répartition de la valeur ajoutée, (ii) la qualité de vie au travail et (iii) la gestion des emplois et des parcours professionnels. Par accord majoritaire, les partenaires sociaux pourront décider de regrouper certains thèmes ou de modifier leur périodicité. Un traitement particulier est fait à la négociation sur les salaires, qui pourra sans délai redevenir annuelle par la volonté d'une des parties signataires.

L'article 15 clarifie le régime de la négociation en l'absence de délégué syndical dans les entreprises, pour favoriser la possibilité de passer par des accords plutôt que par la décision unilatérale de l'employeur. Il renforce la prééminence des organisations syndicales, en prévoyant que l'employeur, avant de pouvoir négocier avec un élu du personnel comme le prévoit aujourd'hui le code du travail, devra négocier en priorité avec un représentant élu du personnel mandaté par une organisation syndicale. Cet élu pourra négocier sur le même champ que celui prévu pour le délégué syndical. Le passage devant une commission paritaire de branche pour les accords passés avec un représentant élu du personnel est supprimé, ces commissions fonctionnant aujourd'hui très mal. La possibilité de recourir à un salarié mandaté reste pour sa part inchangée.

L'article 16 harmonise certains seuils applicables aux PME en les relevant à 300 salariés. Il clarifie l'appréciation de ce seuil en matière d'information et de consultation. Il codifie enfin la jurisprudence sur l'appréciation du seuil permettant de supprimer un comité d'entreprise en cas de baisse importante et durable des effectifs.

Le chapitre V approfondit les dispositions de la loi du 5 mars 2014 relatives à la démocratie sociale.

Le premier volet concerne la réforme de la représentativité patronale. Certains aménagements sont nécessaires pour sécuriser la mesure de l'audience qui aura lieu pour la première fois en 2017. Ces aménagements permettront de prendre mieux en compte les mécanismes d'adhésions dans les branches ainsi que les spécificités du secteur de la production agricole.

Le second volet concerne le fonds de financement du dialogue social introduit par cette loi. Ce fonds vient d'être mis en place par les partenaires sociaux et gèrera de manière démocratique et transparente près de 85 millions d'euros au titre de l'année 2015, qui financeront les organisations syndicales de salariés et les organisations professionnelles d'employeur au titre de missions d'intérêt général. Les concertations menées avec les partenaires sociaux pour mettre en œuvre ce dispositif ont mis en lumière la nécessité d'ajustements pour en permettre le fonctionnement optimal.

L'article 17 prévoit la prise en compte d'adhésions indirectes aux organisations d'employeurs dans les branches, comme cela est prévu aujourd'hui au niveau national, et adapte l'appréciation du critère de l'audience aux spécificités du secteur de la production agricole.

L'article 18 prévoit l'élargissement des missions du fonds paritaire au financement d'activités de recherche dans les domaines couverts par les politiques publiques.

L'article 19 prévoit que l'employeur ou le travailleur à l'origine d'un recours en matière d'aptitude informe l'autre partie. Il vise également à vise à clarifier certaines obligations déclaratives de l'employeur dans le cadre du compte personnel de prévention de la pénibilité.

TITRE II. - CONFORTER LE REGIME DE L'INTERMITTENCE

L'existence de règles particulières pour les intermittents vise à prendre en compte la discontinuité spécifique de l'emploi des artistes et des professionnels de la création. Cette singularité professionnelle s'incarne dans les annexes 8 et 10 à la convention d'assurance chômage, construction originale du droit conventionnel, négociée et reconduite à chaque convention par les partenaires sociaux interprofessionnels. Mais cette construction est fragile, et les crises successives qui ont jalonné l'histoire des renégociations de l'assurance chômage sont sources d'inquiétude et d'insécurité pour les professionnels des métiers concernés, et donnent à tout débat sur le sujet une dimension émotionnelle et symbolique aiguë, au détriment de la sérénité nécessaire à la qualité de la décision.

Pour mettre fin à ces crises récurrentes et rechercher une solution pérenne, le Premier ministre a mis en place, en juin 2014, une mission de concertation qu'il a confiée à Mme Hortense Archambault et MM. Jean-Patrick Gille et Jean-Denis Combrexelle. Sur la base de leur rapport, il a annoncé le 7 janvier 2015 l'inscription dans la loi de l'existence des règles spécifiques d'indemnisation des intermittents du spectacle ainsi que l'instauration d'un mécanisme permettant aux partenaires sociaux représentatifs du secteur du spectacle de négocier ces règles spécifiques, dans un cadre défini par les partenaires sociaux au niveau interprofessionnel.

L'article 20 inscrit dans le code du travail que la spécificité des métiers du cinéma, de l'audiovisuel et du spectacle vivant, justifie l'existence de règles de l'assurance chômage spécifiques aux intermittents du spectacle, annexées au règlement général annexé à la convention d'assurance chômage.

En deuxième lieu, si la négociation des règles de l'assurance-chômage incombe aux partenaires sociaux interprofessionnels au sein de l'Unedic, et à eux seuls, la spécificité de l'intermittence doit être mieux appréhendée et les partenaires sociaux du secteur doivent être responsabilisés.

Pendant la négociation des accords, les partenaires sociaux représentatifs de l'ensemble des professions du spectacle seront invités à négocier entre eux ces règles spécifiques.

Dans ce cadre et en temps utile, un document de cadrage sera envoyé par les partenaires sociaux au niveau interprofessionnel. Ce document de cadrage précisera les objectifs de la négociation en termes notamment de trajectoire financière et de règles transversales d'équité ayant vocation à s'appliquer à tous les demandeurs d'emplois, intermittents ou non.

Si un accord qui respecte les orientations définies dans le document de cadrage est trouvé par les organisations syndicales et patronales représentatives de l'ensemble du secteur du spectacle, il sera repris dans la convention générale d'assurance chômage. Si ce n'est pas le cas, les partenaires sociaux interprofessionnels fixeront les règles applicables aux intermittents du spectacle.

Le rôle de chacun est ainsi pleinement respecté grâce à cette négociation « enchâssée » et tous auront à assumer leurs responsabilités.

A dessein, la loi ne précise pas les différentes phases de cette procédure, afin de laisser la possibilité aux partenaires sociaux au niveau interprofessionnel et à ceux du secteur du spectacle de préciser progressivement le cadre des négociations. Tout au long du processus, il sera essentiel que les organisations interprofessionnelles et les organisations professionnelles se tiennent mutuellement et régulièrement informées de l'état d'avancement de leurs négociations respectives.

Constatant que la création d'un comité d'expertise ad hoc par la mission de concertation a été unanimement saluée par les parties prenantes, la loi officialise ce comité d'expertise pour rendre un avis :

  • à la demande de chacun des partenaires sociaux interprofessionnels ou professionnels, sur l'évaluation de l'impact financier ou opérationnel d'une mesure ou d'un ensemble de mesures envisagées ;
  • systématiquement, sur le respect par l'accord conclu par les partenaires sociaux professionnels de la trajectoire financière fixée par le document de cadrage, dans un délai fixé par arrêté suivant la transmission de ce dernier aux organisations interprofessionnelles.

La composition de ce comité sera fixée par décret. Enfin, le ministre chargé de l'emploi, lorsqu'il agrée l'accord relatif à l'assurance chômage, vérifiera que les dispositions relatives à la participation des partenaires sociaux du secteur du spectacle ont été respectées.

En dernier lieu, il est précisé que les organisations représentatives des professionnels du cinéma, de l'audiovisuel et du spectacle négocient d'ici le 31 janvier 2016 une actualisation de la liste des métiers ouvrant droit au bénéfice des règles d'assurance chômage propres aux intermittents du spectacle. En l'absence d'actualisation de cette liste dans le délai fixé, il est précisé que les ministres en charge de l'emploi et de la culture peuvent procéder à l'actualisation par arrêté conjoint des ministres en charge du travail et de la culture.

TITRE III. - SECURISATION DES PARCOURS ET RETOUR A L'EMPLOI

Le titre III vise à sécuriser davantage les parcours professionnels et à encourager l'activité en réformant un certain nombre de dispositifs en matière de formation et d'emploi.

L'article 21 organise la création d'un compte personnel d'activité, qui rassemblera les principaux droits sociaux attachés à l'exercice d'une activité (notamment le compte personnel de formation et le compte personnel de prévention de la pénibilité) pour renforcer leur lisibilité et sécuriser le parcours professionnel de chacun. L'objectif du compte est de rendre ces droits plus lisibles, de consolider la logique des droits individuels portables et de donner ainsi plus de continuité à un système de droits aujourd'hui trop compartimenté.

Une concertation sera engagée avant la fin de l'année avec les organisations professionnelles d'employeurs et syndicales de salariés représentatives au niveau national et interprofessionnel qui seront invitées, si elles le souhaitent, à ouvrir une négociation sur ses modalités de mise en œuvre, en lien avec les travaux d'une mission d'appui. Le Gouvernement présentera avant le 1er juillet 2016 au Parlement un rapport sur la mise en place du compte personnel d'activité, dans la perspective d'un projet de loi qui sera déposé en 2016 au Parlement. Le compte personnel d'activité entrera en vigueur à compter du 1er janvier 2017.

Le compte social d'activité, en assurant aux salariés, tout au long de leur vie professionnelle, la portabilité et la transférabilité des droits existants dans le cadre des comptes existants, constituera un progrès social majeur.

L'article 22 concerne l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA), qui est un acteur central des politiques publiques de l'emploi et de la formation professionnelle. En témoignent l'importance de ses capacités d'accueil et d'hébergement, son maillage territorial, ainsi que les missions spécifiques qu'elle exerce pour l'Etat dans le domaine de l'ingénierie des titres et des certifications.

Si le code du travail prévoit que l'AFPA est membre du service public de l'emploi, il ne précise pas aujourd'hui sa contribution attendue à ce service public. Dans le contexte des travaux en cours sur la poursuite du plan de refondation de l'AFPA, engagé depuis 2012, il est aujourd'hui souhaitable de clarifier dans le code du travail, à l'instar des missions locales et de Pôle emploi, la définition du rôle de l'AFPA dans le service public de l'emploi.

L'article 23 concerne le contrat de professionnalisation, qui bénéficie insuffisamment à certaines catégories de personnes, notamment les demandeurs d'emploi de longue durée.

Dans le cadre du plan « Nouvelles solutions face au chômage de longue durée », il a été décidé que, dans le cadre d'un contrat de professionnalisation « nouvelle chance », la durée du contrat de professionnalisation et la durée des actions professionnalisation seraient adaptées aux besoins des demandeurs d'emplois de longue durée.

TITRE IV. - SOUTENIR L'ACTIVITE PROFESSIONNELLE PAR LA CREATION D'UNE PRIME D'ACTIVITE

Le titre IV est relatif à la création, à compter du 1er janvier 2016, d'une prime d'activité.

Souhaitée par le Président de la République et annoncée par le Premier ministre, la prime d'activité a pour objectif d'encourager l'activité en soutenant le pouvoir d'achat des travailleurs modestes, de façon simple et lisible. Elle participe à ce titre à la politique visant à accompagner le retour à l'emploi mais aussi l'insertion professionnelle des jeunes actifs, souvent marqués par les contrats précaires et le temps partiel, synonymes de rémunérations modestes.

La création de la prime d'activité participe de la réforme structurelle de la protection sociale engagée depuis 2012, qui doit toujours mieux s'adapter à la réalité des carrières et du monde du travail, comme cela a été fait par le Gouvernement en abaissant à 150 heures par trimestre le seuil de validation d'un trimestre de retraite ou de bénéfice des indemnités journalières.

Nouvelle prestation et non minimum social, la prime d'activité remplacera les deux dispositifs existants de soutien monétaire à l'activité des travailleurs modestes :

  • la prime pour l'emploi était un mécanisme fiscal, peu ciblé et servi tardivement. Ses montants faibles, comme sa faible réactivité, rendaient l'outil peu efficace ;
  • le RSA « activité » est un minimum social complexe, étroitement lié au RSA « socle » qu'il complète. Prestation ciblée sur les actifs situés sous le seuil de pauvreté, son faible taux de recours réduit son effet de levier.

Cette superposition d'instruments peu efficaces, mal coordonnés, conduit le Gouvernement, à l'issue des travaux conduits par M. Christophe Sirugue, député de Saône et Loire, à proposer de remplacer ces deux mécanismes par une prime d'activité.

Le présent titre vise donc à créer une prime d'activité versée mensuellement, d'une grande simplicité, au montant étroitement lié aux revenus d'activité des bénéficiaires. Elle se déclenchera dès le premier euro de revenu d'activité et concernera les salariés et les travailleurs indépendants. Son barème garantira que les bénéficiaires du RSA activité ne voient pas leur montant de prestation diminuer : il comprend donc une part « familialisée », proche de l'ancien RSA activité, en y ajoutant une bonification étroitement liée aux revenus d'activité individuels, en vue d'aider particulièrement les personnes rémunérées entre 0,8 et 1,2 Smic.

Plus de 5,6 millions d'actifs seront ainsi éligibles à la prime d'activité.

Cette prime d'activité, servie sous conditions de ressources du ménage, poursuit trois objectifs étroitement liés.

En premier lieu, celui de lever les freins monétaires au retour à l'activité.

(Re)prendre une activité ou augmenter sa quotité de travail génèrent souvent des charges nouvelles (frais de déplacements, garde d'enfant, etc.) ; dans le même temps, l'augmentation des revenus d'activité peut conduire à une diminution des prestations sociales servies, en particulier des allocations logement. Le gain monétaire réel lié à l'augmentation de l'activité s'en trouve réduit d'autant.

Le RSA activité a tenté de répondre à cette situation, mais son taux de recours faible, son point de sortie très bas (autour du SMIC pour un célibataire), sa grande complexité et son caractère de minimum social ont limité son efficacité.

La prime d'activité sera versée mensuellement, pour s'adapter au mieux aux évolutions de l'emploi. Cette réactivité ne signifiera pas, à la différence du RSA activité, complexité : le bénéficiaire déclarera, tous les trimestres, ses revenus d'activité et de remplacement, ce qui déclenchera automatiquement le versement de la prime, avec un montant fixé pour les trois mois suivants. Dès 2017, avec la généralisation de la déclaration sociale nominative (DSN), les caisses d'allocations familiales seront à même de verser automatiquement la prime aux personnes concernées, ce qui limitera considérablement les démarches au guichet et garantira l'effectivité de la réforme.

En deuxième lieu, celui d'augmenter le pouvoir d'achat des travailleurs modestes.

La France bénéficie d'un système ambitieux de lutte contre la pauvreté monétaire ; il a été considérablement renforcé dans le cadre du plan quinquennal contre la pauvreté, grâce à une série de revalorisations exceptionnelles. Le pacte de compétitivité et de solidarité a en outre conduit à mettre en place un allègement massif d'impôt sur le revenu à destination des foyers de la classe moyenne, dès 2015.

Ces deux mesures ne concernent pas toujours les travailleurs modestes : situés au-dessus du seuil de pauvreté, ils ne sont que peu concernés par les mesures du plan de lutte contre l'exclusion ; peu ou pas redevables de l'impôt sur le revenu, ils ne bénéficieront donc pas directement de la mesure d'allègement.

La prime d'activité permet de répondre à leurs besoins en termes de pouvoir d'achat. En valorisant l'activité, elle permet, sous conditions de ressources du foyer, d'apporter un complément de revenu pouvant atteindre 10% du salaire, pour un salarié au SMIC.

En troisième et dernier lieu, celui de faire entrer les jeunes actifs dans le droit commun de la prime d'activité.

Les actifs de moins de vingt-cinq ans étaient exclus du RSA activité : le RSA activité « jeunes » concerne environ 5 000 bénéficiaires, compte tenu de ses restrictions spécifiques (justifier de deux ans d'activité à temps plein au cours des trois années précédant la demande). Cette exclusion est d'autant plus préjudiciable que l'entrée dans la vie active des jeunes est fréquemment marquée par des périodes d'activité à temps partiel, par des contrats à durée déterminée ou des intérims.

La prime d'activité sera donc ouverte à tous les jeunes actifs, sans restriction particulière liée à l'âge, au niveau d'activité ou au fait qu'ils sont parfois hébergés chez leurs parents. Selon cette même logique d'application du droit commun, seuls les actifs (au sens d'une entière disponibilité pour entrer sur le marché du travail) seront éligibles.

L'article 24 inscrit dans le code de la sécurité sociale la nouvelle prime d'activité, intégralement financée par l'Etat. Il précise le champ des bénéficiaires potentiels de la prime d'activité, à savoir l'ensemble des travailleurs installés en France, actifs, exception faite des personnes qui sont ressortissants d'Etats tiers à l'Union européenne et ne justifient pas d'une ancienneté de séjour en situation régulière ou qui ne sont que temporairement actifs en France (travailleurs détachés).

Ce même article définit le mode de calcul de la prime d'activité. Il précise enfin les règles de gestion et de contrôle applicables au service de la prime par les caisses d'allocations familiales et les caisses de la Mutualité sociale agricole.

L'article 25 a pour effet de supprimer le volet « activité » du RSA, en modifiant les articles correspondants du code de l'action sociale et des familles ; par voie de conséquence, il procède à une mise en cohérence de certaines dispositions relatives au RSA « socle », sans en modifier le contenu.

L'article 26 , outre des ajustements de coordination destinés à tirer les conséquences, dans l'ensemble des textes législatifs, de la suppression du RSA activité comme de la création de la prime d'activité, précise le régime fiscal applicable à la prime d'activité : elle n'est assujettie ni à l'impôt sur le revenu, ni à la CSG. Elle est en revanche assujettie à la CRDS.

L'article 27 prévoit l'entrée en vigueur de la prime d'activité au 1er janvier 2016 et organise le basculement automatique des bénéficiaires du RSA activité vers la prime d'activité à cette même date. Il habilite enfin le Gouvernement à mettre en place, par voie d'ordonnance, la prime d'activité dans le département de Mayotte.

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