Avis n° 2013-17 du 11 décembre 2013 relatif au projet de contrat d'objectifs et de moyens de la société nationale de programme France Médias Monde pour la période 2013-2015

Version initiale



  • En application de l'article 53 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, le Gouvernement a, par courrier du 22 novembre 2013, transmis au Conseil supérieur de l'audiovisuel le projet de contrat d'objectifs et de moyens (COM) de France Médias Monde pour la période 2013-2015.
    Le conseil se félicite de la finalisation de ce document qui constitue pour la société nationale de programme en charge de l'audiovisuel extérieur de la France l'indispensable cadre stratégique qui lui faisait jusqu'alors défaut.
    Le projet de COM soumis au conseil est issu du plan stratégique élaboré sous l'égide de la présidente-directrice générale de la société nationale de programme en charge de l'audiovisuel extérieur de la France, en concertation avec les personnels des trois médias de la société (France 24, RFI, Monte Carlo Doualiya-MCD).
    Il assigne à la société trois grandes séries d'objectifs :
    ― en termes de publics ciblés et de stratégie éditoriale pour chacun des trois médias, fondés sur l'affirmation d'un socle d'idées et de valeurs communes ;
    ― en termes de développement d'une présence mondiale sur tous les supports ;
    ― en termes humains et organisationnels.
    Le projet comprend une quinzaine d'indicateurs permettant de mesurer la réalisation de ces objectifs ainsi qu'un engagement de ressources allouées par l'Etat pour la période concernée.
    Le Conseil supérieur de l'audiovisuel, après en avoir délibéré en séance plénière le 11 décembre 2013, émet l'avis suivant.


    I. ― Observation liminaire


    Le conseil s'étonne que le projet de COM qui lui est soumis porte en réalité sur une période de deux ans, puisque la première année est déjà écoulée, alors que l'article 53 de la loi du 30 septembre 1986 prévoit que la durée des COM est comprise entre trois est cinq ans.


    II. ― Des identités et des valeurs affirmées


    Le conseil se félicite de la « volonté de l'Etat de remettre au cœur de l'action audiovisuelle extérieure de la France la spécificité des médias et la singularité de leur identité ». Cette identité avait été gommée dans le cahier des charges de la société, ce que le conseil avait regretté dans l'avis n° 2012-01 du 10 janvier 2012 qu'il avait rendu sur le projet de décret fixant le cahier des charges.
    Le conseil se réjouit de l'affirmation d'un socle commun de valeurs universelles porté par les trois médias de France Médias Monde. La promotion des valeurs démocratiques et des droits de l'homme, la promesse d'une information libre, indépendante et honnête mettant en avant la diversité des points de vue et le débat, la laïcité, l'égalité des femmes et des hommes, la diversité culturelle sont autant de valeurs et de principes auxquels le conseil est particulièrement attaché.


    III. ― Des améliorations de grille positives mais des engagements culturels
    et en faveur de l'accessibilité à introduire


    Le conseil approuve les objectifs d'amélioration des grilles et des contenus que le projet expose, notamment s'agissant du développement de langues de diffusion qui permettraient à France Médias Monde de toucher un public plus important, tant pour RFI que pour France 24.
    L'examen par le conseil du premier rapport d'exécution du cahier des charges de la société nationale de programme en charge de l'audiovisuel extérieur de la France a fait ressortir la nécessité de compléter le COM :
    1. Un indicateur pourrait être ajouté pour mesurer la réalisation de l'objectif de diffusion de programmes à caractère culturel (objectif par ailleurs promu dans le cahier des charges aux articles 2 et 13), en fixant un volume horaire minimum devant être consacré à de tels programmes.
    2. L'objectif du projet de COM relatif à la promotion, sur l'antenne de RFI, de jeunes talents musicaux (objectif répondant à l'obligation inscrite à l'article 15 du cahier des charges) pourrait également être quantifié par le biais d'un indicateur de suivi.
    3. S'agissant de l'accessibilité des programmes de France 24 aux personnes handicapées, le conseil relève que le projet de COM n'évoque pas cette question, alors que l'article 53 de la loi du 30 septembre 1986 prévoit qu'il le fasse. Il s'en étonne, d'autant que le projet de COM met en avant « la diversité dans toutes ses composantes » comme « ligne directrice au sein de France Médias Monde » et se réfère, s'agissant d'un objectif d'emploi de personnes handicapées à la loi n° 2005-102 du 11 février 2005, qui a par ailleurs introduit dans la loi du 30 septembre 1986 des obligations en termes d'accessibilité au bénéfice de cette catégorie de personnes. De plus, le cahier des charges dispose, en son article 24, que le COM doit prévoir les conditions dans lesquelles ces programmes sont rendus accessibles aux personnes sourdes ou malentendantes (par le sous-titrage) et aux personnes aveugles ou malvoyantes.
    Concernant l'obligation de rendre accessible aux personnes sourdes ou malentendantes la totalité de ses programmes, des dérogations justifiées par les caractéristiques des programmes pourraient être ajoutées au projet de COM. En tout état de cause, le conseil estime que, s'agissant d'une chaîne de service public et d'information, France 24 devrait proposer au moins quatre journaux télévisés sous-titrés par jour sur le signal en langue française disponible en France comme à l'étranger.
    Concernant l'obligation de faire figurer dans le COM les engagements de la chaîne en faveur de l'accès des personnes aveugles ou malvoyantes aux programmes, une dérogation pourrait être introduite dans la loi pour prévoir un régime spécifique en l'absence de diffusion d'œuvres audiovisuelles de fiction et d'œuvres cinématographiques.
    4. Le conseil estime que les dispositions du cahier des charges relatives à l'accès au savoir (article 12) ne font pas l'objet de suffisamment d'engagements dans le projet de COM, notamment s'agissant de France 24. Cette remarque s'applique tout particulièrement à l'obligation relative à l'éducation aux médias.


    IV. ― Des indicateurs de performance à compléter


    S'agissant des indicateurs de notoriété et d'audience prévus par le projet de COM, le conseil approuve le choix de l'audience « hebdomadaire », qui semble approprié pour les médias internationaux même si c'est un indicateur plus favorable que l'audience « veille », qui est utilisée pour les radios nationales.
    Le conseil suggère, pour compléter le dispositif des indicateurs d'audience et de notoriété proposés par le projet, que soit mis en place, sous réserve de son accessibilité à un coût raisonnable, un indicateur d'audience/notoriété/satisfaction auprès des Français de l'étranger, qui constituent une catégorie de public dûment ciblée par France Médias Monde.
    Il serait par ailleurs pertinent de décliner les indicateurs pour les différentes zones mentionnées dans le projet de COM (zones de consolidation, de développement et de conquête), avec des objectifs de progression adaptés.
    Concernant les nouveaux médias, le conseil estime souhaitable que les indicateurs soient déclinés par zone géographique.


    V. ― La diffusion de FMM sur le territoire national à encourager


    Le projet de COM affirme comme nécessaire le développement de la présence en France métropolitaine des antennes de France Médias Monde, actuellement limitée dans le cahier des charges de la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France.
    La modification du cahier des charges est un préalable à l'engagement de la procédure d'attribution des fréquences au secteur public prévue à l'article 26 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication par laquelle le Gouvernement demande au conseil d'accorder en priorité aux sociétés nationales de programme ou à leurs filiales « répondant à des obligations de service public le droit d'usage de la ressource radioélectrique nécessaire à l'accomplissement de leurs missions de service public. »
    Le conseil rappelle qu'il dispose d'une marge d'appréciation dans la mise en œuvre de l'article 26 précité, conformément à la jurisprudence du Conseil d'Etat (avis n° 384-741 du 25 janvier 2011). Il lui revient en particulier d'examiner les demandes qui lui sont adressées par le Gouvernement au regard des règles de la concurrence et du pluralisme.
    a) S'agissant de France 24, il est prévu qu'une diffusion « au moins partielle » sur la TNT sera recherchée. Sont mises en avant l'originalité de l'offre éditoriale de la chaîne susceptible d'intéresser le public français et l'assise nationale de nature à renforcer la notoriété et la légitimité mondiales de la chaîne. Des retombées du marché publicitaire paneuropéen sont également attendues.
    Ainsi qu'il l'a précisé dans son avis sur la modification du cahier des charges, le conseil estime nécessaire une adaptation de ce dernier afin notamment d'introduire, au titre des missions de France 24, la cible de public résidant en France.
    En tout état de cause, le conseil estime que la diffusion hertzienne terrestre de France 24 sur le territoire métropolitain ne devrait faire l'objet d'aucun décrochage publicitaire spécifique de nature à porter atteinte à la concurrence et au pluralisme ;
    b) Quant à l'extension souhaitée de la diffusion FM de RFI et de MCD en France, les demandes du Gouvernement en application de l'article 26 précité pourront porter sur les fréquences disponibles identifiées par le conseil dans le cadre des études qu'il réalise, conformément à l'objectif de gestion optimale du spectre énoncé à l'article 22 de la loi du 30 septembre 1986, en fonction notamment de l'échéance des autorisations en vigueur. Des recherches spécifiques, telles que suggérées par le COM, ne correspondent pas à la pratique du conseil. Le conseil rappelle qu'un tel déploiement est notamment conditionné par la disponibilité de la ressource radioélectrique et par la mise en œuvre de la procédure de réservation prioritaire de fréquences, pour laquelle le conseil dispose d'une marge d'appréciation.
    S'agissant de la diffusion actuelle, à Marseille, d'un programme conjoint de RFI et de MCD, le conseil salue son originalité et son succès. Il rappelle que France Médias Monde bénéficie d'une autorisation temporaire accordée du 3 juin 2013 au 31 janvier 2014 sur la fréquence 107,9 MHz et que cette autorisation ne peut être renouvelée, conformément à la loi et à la jurisprudence du Conseil d'Etat en la matière. Par ailleurs sur le plan technique, la fréquence utilisée ― 107,9 MHz ― ne peut pas l'être de manière pérenne compte tenu des risques que cela présente pour la sécurité aérienne. Le conseil fera ses meilleurs efforts pour essayer de trouver une solution permettant la diffusion de ce programme.
    Le conseil approuve l'approche pragmatique retenue par le projet de COM consistant à privilégier la recherche de partenariats avec Radio France ou avec des radios locales.


    VI. ― La gestion et les ressources budgétaires


    Le conseil salue les efforts consentis en termes de rationalisation des coûts et dépenses.
    S'agissant du développement des ressources propres, le projet de COM indique que l'Etat examinera d'éventuels assouplissements, au bénéfice de RFI, des règles du cahier des charges relatives à la publicité diffusée à l'international. Le conseil est favorable à une telle évolution.
    Le conseil se félicite de l'augmentation régulière de la dotation budgétaire allouée à France Médias Monde de 2013 à 2015 (238,7 M€ en 2013, 240,3 M€ en 2014, 242,1 M€ en 2015), malgré un contexte budgétaire général contraint.
    Il souligne la nécessité de prévoir la diffusion de France 24 en haute définition dans le prochain contrat d'objectifs et de moyens afin d'éviter le déréférencement de cette chaîne dans de nombreuses offres. Il souligne également la pertinence du développement progressif d'une version espagnole de France 24 d'ici à la fin de la décennie.
    Fait à Paris, le 11 décembre 2013.


Pour le Conseil supérieur de l'audiovisuel :
Le président,
O. Schrameck

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