Rapport au Président de la République relatif à l'ordonnance n° 2005-870 du 28 juillet 2005 portant adaptation de diverses dispositions relatives à la propriété immobilière à Mayotte et modifiant le livre IV du code civil

NOR : DOMX0500128P
ELI : https://www.legifrance.gouv.fr/eli/rapport/2005/7/29/DOMX0500128P/jo/texte
JORF n°175 du 29 juillet 2005
Texte n° 80

Version initiale


  • Monsieur le Président,
    L'article 62-I de la loi n° 2003-660 du 21 juillet 2003 de programme pour l'outre-mer a habilité le Gouvernement à prendre, par ordonnances, les mesures nécessaires à l'actualisation et à l'adaptation du droit applicable à Mayotte, en ce qui concerne notamment le droit civil, et plus particulièrement la propriété immobilière et les droits immobiliers.
    La présente ordonnance a ainsi pour objet :
    - dans son titre Ier, de compléter le livre IV du code civil concernant les dispositions applicables à Mayotte afin de moderniser le régime juridique applicable aux immeubles et à la publicité foncière qui relève actuellement à Mayotte d'un décret colonial du 4 février 1911, modifié principalement par un décret du 9 juin 1931 ;
    - dans son titre II, de rendre applicables, sous réserve d'adaptations, diverses dispositions de droit civil non codifiées intéressant la propriété immobilière ;
    - et enfin, dans son titre III, de donner une assise juridique incontestable à la politique dite « de régularisation foncière » de la collectivité départementale, visant à transformer en droit de propriété les droits coutumiers individuels sur des terrains de la collectivité mis durablement en valeur par leurs titulaires.


    I. - Observations générales


    Aux termes de l'article 3-I de la loi n° 2001-618 du 11 juillet 2001 relative à Mayotte, le droit civil relève de la compétence de l'Etat dans cette collectivité. En ce qu'il intéresse les biens immobiliers et les modifications de la propriété (livre II du code civil) ainsi que les différentes manières de l'acquérir (livre III du code civil), le droit civil reste soumis au principe de spécialité législative à Mayotte.
    Des textes récents ont étendu à Mayotte, avec les adaptations nécessaires, certaines dispositions de droit civil relatives au régime juridique de la propriété immobilière et des droits réels immobiliers : l'ordonnance n° 2002-1476 du 19 décembre 2002 portant extension et adaptation de diverses dispositions de droit civil, ratifiée par la loi de programme pour l'outre-mer du 21 juillet 2003, l'ordonnance n° 2004-1233 du 20 novembre 2004 sur les procédures d'exécution et le décret n° 2004-1234 du même jour portant extension de dispositions de procédure civile.
    Ces extensions et notamment celles du code civil et du code de procédure civile (nouveau et ancien) se sont toutefois réalisées sans modification du décret du 4 février 1911.
    La présente ordonnance a pour objet de rapprocher du droit commun les dispositions relatives aux immeubles applicables à Mayotte. Elle modernise ainsi le régime de la publicité foncière afin d'offrir aux propriétaires d'immeubles, aux titulaires de droits réels immobiliers et aux tiers une sécurité juridique similaire à celle existant en métropole.
    Sur le plan formel, ces dispositions sont insérées dans le livre IV du code civil créé par l'ordonnance du 19 décembre 2002, consacré aux dispositions applicables à Mayotte.
    Les dispositions de la présente ordonnance n'occasionnent aucun coût au budget de l'Etat ou à celui de la collectivité mais rentabilisent au contraire les investissements consacrés par l'Etat à la mise en oeuvre du cadastre relié au régime de la publicité immobilière, tout en permettant l'élaboration d'une fiscalité indirecte au profit de la collectivité et, à terme, des communes de Mayotte.
    L'entrée en vigueur des dispositions du titre Ier de l'ordonnance est prévue le 1er janvier 2008.


    II. - Observations par titre


    1. Le titre Ier de l'ordonnance intéresse les dispositions du code civil relatives à la propriété immobilière et aux droits immobiliers.
    Son article 3 modifie l'article 2294 du code civil afin que le régime des eaux non fluviales et non maritimes relève à Mayotte de la seule appropriation publique, à l'instar de celui des départements d'outre-mer où la rareté de l'eau ne peut permettre l'extension du droit commun en la matière.
    Son article 5 conforte l'extension à Mayotte des titres XVII à XIX du livre III du code civil, avec les adaptations nécessaires pour tenir compte des spécificités applicables à Mayotte.
    Son article 6 complète le livre IV du code civil en créant un titre IV nouveau qui modernise le régime de la propriété et de la publicité immobilières à Mayotte.
    La publicité foncière telle qu'organisée à Mayotte par le décret de 1911 repose sur un système de publicité réelle (et non personnelle) qui présente les caractéristiques d'un système à effet constitutif de droits. En ce sens, il se distingue nettement du système de publicité foncière à effet confortatif existant en métropole et en Alsace-Moselle.
    Le régime de publicité foncière actuellement applicable à Mayotte ne concerne que les personnes physiques et demeure, sauf exceptions, largement facultatif. Ce caractère facultatif, qui a ainsi permis l'immatriculation des plantations de rente mais pas celle des parcelles dites « indigènes », présente, aujourd'hui, plus d'inconvénients que d'avantages :
    - il ne garantit pas de manière uniforme la sécurité juridique des propriétaires ou titulaires de droits réels et celle des tiers au regard de la publicité foncière partielle qu'il instaure ;
    - il constitue un obstacle à l'exercice de la liberté d'établissement des ressortissants européens, nécessaire à la qualité de région ultrapériphérique de l'Union européenne à laquelle Mayotte peut prétendre ;
    - il compromet la mise en place d'une fiscalité locale appuyée sur la propriété déclarée et l'efficacité d'un cadastre qui n'enregistre pas les mutations des fonds de terre ;
    - il freine l'aménagement de l'espace dans la mesure où les politiques publiques qui l'organisent ont besoin de connaître exactement la situation juridique des parcelles qui l'ordonnent.
    D'une manière générale, ce décret renvoie à une époque révolue en ce qu'il se réfère à l'indigénat ou à une administration coloniale disparue. Cependant, il n'apparaît pas opportun d'envisager, dans l'immédiat, une extension à Mayotte du régime de publicité foncière de droit commun, compte tenu notamment de l'introduction récente du cadastre et de la modernisation de l'état civil et de l'intérêt que conserve à Mayotte un système de publicité réelle.
    Il convient, en revanche, de moderniser ce régime en le rendant obligatoire, quel que soit le statut civil des personnes, les personnes morales y étant désormais assujetties. Il doit également être modernisé en matière de procédures administratives et judiciaires et l'informatisation du livre foncier doit être envisagée.
    Pour ce faire, la présente ordonnance abroge le décret du 4 février 1911 et le remplace par les dispositions essentielles suivantes :
    - l'immatriculation de l'immeuble, à l'issue d'une procédure destinée à relever l'ensemble des droits existant sur l'immeuble, et l'inscription des droits réels immobiliers transmis ou constitués sur ces immeubles immatriculés deviennent obligatoires ;
    - cette obligation concerne les personnes physiques comme les personnes morales ;
    - la rédaction d'un acte authentique est désormais exigée pour publier un droit immobilier au livre foncier de Mayotte ;
    - enfin, les procédures administratives et judiciaires sont simplifiées et modernisées.
    2. Le titre II de l'ordonnance intéresse l'extension à Mayotte, avec les adaptations nécessaires, de diverses dispositions législatives de droit civil touchant à la propriété immobilière, comme celles relatives à la copropriété, à la location-accession à la propriété ou encore à la concession immobilière. Ce corpus juridique est de nature à protéger les droits des propriétaires et des titulaires de droits réels immobiliers dans un contexte d'urbanisation croissante et de raréfaction de la surface habitable à Mayotte.
    3. Le titre III de l'ordonnance donne enfin, dans son chapitre Ier, une assise juridique incontestable à la politique foncière de la collectivité départementale, autorisant la cession gracieuse des terres mises durablement en valeur par les titulaires de droits coutumiers individuels établis à Mayotte.
    Les modalités d'entrée en vigueur des nouvelles dispositions intéressant la publicité foncière à Mayotte sont également précisées dans le chapitre II de ce titre.


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    Tel est l'objet de la présente ordonnance que nous avons l'honneur de soumettre à votre approbation.
    Veuillez agréer, Monsieur le Président, l'assurance de notre profond respect.

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