Dossiers législatifs

Projet de loi pour un renouveau de la vie démocratique (INTX1915519L)

Exposé des motifs

Les premières lois du quinquennat ont renforcé la moralisation de la vie publique. Cette première étape était indispensable pour répondre à la crise de confiance des citoyens envers leurs représentants. L'heure est maintenant au renforcement de l’efficacité et de la représentativité du Parlement ainsi qu’au renouvellement de nos élus.

Le Président de la République en a pris l’engagement solennel dans son discours devant le Parlement réuni en Congrès le 3 juillet 2017 ainsi que dans son discours au 100e Congrès des maires de France le 24 novembre 2017. A cette fin, il a annoncé sa volonté de mettre en œuvre trois mesures présentant l’avantage de dépasser les seuls clivages partisans et de recueillir un large assentiment parmi nos compatriotes : la réduction du nombre de parlementaires, l'élection d’une partie des députés au scrutin de liste à la représentation proportionnelle et la limitation du cumul des mandats dans le temps, tant pour les parlementaires que pour les titulaires de fonctions exécutives locales.

La réduction du nombre de parlementaires vise avant tout à améliorer la qualité du travail législatif. Comme l’a rappelé le Président de la République le 3 juillet 2017, « un Parlement moins nombreux mais renforcé dans ses moyens c’est un Parlement où le travail devient plus fluide, où les parlementaires peuvent s’entourer de collaborateurs mieux formés et plus nombreux, c’est un Parlement qui travaille mieux ». La réduction du nombre de parlementaires accompagnera le mouvement de renforcement des moyens mis à la disposition des assemblées afin que le Parlement puisse exercer la plénitude des fonctions qui lui sont confiées par la Constitution de 1958, à savoir voter la loi, contrôler l’action du Gouvernement et évaluer les politiques publiques.

A l’issue du grand débat national ouvert le 15 janvier 2019, ces objectifs ont été réaffirmés par le Président de la République lors de la conférence de presse qu’il a tenue le 25 avril 2019, indiquant son souhait de « rendre le Parlement plus représentatif avec une part significative de proportionnelle pour que toutes les familles politiques soient représentées, toutes les sensibilités en limitant aussi le nombre des mandats dans le temps ».

Ainsi, le présent projet de loi pour un renouveau de la vie démocratique, accompagné d’un projet de loi organique examiné simultanément, mettent en œuvre cette ambition en diminuant le nombre de députés et de sénateurs de 25 %. Le rapport entre le nombre de députés et de sénateurs reste ainsi inchangé. L’effectif de l’Assemblée nationale s’établira donc à quatre cent trente-trois députés (contre cinq cent soixante-dix-sept actuellement) et celui du Sénat à deux cent soixante et un (contre trois cent quarante-huit actuellement). Par ailleurs, le projet de loi ordinaire prévoit d’élire quatre-vingt-sept députés au scrutin de liste à la représentation proportionnelle, sur des listes nationales qui seront soumises au scrutin de l’ensemble du corps électoral. L’introduction de l’élection de députés à la représentation proportionnelle permettra d’améliorer la représentativité du Parlement afin que les différentes sensibilités politiques y soient mieux représentées.

En outre, l’interdiction du cumul de plus de trois mandats consécutifs identiques, pour les parlementaires comme pour les fonctions exécutives locales, constituera la garantie du renouvellement démocratique attendu de longue date par les Français.

Un Parlement aux effectifs resserrés mais plus efficace et plus représentatif de la diversité des sensibilités politiques de la Nation, une respiration démocratique permise par le renouvellement des responsables politiques, voici donc les objectifs de la présente réforme. Loin de nourrir le sentiment de défiance envers les élus, les présents textes visent au contraire à combattre les causes qui alimentent ce sentiment et minent notre fonctionnement démocratique. En renforçant la confiance dans les élus et en leur permettant un travail de qualité, c’est l’ensemble de la démocratie représentative qui sortira renforcée.

La réforme se décline en deux volets : un projet de loi organique et un projet de loi ordinaire. L’article 24 et de la Constitution confie en effet à une loi organique le soin de fixer l’effectif national de députés et de sénateurs, ainsi que les dispositions fondamentales relatives à l’élection et à l’exercice du mandat parlementaire. En revanche, l’ensemble des dispositions relatives au mode de scrutin et aux modalités pratiques de la campagne électorale relèvent du présent projet de loi relative au régime électoral des assemblées et au cumul des mandats dans le temps. Ce projet de loi se compose de cinq chapitres.

Le chapitre Ier contient les principales dispositions instaurant l’élection de 20 % des députés, soit quatre-vingt-sept, au scrutin de liste national à la représentation proportionnelle et tirant les conséquences de cette novation.

Dans le détail, l’ article 1er constitue le cœur de la réforme. D’une part, il prévoit l’élection des députés représentant les Français établis hors de France au scrutin de liste à la représentation proportionnelle sans panachage ni vote préférentiel dans une circonscription dédiée. D’autre part, il institue une « dose » de proportionnelle de 20 % des effectifs de l’Assemblée nationale en prévoyant, le jour du premier tour de l’élection au scrutin uninominal majoritaire, l’élection de quatre-vingt-sept députés au scrutin de liste national à la représentation proportionnelle sans panachage ni vote préférentiel. Le nouvel article L. 126 du code électoral précise les autres caractéristiques de mode de scrutin pour l’élection des députés élus au scrutin de liste : la répartition des sièges entre les listes sera effectuée selon la règle de la représentation proportionnelle à la plus forte moyenne, qui est la méthode utilisée pour l’ensemble des autres scrutins de liste en France. Afin d’atteindre l’objectif de la représentation politique des courants politiques importants que le scrutin uninominal majoritaire à deux tours conduit à être peu représentés à l’Assemblée nationale, un seuil d’accès à la répartition des sièges pour les listes est fixé à 5 % des suffrages exprimés, seuil électoral habituellement retenu pour les scrutins de liste (élections municipales dans les communes de plus de 1 000 habitants, élections régionales et élections européennes).

L’ article 2 du projet de loi modifie principalement les chapitres V, VII et VIII du titre II du livre Ier du code électoral afin d’adapter les règles relatives aux déclarations de candidature et aux opérations de vote pour l’élection des députés au scrutin de liste national. L’article interdit en particulier les doubles candidatures : à la fois sur plusieurs listes nationales ou encore dans une circonscription pourvue au scrutin majoritaire ainsi que sur une liste nationale. Cette interdiction permettra d’éviter que des candidats battus dans le cadre du scrutin uninominal, ne soient néanmoins élus, parce qu'ils étaient également présents sur une liste nationale (nouvel article L. 153-1 du code électoral).

Par ailleurs, l’article définit les modalités selon lesquelles les candidats au scrutin majoritaire pourront, s’ils le souhaitent, indiquer lors du dépôt de candidature, soutenir une liste nationale afin de permettre à cette dernière, dès lors qu’elle aura recueilli suffisamment de soutiens, de bénéficier de l’ensemble des moyens de la propagande prévue par le présent projet.

Enfin cet article précise les modalités de recensement général des votes et de proclamation des députés élus au scrutin de liste et crée, sur le modèle des élections européennes, une nouvelle commission nationale chargée du recensement dont la composition et le fonctionnement seront fixés par décret en Conseil d’Etat (nouvel article L. 175-1 du code électoral).

L’ article 3 tire les conséquences de la modification du mode de scrutin pour les élections législatives s’agissant, d’une part, des dépenses de campagne, d’autre part de la propagande électorale et enfin des modalités de calcul de l’aide publique aux partis et groupements politiques.

Ainsi, le présent projet de loi fixe le plafond des dépenses électorales qui sera applicable aux listes des quatre-vingt-sept députés à 9 200 000 euros en modifiant l’article L. 52-11 du code électoral. Ce montant équivaut à celui prévu pour chaque liste candidate aux élections européennes par la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 relative à l’élection des représentants au Parlement européen modifiée par la loi n° 2018-509 du 25 juin 2018, puisque les modalités de campagne sont relativement similaires avec un nombre de candidats proche et une circonscription unique.

En ce qui concerne les modalités de la propagande électorale pour le scrutin de liste national, seules y auront accès les listes qui font état du soutien par des candidats ou listes de candidats dans au moins quarante-quatre circonscriptions. Leurs circulaires seront ainsi dématérialisées et mises en ligne après validation par une commission de propagande nationale créée par le présent article et consultables par voie d’affichage en mairie. Il s’agit là de la transposition de la règle actuelle qui impose, avec cinq cent soixante-dix-sept candidats élus dans des circonscriptions au scrutin uninominal, d’être soutenu par soixante-quinze candidats dans des circonscriptions différentes pour bénéficier de temps d’antenne dans le cadre de la campagne audiovisuelle publique prise en charge par l’Etat. La même proportion conduit, compte tenu de la réduction du nombre des circonscriptions, à la présentation de candidats dans quarante-quatre circonscriptions différentes.

En revanche, l’acheminement des bulletins de vote des listes en mairie sera pris en charge par l’Etat pour l’ensemble des listes candidates, sans condition de soutien, après leur validation par la commission de propagande.

S’agissant de la campagne audiovisuelle officielle, son bénéfice sera réservé aux listes répondant à la condition de soutien, par le biais d’un dispositif qui tire les conséquences de la décision n° 2017-651 QPC du 31 mai 2017 afin de garantir une répartition des temps d’antenne proportionnelle à la participation à la vie démocratique des partis et groupements politiques qui soutiennent ces listes.

En outre, celles de ces listes qui recueilleront plus de 3 % des suffrages exprimés se verront rembourser le coût du papier, les frais d’impression des bulletins de vote et des affiches, ainsi que les frais d’apposition de ces dernières.

Enfin, l’article 3 tire les conséquences de la diminution du nombre de députés et de circonscriptions pourvues au scrutin majoritaire sur le financement public des partis et groupements politiques. Il modifie ainsi la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique en abaissant de cinquante à trente le nombre de circonscriptions dans lesquelles les candidats (ou les listes dans la circonscription des Français établis hors de France) présentés par les partis et groupements politiques doivent avoir recueilli au moins 1 % des suffrages exprimés afin de pouvoir accéder à la première fraction de l’aide publique. Cette modification correspond à une diminution du nombre de circonscriptions requises pour être éligible à l’aide publique proportionnelle à la diminution du nombre de circonscriptions pourvues au scrutin majoritaire.

L’ article 4 est spécifique à l’élection des députés des Français établis hors de France et détermine les modalités d’organisation au scrutin de liste de leur élection qui aura lieu le jour du premier tour du scrutin majoritaire uninominal en métropole. Pour renforcer la sécurité juridique du scrutin, il prévoit que le recours au vote par correspondance sous pli fermé ne sera plus possible le jour où les conditions de mise en œuvre du vote par internet permettront de garantir le secret du vote et la sincérité du scrutin. Le respect de ces conditions sera matérialisé par la décision d’homologation, par le ministre des affaires étrangères, du système d’information du vote électronique.

Le chapitre II contient les dispositions relatives à la limitation dans le temps de l’exercice des fonctions exécutives locales, étant entendu que les dispositions relatives aux parlementaires et celles relatives à certaines fonctions exécutives dans les collectivités régies par les articles 73 et 74 de la Constitution ainsi qu’en Nouvelle-Calédonie sont déterminées par le projet de loi organique qui accompagne le présent texte.

L’ article 5 dispose ainsi que nul ne peut exercer plus de trois fois consécutivement les fonctions de chef de l’exécutif ou de président de l’assemblée délibérante d’une même collectivité territoriale ou d’un même établissement public de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre. Sont visées, en métropole, les fonctions de maire, de maire d’arrondissement, de maire de Paris, de président de conseil départemental, de président de conseil régional, de président d’EPCI, de président du conseil de métropole de Lyon, de président du conseil exécutif et de l’assemblée de Corse. Sont prises en compte les périodes d’exercice complètes ou dont l’interruption est inférieure à 365 jours. Cette limitation n’est pas applicable aux communes de moins de 9 000 habitants ni aux établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre de moins de 25 000 habitants à la date de l’élection.

Le chapitre III contient les différentes habilitations au Gouvernement permettant de mettre en œuvre la présente réforme. En effet la réduction du nombre de parlementaires nécessitera d’opérer une nouvelle répartition des sièges de députés et de sénateurs entre départements et collectivités, ainsi qu’une nouvelle délimitation des circonscriptions législatives.

L’ article 6 autorise ainsi le Gouvernement à procéder à ces opérations de répartition et de redécoupage par voie d’ordonnances, comme ce fut le cas pour les délimitations et répartitions effectuées en 1986 et en 2009. En la matière l’habilitation fixe les critères qui devront être respectés par le Gouvernement.

En ce qui concerne la répartition des sièges de parlementaires entre départements et collectivités, l’habilitation garantit au moins un député et un sénateur pour chaque département, chaque collectivité régie par les articles 73 et 74 de la Constitution, la Nouvelle-Calédonie et les Français établis hors de France. Pour la répartition des sièges de députés, Saint-Martin et Saint‑Barthélemy sont réputés ne former qu’une seule et même entité.

La réduction de 25 % du nombre de sénateurs assure une bonne représentation des départements les moins peuplés et limite le nombre de départements où n’est élu qu’un seul sénateur.

La réduction des effectifs sénatoriaux et la nécessité de mettre en place une « année zéro » conduiront à rééquilibrer, par ordonnance, la composition des deux séries pour leur conserver une « importance approximativement égale » conformément à l’article LO 276 du code électoral.

L’habilitation encadre également les opérations de délimitation des nouvelles circonscriptions législatives. Le projet de loi conserve ainsi les principaux critères appliqués lors des précédents redécoupages de 1986 et de 2009, que le Conseil constitutionnel avait validés dans sa décision n° 86-208 DC du 2 juillet 1986 et dans sa décision n° 2008-573 du 8 janvier 2009. Ainsi, le redécoupage sera fondé « sur des bases essentiellement démographiques », logique également applicable s’agissant de la répartition des sièges de sénateurs, et assurera la continuité territoriale des circonscriptions. Au sein d’un même département, le Conseil constitutionnel juge que le respect du principe d’égalité devant le suffrage impose que la population d'une circonscription ne puisse s'écarter de plus de 20 % de la population moyenne des circonscriptions du département. Cette règle est reprise dans l’habilitation. Par ailleurs, les limites des circonscriptions législatives devront respecter l’intégrité des cantons à l’exception de ceux de plus de 60 000 habitants (soit uniquement 7,2 % des cantons) et les limites communales devront être respectées dans les cantons dont le territoire n’est pas entièrement compris dans la même circonscription.

Comme en 2009, les projets d’ordonnance délimitant les circonscriptions pour l'élection des députés ou modifiant la répartition des sièges de députés ou de sénateurs seront soumis à l’avis public de la commission indépendante prévue par l’article 25 de la Constitution avant leur transmission au Conseil d’Etat. Ils devront être adoptés dans un délai de dix-huit mois à compter de la publication de la présente loi. Ces ordonnances prendront effet lors du prochain renouvellement général de l’Assemblée nationale, et lors du premier renouvellement du Sénat qui, aux termes de la loi organique, sera décalé en septembre 2021.

Le même article prévoit que le Gouvernement sera habilité à prendre par ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi afin de tirer les conséquences des nouveautés introduites par le présent projet de loi, à savoir l’élection au scrutin de liste de quatre-vingt-sept députés ainsi que celle des députés des Français établis hors de France et d'adapter les dispositions du titre III de la loi n° 2013-659 du 22 juillet 2013 relative à la représentation des Français établis hors de France.

L’habilitation autorise également le Gouvernement à prévoir les modalités de participation des députés élus au scrutin de liste national au collège électoral des sénateurs représentants les Français établis hors de France

L’habilitation permet enfin d’étendre et adapter les dispositions prises en application du présent article à Mayotte, aux collectivités régies par l’article 74 de la Constitution, et à la Nouvelle-Calédonie.

Le chapitre IV contient les dispositions relatives à l’outre-mer ainsi que les dispositions finales.

L’ article 7 prévoit des dispositions diverses et relatives à l’outre-mer en simplifiant, sans les modifier au fond, les dispositions fixant les dates des élections législatives dans les collectivités de Saint-Barthélemy (article L. 480), Saint-Martin (article L. 507) et Saint‑Pierre‑et‑Miquelon (article L. 534 du code électoral).

Il comble ensuite une lacune de l’ordonnance n° 2014-1539 du 19 décembre 2014 en permettant aux conseillers métropolitains de Lyon, à l’instar des conseillers départementaux, d’être électeurs de droit au sein du collège électoral sénatorial.

Enfin, il dispose que les députés élus au scrutin de liste national appartiennent au collège électoral du département ou de la collectivité où se situe la commune sur la liste électorale de laquelle ils sont inscrits.

L’ article 8 détermine l’entrée en vigueur du présent projet de loi. Les dispositions relatives aux députés seront applicables à compter du prochain renouvellement général de l’Assemblée nationale et celles relatives au Sénat prendront effet lors du premier renouvellement du Sénat en 2021, en cohérence avec les dispositions d’entrée en vigueur du projet de loi organique.

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