Avis de la Commission des participations et des transferts n° 2006-AC-1 du 31 janvier 2006 relatif au transfert au secteur privé du contrôle de la société APRR

Version initiale


  • La commission émet l'avis suivant :
    Par lettre en date du 21 juillet 2005, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a saisi la commission, en application de l'article 20 de la loi n° 86-912 du 6 août 1986 modifiée, en vue d'autoriser le transfert au secteur privé de la participation majoritaire détenue par l'Etat, directement et via l'établissement public Autoroutes de France, dans les sociétés Autoroutes du Sud de la France (ASF), Autoroutes Paris-Rhin-Rhône (APRR) et SANEF ; du fait du nombre d'employés et du montant du chiffre d'affaires de chacune de ces trois sociétés, leur cession requiert l'avis conforme de la commission.
    La commission a délibéré et adopté au cours de ses séances des 13 et 15 décembre 2005 l'avis n° 2005-AC-4 favorable aux cessions projetées.
    Les décrets d'autorisation n'ayant pas été pris dans le délai de trente jours après l'avis de la commission prévu à l'article 3 de la loi du 6 août 1986 susvisée, le ministre a saisi à nouveau la commission par lettre du 30 janvier 2006.
    Un rapport complémentaire des banques conseils de l'Etat sur l'évaluation d'APRR a été transmis à la commission et ce rapport, qui prend en compte les éléments survenus depuis décembre 2005, conclut que la fourchette des valorisations intrinsèques à fin janvier 2006 est similaire à celle présentée fin novembre 2005 dans le rapport d'évaluation.
    Les conditions de l'opération sont identiques à celles sur lesquelles la commission a rendu son avis des 13 et 15 décembre 2005.
    Dès lors il y a lieu pour la commission d'exprimer à nouveau son avis favorable à la cession du contrôle de la société APRR.


    Evaluation d'APRR


    I. - La société des Autoroutes Paris-Rhin-Rhône (APRR) a été créée en 1961 pour exploiter à l'origine l'autoroute Paris-Lyon (A 6). Son réseau s'est progressivement développé durant les années suivantes autour de cet axe, avec notamment les autoroutes A 5 et A 39 qui procurent un itinéraire alternatif vers l'Est (Toul et Mulhouse) et vers le Centre (Bourges et Clermont-Ferrand). En 1994, dans le cadre de la réorganisation du secteur, APRR a pris le contrôle de la société des Autoroutes Rhône-Alpes (AREA) qui dessert le réseau alpin au sud de Lyon et assure la liaison avec l'Italie. Les concessions d'APRR et d'AREA expirent le 31 décembre 2032.
    Par la taille de son réseau concédé, 2 205 km en service, le groupe APRR est le deuxième opérateur français et le troisième en Europe. Le réseau d'APRR est particulièrement cohérent du point de vue géographique. Bien positionné en Europe, il relie d'importants pôles d'activité : l'axe Paris-Lyon, outre qu'il unit les deux plus grandes métropoles françaises, relie l'Europe du Nord, l'Europe centrale et l'Europe du Sud. Son importance économique explique la proportion élevée de trafic de poids lourds (33 %). Le réseau présente aussi la caractéristique d'être « maillé », c'est-à-dire d'offrir des itinéraires alternatifs pour les principaux axes de circulation.
    La société APRR a été introduite en bourse de Paris fin novembre 2004 au prix pour les particuliers de 40,5 euros par action, la participation directe et indirecte (via Autoroutes de France) de l'Etat étant ainsi réduite à 70,2 %.
    La répartition du capital d'APRR est la suivante :
    Etat et Autoroutes de France : 70,2 % ;
    Groupe Eiffage : 4 % ;
    Salariés : 0,9 % ;
    Collectivités territoriales et chambres consulaires : 0,8 % ;
    Flottant : 24,1 %.
    Le cours de l'action APRR a bénéficié d'une hausse significative depuis son introduction. Le cours de bourse, en moyenne aux environs de 44 euros avant l'annonce de la privatisation le 8 juin 2005, a connu une progression accélérée à l'automne vers 56 euros et se situe au-dessus de 60 euros depuis le 14 décembre.
    Grâce à la croissance du trafic et à la hausse des tarifs, l'exercice 2004 d'APRR a enregistré une progression du chiffre d'affaires qui est passé de 1,47 en 2003 à 1,51 milliard d'euros, soit une hausse de 2,4 % après celle de 4,2 % de l'exercice précédent. L'excédent brut d'exploitation (EBITDA) a augmenté de 2,4 % à 945 millions d'euros et le résultat d'exploitation (EBIT) s'est établi à 644 millions (+ 2,6 %). Le résultat net de 148 millions d'euros s'est accru de 45 % grâce notamment à l'amélioration du résultat financier résultant de la réduction de la dette et de l'augmentation du capital de novembre 2004.
    Au 31 décembre 2004, les capitaux propres s'élèvent à 1,52 milliard d'euros et la dette financière nette à 5,2 milliards d'euros.
    Au cours du premier semestre 2005, le chiffre d'affaires a atteint 757 millions d'euros, en progression de 3,8 % par rapport à la même période de l'exercice 2004. L'excédent brut d'exploitation (477 millions d'euros) et le résultat d'exploitation (310 millions) ont progressé respectivement de 5 et de 2,3 %. Le résultat net a augmenté de 49 % à 91,5 millions d'euros.
    Pour l'ensemble de l'exercice 2005, APRR a rendu public un chiffre d'affaires de 1,57 milliard d'euros, en progression de 3,8 % par rapport à 2004.
    Le groupe APRR s'est donné comme principales orientations stratégiques : poursuivre le développement et l'amélioration de son réseau en France, renforcer la vocation alpine du groupe, s'associer sous forme de participations minoritaires à des projets de construction et d'exploitation d'autoroutes en Europe et dans les pays de l'OCDE, proposer des prestations de conseil dans le reste du monde, améliorer la productivité et le service à la clientèle par le développement du péage automatisé et de l'information, gérer activement sa dette et se diversifier dans des domaines connexes à son coeur de métier (parkings, aires de services, télécommunications, ingénierie).
    II. - Pour les sociétés concessionnaires d'autoroutes, la détermination précise des obligations réciproques du concédant et du concessionnaire est un point essentiel. Elle est réalisée au moyen de plusieurs textes contractuels :
    - la convention de concession, approuvée par décret en Conseil d'Etat, définit le domaine géographique et la durée de la concession, la nature des apports de l'Etat et les obligations générales du concessionnaire ainsi que son droit de percevoir des péages. A compter d'une certaine date, l'Etat peut, dans un motif d'intérêt général et moyennant indemnisation, exercer un droit de rachat de la concession ;
    - le cahier des charges, également approuvé par décret en Conseil d'Etat, définit en détail l'assiette de la concession, les constructions à réaliser et les conditions d'exploitation et d'entretien. Il fixe notamment la tarification des péages et les modalités de leur révision. Le cahier des charges de chaque société prévoit ainsi que les tarifs seront annuellement révisés d'au moins un certain pourcentage du taux d'évolution de l'indice des prix à la consommation (hors tabac) lorsqu'un contrat d'entreprise a été conclu. Des compensations sont prévues en cas de modification des réglementations fiscales ou techniques qui seraient susceptibles de compromettre gravement l'équilibre des concessions ;
    - un contrat de groupe et des contrats d'entreprise quinquennaux ont été conclus entre l'Etat et chaque entreprise. Ils définissent les axes de développement du groupe, le détail et le calendrier des investissements à réaliser la politique sociale, les mesures de protection de l'environnement ainsi que la politique commerciale et tarifaire. Ils précisent les modalités de l'évolution annuelle des tarifs de péage et prévoient notamment une hausse spécifique pour tenir compte de la situation financière de la société et de son programme d'investissement. Dans l'hypothèse où les contrats quinquennaux ultérieurs ne seraient pas conclus, la révision des tarifs serait alors limitée à un pourcentage plus faible de l'évolution de l'indice des prix à la consommation.
    Dans la perspective de cession de ses participations, l'Etat a élaboré des projets d'avenants aux contrats de concession qui ont été rendus publics le 28 juillet 2005. Les principales modifications visent à :
    - garantir la concurrence dans l'attribution des marchés de travaux par les concessionnaires ;
    - réaffirmer l'importance du respect des obligations prévues par le cahier des charges en relevant les pénalités en cas de manquement ;
    - harmoniser et renforcer pour les trois groupes les dispositions visant les obligations du concessionnaire en ce qui concerne la politique d'exploitation et de sécurité, la qualité du service aux usagers, les informations dues au concédant, la compensation du gain éventuel lié à un décalage dans le temps des travaux prévus, l'indemnisation des concessionnaires en cas de rachat par l'Etat.
    Des modifications complémentaires apportées aux contrats de concession, à la suite des observations du Conseil de la concurrence, ont été acceptées par les acquéreurs pressentis le 14 décembre 2005.
    Par ailleurs, un projet d'avenant aux contrats entre les sociétés d'autoroutes et la Caisse nationale des autoroutes (CNA) a été élaboré en vue de sécuriser les créances à long terme de la CNA. Le projet se traduit en particulier par :
    - la protection du rang des créances de la CNA ;
    - des conditions de remboursement anticipé ;
    - l'obligation pour les sociétés concessionnaires d'autoroutes de respecter deux ratios financiers :
    - le rapport dette nette sur EBITDA ne pourra pas dépasser 7 ;
    - le rapport EBITDA sur charges financières devra rester supérieur à 2,2.
    Les candidats à l'acquisition des participations de l'Etat dans les trois sociétés d'autoroutes se sont engagés à faire adopter les modifications aux contrats de concession par les organes délibérants des sociétés. Le projet d'avenant aux contrats avec la CNA a été approuvé par les trois sociétés et communiqué aux candidats à l'acquisition.
    III. - Le cahier des charges de la cession des participations de l'Etat dans les trois sociétés concessionnaires d'autoroutes prévoit que le prix convenu pour la vente soit payé comptant et en numéraire par les acquéreurs et il ne prévoit aucun ajustement. Aucune charge ne demeure après la cession pour les cédants, l'Etat et Autoroutes de France, qui ne donnent aucune garantie financière.
    IV. - Conformément à l'article 20, troisième alinéa, de la loi du 6 août 1986 modifiée susvisée, la commission a disposé d'un dossier comprenant l'évaluation d'APRR faite par des experts indépendants désignés conformément aux dispositions du décret du 24 octobre 1986 modifié susvisé. La commission a également disposé de l'évaluation réalisée par les banques conseils d'APRR.
    Ces évaluations ont utilisé cinq méthodes à titre principal ou secondaire selon leurs auteurs :
    - l'actualisation des flux nets de trésorerie (DCF) a été utilisée dans tous les cas à titre principal. Les évaluateurs ont utilisé le plan d'affaires établi par la société jusqu'à l'expiration des concessions et l'ont éventuellement revu en fonction de leurs propres anticipations d'évolution du trafic, des tarifs et des investissements. Les flux sont actualisés au coût moyen pondéré du capital de l'entreprise suivant un taux fixe, ou suivant un taux glissant en raison de la modification importante de la structure financière de l'entreprise sur la durée de la concession (remboursement de la dette). Le calcul a été fait avec une dette à valeur comptable et avec une dette à valeur de marché ;
    - l'actualisation des dividendes a également été utilisée à titre principal. Sur la base d'une hypothèse de taux de distribution, les dividendes ont été actualisés année par année au coût des fonds propres, fixe ou glissant, sur toute la période de concession, ainsi que les liquidités résiduelles ;
    - la méthode de la « valeur présente ajustée » (VPA) a été utilisée à titre principal seulement par les experts indépendants. Elle consiste en une valorisation de la société au coût des fonds propres hors dette par actualisation des flux de trésorerie et en un calcul de l'impact fiscal de l'endettement ;
    - les comparaisons avec des sociétés cotées comparables n'ont été réalisées qu'à titre secondaire ou pour vérification de la cohérence des évaluations, faute de référence pertinente à l'étranger ;
    - l'analyse des cours de bourse a été utilisée à titre principal. Les évaluateurs se sont référés à des moyennes de cours avant l'annonce de la privatisation le 8 juin. Ils ont aussi analysé l'évolution des cours depuis lors en notant qu'ils comprennent un élément spéculatif lié au processus de cession.
    Les rapports d'évaluation mentionnent aussi les objectifs de cours publiés par les analystes financiers avant et après l'annonce de la décision de privatisation.
    L'ensemble de ces méthodes conduisent les experts indépendants et les banques conseils à présenter des évaluations convergentes d'APRR.
    Le résultat des évaluations est sensible à la prise en compte des risques opérationnels résultant de l'impact de l'évolution de l'environnement économique sur le trafic (croissance du PIB, prix des hydrocarbures), de la concurrence des autres modes de transport (rail, avions, voies d'eau) et de l'évolution du contexte réglementaire (cadre tarifaire en particulier). Les volumes d'investissement et leur déroulement chronologique ont aussi un impact important dans les calculs d'actualisation des flux.
    Les méthodes d'actualisation supposent la détermination du taux (coût des fonds propres ou coût moyen pondéré du capital) auquel le calcul est effectué. Suivant les méthodes financières reconnues, le coût des fonds propres est déterminé en ajoutant au taux sans risque (en l'espèce l'OAT 15 ans) une prime de risque reflétant l'incertitude inhérente aux flux futurs de trésorerie ou de dividendes de l'entreprise. Cette prime est calculée à partir de la prime de risque générale observée sur le marché des actions pondérée par le niveau de risque (le « bêta ») propre au secteur considéré, celui des autoroutes étant jugé faible.
    Pour vérifier la vraisemblance de cette mesure du risque, la dégradation des hypothèses du plan d'affaires de l'entreprise qu'elle représente implicitement a été testée ainsi qu'une variation des taux.
    Ces calculs tiennent compte à la fois de l'inflation et des risques mais non des flux financiers dus aux externalités positives générées par le système autoroutier qui ne bénéficient pas aux sociétés concessionnaires. Les études jointes au dossier montrent comment les taux utilisés dans les évaluations se réconcilient avec les taux d'actualisation macroéconomiques utilisés pour la sélection d'investissements publics.
    V. - Conformément à l'article 20, dernier alinéa, de la loi du 6 août 1986 modifiée susvisée, la commission est appelée à fixer la valeur de la société APRR dans laquelle est cédée une participation majoritaire. Le quatrième alinéa dudit article précise que les « évaluations sont conduites selon les méthodes objectives couramment pratiquées en matière de cession totale ou partielle d'actifs de sociétés, en tenant compte, selon une pondération appropriée à chaque cas, de la valeur boursière des titres, de la valeur des actifs, des bénéfices réalisés, de l'existence des filiales et des perspectives d'avenir ».
    La commission a considéré que dans le cas présent les méthodes auxquelles doit être accordée la pondération la plus importante sont l'actualisation des flux de trésorerie, l'actualisation des dividendes et l'analyse des cours de bourse. Les deux premières méthodes intègrent bien la capacité bénéficiaire de l'entreprise et ses perspectives d'avenir pour une société dont les contrats de concession ont un terme connu. S'agissant des cours de bourse, la commission a estimé qu'il convenait de considérer principalement ceux précédant l'annonce de la privatisation le 8 juin 2005 et d'y ajouter une prime significative conforme aux usages, l'Etat transférant aux acquéreurs le contrôle intégral de la société. Les multiples de sociétés comparables et les cours récents de bourse permettent d'opérer des vérifications de vraisemblance.
    La commission a également veillé à ce que l'évaluation des trois sociétés concessionnaires d'autoroutes soit réalisée selon une méthodologie homogène.
    Sur ces bases, la commission estime que la valeur de la société APRR ne saurait être inférieure à 51 euros par action, soit environ 5,8 milliards d'euros.


    Choix de l'acquéreur


    VI. - La cession des participations majoritaires de l'Etat dans ASF, APRR et SANEF a été annoncée le 8 juin 2005 par le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale.
    Le 18 juillet, le processus de cession a été lancé par un communiqué du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et du ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer qui a rendu public le cahier des charges applicables aux trois cessions de participations. Les candidats étaient invités dans une première étape à déposer des offres indicatives sur tout ou partie de chacune des participations dont la cession était projetée. Le cahier des charges indiquait par ailleurs que « l'Etat entend procéder au transfert de chacune des participations dans des conditions financières conformes à ses intérêts patrimoniaux, et dans des conditions permettant d'assurer le respect des contrats de concession ainsi que le développement à long terme des sociétés dans le cadre d'un projet industriel et social précis et structuré ». Les différents aspects de ces critères de sélection étaient précisés dans le cahier des charges.
    Le 28 juillet ont été rendus publics les projets d'avenants aux contrats de concession que les candidats doivent s'engager à accepter (voir point II ci-dessus).
    Le 22 août, 19 offres indicatives d'acquisition ont été remises par des investisseurs industriels et financiers, français et étrangers pour l'ensemble des trois sociétés. Le même jour était annoncée la nomination de M. Jean-Louis Fort en tant que personnalité indépendante chargée de veiller au bon déroulement de la procédure.
    La commission a été tenue informée du contenu des offres déposées.
    Le 2 octobre, les ministres ont annoncé le lancement de la deuxième étape du processus de cession au terme de laquelle les candidats étaient invités à déposer pour le 7 novembre des offres fermes sur la base d'un cahier des charges complémentaire. Il était précisé que ces offres devaient porter sur la totalité de chacune des participations, qu'elles devaient prévoir un paiement exclusivement en numéraire et que chacune des trois participations serait cédée à un acquéreur distinct.
    Le 7 novembre, les offres fermes ont été remises. Quatre offres ont été déposées portant sur la participation majoritaire dans APRR :
    - une offre d'Abertis ;
    - une offre déposée par Autostrade au nom d'un consortium constitué avec la Caisse des dépôts et consignations, la CNP, AGF, Predica et AXA ;
    - une offre déposée par Cintra au nom d'un consortium constitué avec Boréalis, Teachers et la Caja de Madrid ;
    - une offre déposée par Eiffage au nom d'un consortium constitué avec Macquarie.
    Toutes ces offres, d'excellente qualité et réunissant des partenaires de premier plan, souscrivent aux engagements requis par le cahier des charges. Grâce à la procédure mise en oeuvre, les prix proposés par ces offres extériorisent, au-delà de la valeur fixée par la commission, des primes qui reflètent l'intérêt porté par les candidats à la prise de contrôle des sociétés concessionnaires d'autoroutes.
    La commission, après avoir pris connaissance du contenu des offres, a procédé à l'audition de l'ensemble des candidats et de leurs conseils les 1er et 2 décembre 2005. Elle a également entendu les représentants de l'Etat, l'établissement public Autoroutes de France, les trois sociétés d'autoroutes et les experts indépendants.
    Le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a adressé le 13 décembre à la commission une proposition visant à sélectionner pour APRR l'offre ferme remise par Eiffage.
    La commission a entendu la personnalité indépendante et a pris acte de la conclusion de son rapport : « Les conditions de déroulement de l'ensemble de la procédure relative à chacune des trois sociétés n'appellent aucune réserve de ma part, aussi bien en ce qui concerne sa clarté, sa régularité et sa transparence que pour ce qui se rapporte à la publicité donnée à l'opération, à l'égalité de traitement des candidats et à l'examen des offres fermes reçues. J'estime enfin que le choix des acquéreurs, en ce qui concerne la procédure, s'est fait dans des conditions totalement objectives et transparentes. »
    VII. - Les quatre candidats qui ont déposé des offres fermes pour l'acquisition de la participation majoritaire dans APRR sont :
    1. Abertis (57,5 %), premier groupe d'autoroutes en Espagne avec plus de 60 % du réseau. Abertis est présent à l'étranger et détient notamment des participations dans Brisa et Autostrade et dans la gestion d'autoroutes en Amérique latine. Il a également développé une activité diversifiée (36 % du chiffre d'affaires) dans les aéroports, les télécommunications et les parkings. Abertis a pour principaux actionnaires le groupe de construction ACS (20 %) et les Cajas de Ahorros (plus de 40 % dont la Caixa pour 24 %). Il a une capitalisation boursière de 12,8 milliards d'euros, des capitaux propres de 3,1 milliards, une dette nette de 4,2 milliards, un chiffre d'affaires de 1,5 milliard, un EBITDA de 1 milliard.
    2. Autostrade au nom et pour le compte d'un consortium qui comprend :
    - Autostrade (30 %), premier groupe européen concessionnaire d'autoroutes, présent en Italie (56 % du réseau), en Europe et aux Etats-Unis. Le groupe développe des services connexes, notamment dans les télécommunications. Le principal actionnaire d'Autostrade est la famille Benetton à travers la société Schemaventotto. La capitalisation boursière est de 11,7 milliards d'euros, le chiffre d'affaires s'élève à 2,9 milliards d'euros, les capitaux propres à 1,8 milliard, la dette nette à 8,8 milliards et l'EBITDA à 1,9 milliard ;
    - la Caisse des dépôts et consignations, premier investisseur de long terme en France, et la CNP (30 %) ;
    - AGF (22 %), troisième compagnie d'assurances en France et filiale à 58 % du groupe Allianz, premier assureur mondial dont la capitalisation boursière est de 50 milliards d'euros ;
    - Predica (10 %), deuxième société d'assurances-vie en France et qui appartient au groupe Crédit agricole ;
    - AXA (8 %), deuxième groupe d'assurances au monde et qui a une capitalisation boursière de 51 milliards d'euros.
    3. Cintra au nom et pour le compte d'un consortium qui comprend :
    - Cintra (30 %), un des principaux groupes espagnols spécialisés dans les concessions d'autoroutes et de parcs de stationnement. Cintra est implanté dans six pays d'Europe et d'Amérique, principalement en Espagne et au Canada. Son capital est contrôlé à 62 % par le groupe Ferrovial présent dans la construction et la promotion immobilière. La capitalisation boursière de Cintra s'élève à 5 milliards d'euros, les fonds propres à 2,5 milliards et la dette nette à 5,8 milliards. Le chiffre d'affaires est 0,55 milliard et le résultat opérationnel de 0,26 milliard ;
    - Boréalis Infrastructure (30 %), gestionnaire des investissements, dans le secteur des infrastructures, du Système de retraite des employés municipaux de l'Ontario OMERS, une des plus importantes caisses de retraite du Canada qui gère 24 milliards d'euros de fonds ;
    - Teachers (30 %), gestionnaire des actifs de la Caisse de retraite des enseignants de l'Ontario. C'est une des premières institutions financières du Canada avec 64 milliards d'euros d'actifs sous gestion, investis dans le long terme notamment dans les infrastructures ;
    - la Caja de Madrid (10 %), caisse d'épargne, quatrième groupe financier d'Espagne présent dans l'ensemble des activités bancaires et investisseur notamment dans le secteur des infrastructures.
    4. Eiffage au nom et pour le compte d'un consortium qui comprend :
    - Eiffage (50 % plus une action), troisième groupe de bâtiment et travaux publics en France, présent dans la construction et l'immobilier, l'entretien et la construction des routes, les installations électriques, la construction métallique et les concessions. Eiffage a une capitalisation boursière de 3,4 milliards d'euros, des capitaux propres de 1,2 milliard, un endettement net de 17 millions, un chiffre d'affaires de 7,8 milliards et un EBITDA de 422 millions. Le principal actionnaire du groupe est ses salariés qui détiennent 22 % du capital ;
    - Macquarie Infrastructure Group (50 % moins une action), qui est un ensemble de fonds d'investissements du groupe australien Macquarie et qui est spécialisé dans les infrastructures notamment routières (il est le quatrième concessionnaire routier au monde) et dont les fonds sous gestion s'élèvent à 19 milliards d'euros. Macquarie investit normalement sur la durée totale des concessions.
    Le ministre a proposé de retenir l'offre remise par Eiffage.
    L'offre d'Eiffage propose un prix de 61 euros par action. Les autres offres incluent des prix de 62 euros (Cintra), 61 euros (Abertis) et 60 euros (Autostrade). Ces prix peuvent être considérés comme équivalents. Conformément au cahier des charges, l'offre d'Abertis étant sélectionnée pour la participation dans SANEF, pour laquelle Abertis avait exprimé sa priorité, son offre pour APRR ne peut être simultanément retenue.
    Aux termes de l'offre qu'il a déposée, Eiffage serait l'opérateur industriel et détiendrait le contrôle d'APRR, désignant en particulier le président de son conseil d'administration composé à parité avec Macquarie. La gouvernance de la société et les relations entre les deux partenaires, Eiffage et Macquarie, sont très précisément déterminées. Eiffage s'engage à conserver au moins dix ans sa participation, confortant la stabilité de l'actionnariat. Les autres offres ne prévoient pas un contrôle par l'opérateur industriel et expriment un engagement de conservation des titres de moindre durée.
    Le projet industriel d'Eiffage et Macquarie consiste à créer un acteur de premier plan dans les concessions autoroutières en Europe. Pour Eiffage, APRR serait la pièce maîtresse de son pôle de concessions et il envisage de lui apporter l'ensemble des concessions qu'il détient déjà en France (viaduc de Millau, parkings). En Europe, APRR se développerait en partenariat avec Eiffage selon le modèle d'offres communes associant un grand constructeur et un exploitant. Tant Eiffage que Macquarie apporteraient leur expertise et leur expérience. Le plan de développement vise le déploiement du télépéage, l'amélioration de la sécurité et de la circulation et la diversification des services.
    Les offres des deux autres candidats consistent à faire d'APRR leur véhicule privilégié en France pour les routes à péages, en étudiant toutes les opportunités de développement ; à l'étranger les investissements seraient étudiés au cas par cas et réalisés en principe en partenariat.
    Sur le plan social l'offre d'Eiffage présente l'avantage d'offrir de réelles opportunités de reclassement régional des salariés concernés par l'automatisation des péages. Eiffage envisage aussi la création d'un nombre significatif d'emplois à travers notamment des actions de valorisation du patrimoine local en coopération avec les collectivités territoriales. L'importance de l'actionnariat salarié dans le groupe Eiffage est un atout pour la participation des salariés d'APRR.
    Le montage financier des acquisitions vise dans les trois offres à créer des situations financières optimisées et il se fonde sur un recours élevé au crédit bancaire. Eiffage et Cintra prévoient le prélèvement d'un dividende exceptionnel à verser par APRR, dont le montant serait plus faible en ce qui concerne Eiffage. La qualité des partenaires financiers dans les trois offres est reconnue et les structures financières retenues sont en mesure d'assurer le respect des engagements requis vis-à-vis de la dette envers la CNA.
    La commission considère que la proposition de l'Etat et d'Autoroutes de France de retenir l'offre d'Eiffage repose sur une appréciation objective des offres au regard des différents critères de sélection définis au cahier des charges de la cession.
    Pour ces motifs, la commission émet un avis favorable au choix de l'offre remise par Eiffage pour l'acquisition de la participation majoritaire dans APRR.
    VIII. - En conclusion, la commission constate que le lancement par l'Etat et Autoroutes de France d'une procédure ouverte d'appel à candidature a permis d'assurer la transparence de la sélection des acquéreurs et d'obtenir, grâce à la concurrence ainsi réalisée et au choix des candidats les mieux disants, des prix et des qualités de projet industriel et social qui répondent aux attentes initiales des vendeurs.
    Les prix obtenus sont supérieurs, parfois très nettement là où la concurrence a été très vive, aux évaluations des trois sociétés conduites selon les prescriptions de la loi et fixées par la commission. Un tel résultat témoigne du vif intérêt des candidats pour cette acquisition et traduit le contexte particulièrement favorable dans lequel l'opération se déroule : taux d'intérêt historiquement bas, recherche par les investisseurs de valeurs défensives.
    Les termes de la cession d'APRR apparaissent conformes aux intérêts patrimoniaux de l'Etat.
    IX. - Pour ces motifs, et au vu de l'ensemble des éléments qui lui ont été transmis, la commission émet un avis favorable au projet de décret dont le texte est annexé au présent avis et visant à autoriser le transfert au secteur privé du contrôle de la société APRR.

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