Décision n° 2014-707 DC du 29 décembre 2014

Version initiale


(LOI DE FINANCES POUR 2015)


Le Conseil constitutionnel a été saisi, dans les conditions prévues à l'article 61, deuxième alinéa, de la Constitution, de la loi de finances pour 2015, le 19 décembre 2014, par MM. Christian JACOB, Elie ABOUD, Bernard ACCOYER, Yves ALBARELLO, Benoist APPARU, Mme Laurence ARRIBAGÉ, MM. Olivier AUDIBERT-TROIN, Sylvain BERRIOS, Etienne BLANC, Mme Valérie BOYER, MM. Xavier BRETON, Dominique BUSSEREAU, Olivier CARRÉ, Gilles CARREZ, Jérôme CHARTIER, Luc CHATEL, Gérard CHERPION, Guillaume CHEVROLLIER, Dino CINIERI, Eric CIOTTI, François CORNUT-GENTILLE, Jean-Louis COSTES, Jean-Michel COUVE, Mme Marie-Christine DALLOZ, MM. Bernard DEFLESSELLES, Patrick DEVEDJIAN, Jean-Pierre DOOR, Dominique DORD, Mme Marie-Louise FORT, MM. Marc FRANCINA, Claude de GANAY, Sauveur GANDOLFI-SCHEIT, Guy GEOFFROY, Bernard GÉRARD, Alain GEST, Daniel GIBBES, Franck GILARD, Jean-Pierre GIRAN, Claude GOASGUEN, Mmes Claude GREFF, Anne GROMMERCH, M. Serge GROUARD, Mme Françoise GUÉGOT, MM. Jean-Claude GUIBAL, Christophe GUILLOTEAU, Patrick HETZEL, Guénhaël HUET, Denis JACQUAT, Christian KERT, Jacques KOSSOWSKI, Mme Valérie LACROUTE, MM. Marc LAFFINEUR, Jean-François LAMOUR, Mmes Laure de LA RAUDIÈRE, Isabelle LE CALLENNEC, MM. Pierre LELLOUCHE, Dominique LE MÈNER, Pierre LEQUILLER, Philippe LE RAY, Céleste LETT, Mmes Geneviève LEVY, Véronique LOUWAGIE, MM. Gilles LURTON, Jean-François MANCEL, Hervé MARITON, Alain MARLEIX, Philippe MARTIN, Jean-Claude MATHIS, Damien MESLOT, Philippe MEUNIER, Jean-Claude MIGNON, Yannick MOREAU, Pierre MOREL-A-L'HUISSIER, Alain MOYNE-BRESSAND, Yves NICOLIN, Patrick OLLIER, Bernard PERRUT, Mmes Bérengère POLETTI, Josette PONS, MM. Didier QUENTIN, Franck RIESTER, Arnaud ROBINET, François SCELLIER, Mme Claudine SCHMID, MM. André SCHNEIDER, Thierry SOLÈRE, Claude STURNI, Dominique TIAN, Philippe VITEL, Michel VOISIN, Eric WOERTH, Mme Marie-Jo ZIMMERMANN, MM. Charles de COURSON, Yves JÉGO, Jean-Christophe LAGARDE et Philippe VIGIER, députés ;
Et, le même jour, par MM. Bruno RETAILLEAU, Pascal ALLIZARD, François BAROIN, Philippe BAS, Jérôme BIGNON, Jean BIZET, François BONHOMME, Gilbert BOUCHET, Michel BOUVARD, François-Noël BUFFET, François CALVET, Mme Agnès CANAYER, MM. Jean-Pierre CANTEGRIT, Jean-Noël CARDOUX, Jean-Claude CARLE, Mme Caroline CAYEUX, MM. Gérard CÉSAR, Patrick CHAIZE, Pierre CHARON, Alain CHATILLON, Gérard CORNU, Jean-Patrick COURTOIS, Philippe DALLIER, René DANESI, Mathieu DARNAUD, Serge DASSAULT, Mme Isabelle DEBRÉ, MM. Francis DELATTRE, Robert del PICCHIA, Gérard DÉRIOT, Mmes Catherine DEROCHE, Jacky DEROMEDI, Marie-Hélène DES ESGAULX, Chantal DESEYNE, Catherine DI FOLCO, MM. Eric DOLIGÉ, Philippe DOMINATI, Mmes Marie-Annick DUCHÊNE, Nicole DURANTON, MM. Jean-Yves DUSSERRE, Louis DUVERNOIS, Jean-Paul EMORINE, Mme Dominique ESTROSI SASSONE, MM. Hubert FALCO, Michel FORISSIER, Bernard FOURNIER, Jean-Paul FOURNIER, Christophe-André FRASSA, Mme Joëlle GARRIAUD-MAYLAM, MM. Jacques GAUTIER, Jacques GENEST, Mme Colette GIUDICELLI, MM. Alain GOURNAC, Jean-Pierre GRAND, Daniel GREMILLET, François GROSDIDIER, Jacques GROSPERRIN, Mme Pascale GRUNY, MM. Charles GUENÉ, Michel HOUEL, Alain HOUPERT, Mme Christiane HUMMEL, MM. Benoît HURÉ, Jean-François HUSSON, Jean-Jacques HYEST, Mme Corinne IMBERT, M. Alain JOYANDET, Mme Christiane KAMMERMANN, M. Roger KAROUTCHI, Mme Fabienne KELLER, MM. Guy-Dominique KENNEL, Marc LAMÉNIE, Mme Elisabeth LAMURE, MM. Robert LAUFOAULU, Daniel LAURENT, Jean-René LECERF, Antoine LEFÈVRE, Jacques LEGENDRE, Dominique de LEGGE, Jean-Pierre LELEUX, Jean-Baptiste LEMOYNE, Jean-Claude LENOIR, Philippe LEROY, Gérard LONGUET, Mme Vivette LOPEZ, MM. Michel MAGRAS, Claude MALHURET, Didier MANDELLI, Philippe MARINI, Jean-François MAYET, Mmes Colette MÉLOT, Brigitte MICOULEAU, MM. Alain MILON, Albéric de MONTGOLFIER, Philippe MOUILLER, Philippe NACHBAR, Louis-Jean de NICOLAY, Philippe PAUL, Cédric PERRIN, Jackie PIERRE, François PILLET, Louis PINTON, Ladislas PONIATOWSKI, Hugues PORTELLI, Mme Catherine PROCACCIA, MM. Jean-Pierre RAFFARIN, Henri de RAINCOURT, Michel RAISON, André REICHARDT, Charles REVET, Bernard SAUGEY, René-Paul SAVARY, Michel SAVIN, Bruno SIDO, André TRILLARD, Mme Catherine TROENDLÉ, MM. Michel VASPART, Hilarion VENDEGOU, Jean-Pierre VIAL, Jean-Pierre VOGEL, Jean-Marie BOCKEL, Philippe BONNECARRÈRE, Vincent CAPO-CANELLAS, Vincent DELAHAYE, Mme Françoise GATEL, MM. Joël GUERRIAU, Loïc HERVÉ, Claude KERN et François ZOCCHETTO, sénateurs.
Le Conseil Constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code de commerce ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code monétaire et financier ;
Vu la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012 ;
Vu l'avis du Haut Conseil des finances publiques n° 2014-05 du 26 septembre 2014 relatif aux projets de lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour l'année 2015 ;
Vu les observations du Gouvernement, enregistrées le 24 décembre 2014 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant que les députés et les sénateurs requérants défèrent au Conseil constitutionnel la loi de finances pour 2015 ; qu'ils mettent en cause sa sincérité et en particulier, pour les députés, celle de son article 40 et, pour les sénateurs, celle de ses articles 49 et 52 ; que les députés et les sénateurs requérants mettent également en cause la conformité à la Constitution de son article 33 ; que les députés requérants contestent en outre la conformité à la Constitution de ses articles 16, 23 et 82 ; que les sénateurs requérants contestent la conformité à la Constitution de ses articles 78 et 79 et de certaines dispositions de son article 31 ;
Sur la sincérité de la loi de finances :
2. Considérant que les députés et les sénateurs requérants contestent la sincérité des évaluations de ressources et de charges de la loi de finances ; que les députés contestent également la sincérité de son article 40 et les sénateurs celle de ses articles 49 et 52 ;
En ce qui concerne la sincérité des évaluations de ressources et de charges de la loi de finances :
3. Considérant que les députés requérants soutiennent que la loi de finances est insincère, d'une part, en ce qu'elle est fondée sur des prévisions économiques parmi lesquelles le Haut Conseil des finances publiques a relevé des fragilités dans son avis et, d'autre part, en ce que le Gouvernement, en faisant le choix de reporter l'ajustement sur la trajectoire de la dette publique, accroît le risque pesant sur cette dette ; que les sénateurs requérants soutiennent que les prévisions de recettes pour 2015 sont manifestement surévaluées et que le Gouvernement aurait dû tenir compte des erreurs des prévisions relatives aux recettes des années passées pour établir des prévisions de recettes conformes à « une réalité fiscale pourtant bien établie, celle de la dégradation de l'évolution spontanée des recettes » ; qu'il en résulterait une atteinte à la sincérité de la loi de finances ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article 32 de la loi organique du 1er août 2001 susvisée : « Les lois de finances présentent de façon sincère l'ensemble des ressources et des charges de l'Etat. Leur sincérité s'apprécie compte tenu des informations disponibles et des prévisions qui peuvent raisonnablement en découler » ; qu'il en résulte que la sincérité de la loi de finances de l'année se caractérise par l'absence d'intention de fausser les grandes lignes de l'équilibre qu'elle détermine ;
5. Considérant, en premier lieu, que le projet de loi de finances pour 2015 a été fondé sur des prévisions de croissance de 0,4 % en moyenne annuelle pour 2014 et de 1 % pour 2015 ; que, dans son avis du 26 septembre 2014 susvisé, le Haut Conseil des finances publiques a estimé la prévision de croissance du Gouvernement « réaliste » pour l'année 2014 et « optimiste » pour l'année 2015, tout en relevant « plusieurs fragilités touchant au dynamisme de l'environnement international et de la demande intérieure » ; que ce Haut Conseil n'a formulé aucune observation particulière relative aux prévisions de recettes fiscales pour l'année 2015 figurant dans le projet de loi de finances pour 2015 ;
6. Considérant qu'il ne ressort ni de l'avis du Haut Conseil des finances publiques ni des autres éléments soumis au Conseil constitutionnel que les hypothèses économiques et les prévisions de recettes sur lesquelles est fondée la loi de finances soient entachées d'une intention de fausser les grandes lignes de l'équilibre de la loi déférée ;
7. Considérant, en second lieu, que, si le Haut Conseil des finances publiques a estimé que le choix de définir une nouvelle trajectoire de solde structurel fait peser un risque « sur la trajectoire de la dette publique qui continuera à augmenter », il ne ressort ni de cet avis du Haut Conseil ni des autres éléments soumis au Conseil constitutionnel que les prévisions relatives à la charge de la dette de l'Etat pour l'année 2015 soient entachées d'une intention de fausser les grandes lignes de l'équilibre de la loi déférée ;
En ce qui concerne la sincérité de l'article 40 :
8. Considérant que, selon les députés requérants, les dispositions de l'article 40 de la loi de finances, qui ne prennent pas en compte le fait que les redevances qui devront être acquittées pour l'utilisation des bandes de fréquences comprises entre 694 MHz et 790 MHz ne seront pas perçues en 2015, méconnaissent l'exigence de sincérité de la loi de finances ;
9. Considérant qu'en elles-mêmes, les dispositions de l'article 40 ont seulement pour objet et pour effet de prévoir les règles d'affectation du produit des redevances qui seront dues par les opérateurs privés pour l'utilisation des bandes de fréquences comprises entre 694 MHz et 790 MHz au compte d'affectation spéciale « Gestion et valorisation des ressources tirées de l'utilisation du spectre hertzien, des systèmes et des infrastructures de télécommunications de l'Etat » ; que, par voie de conséquence, le grief tiré du défaut de sincérité de cet article doit être écarté ;
En ce qui concerne la sincérité des articles 49 et 52 :
10. Considérant que les sénateurs requérants font valoir qu'en raison des incertitudes internationales et européennes qui pèsent sur l'utilisation et les droits relatifs aux fréquences de la bande de fréquences comprises entre 694 MHz et 790 MHz, une procédure de mise aux enchères en France ne saurait aboutir avant la fin de l'année 2015 ; qu'il en résulterait une recension erronée des recettes affectées au compte d'affectation spéciale « Gestion et valorisation des ressources tirées de l'utilisation du spectre hertzien, des systèmes et des infrastructures de télécommunications de l'Etat » pour l'année 2015 ; que, par suite, les articles 49 et 52 seraient insincères ;
11. Considérant que les ressources provenant du produit des redevances qui seront dues par les opérateurs privés pour l'utilisation des bandes de fréquences comprises entre 694 MHz et 790 MHz pour l'année 2015 ont été évaluées à 2 044 millions d'euros lors du dépôt du projet de loi puis réévaluées à 2 144 millions d'euros lors de l'examen en première lecture à l'Assemblée nationale ; que ces ressources ont été prises en compte au titre des montants des autorisations d'engagement et crédits de paiement ouverts par la loi de finances dans le programme « Optimisation de l'usage du spectre hertzien et interception et traitement des émissions électromagnétiques (ministère de la défense) » du compte d'affectation spéciale « Gestion et valorisation des ressources tirées de l'utilisation du spectre hertzien, des systèmes et des infrastructures de télécommunications de l'Etat » ;
12. Considérant que, d'une part, il n'appartient pas au Conseil constitutionnel, qui ne dispose pas d'un pouvoir général d'appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement, d'apprécier le montant des crédits de paiement et des autorisations d'engagement ouverts en loi de finances ; que, d'autre part, le calendrier prévisionnel de la procédure de mise aux enchères est établi afin que cette procédure puisse être achevée avant la fin de l'année 2015 et rend donc encore possible l'engagement des crédits correspondant aux produits provenant de cette mise aux enchères avant la fin de l'année 2015 ;
13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les griefs tirés du défaut de sincérité de la loi de finances pour 2015 doivent être rejetés ;
14. Considérant que les sénateurs avancent également qu'une mise aux enchères de cette bande de fréquences dès l'année 2015 est « directement et manifestement contraire aux intérêts patrimoniaux de l'Etat » et méconnaît ainsi l'exigence de bon usage des deniers publics ; que, toutefois, cette exigence ne saurait être méconnue par les dispositions de l'article 49 en tant qu'elles prévoient les recettes particulières affectées à un compte d'affectation spéciale et celles de l'article 52 en tant qu'elles ouvrent des autorisations d'engagement et crédits de paiement pour des dépenses en relation directe avec ces recettes ;
Sur l'article 16 :
15. Considérant que le paragraphe I de l'article 16 modifie l'article 885 H du code général des impôts afin de réduire, au titre de l'impôt de solidarité sur la fortune, de 102 717 euros à 101 897 euros le plafond de l'exonération à concurrence des trois quarts de leur valeur, d'une part des biens ruraux donnés à bail à long terme ou à bail cessible, et d'autre part, des parts de groupements fonciers agricoles et de groupements agricoles fonciers ; que la même disposition supprime la règle de révision annuelle de ces montants dans la même proportion que la limite supérieure de la première tranche du barème de l'impôt sur le revenu ; que le paragraphe II de l'article 16 prévoit que les dispositions du paragraphe I s'appliquent à l'impôt de solidarité sur la fortune dû à compter de l'année 2015 ;
16. Considérant que, selon les députés requérants, ces dispositions, qui ont pour effet de supprimer toute prise en compte de l'érosion monétaire pour déterminer le montant de l'exonération de ces biens ruraux de l'assiette de l'impôt de solidarité sur la fortune, méconnaissent la prise en compte des facultés contributives et portent atteinte au principe d'égalité devant les charges publiques ;
17. Considérant qu'aux termes de l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés » ; que ces dispositions ne font pas obstacle à ce que, pour des motifs d'intérêt général, le législateur édicte, par l'octroi d'avantages fiscaux, des mesures d'incitation au développement d'activités économiques à condition qu'il se fonde sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts poursuivis et qu'il n'en résulte pas de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques ;
18. Considérant que l'impôt de solidarité sur la fortune ne figure pas au nombre des impositions sur le revenu ; qu'en instituant un tel impôt, le législateur a entendu frapper la capacité contributive que confère la détention d'un ensemble de biens et de droits ;
19. Considérant que les dispositions de l'article 885 H du code général des impôts instituent des exonérations partielles sur la valeur de certains biens ruraux au titre de l'assujettissement à l'impôt de solidarité sur la fortune, afin d'inciter à l'acquisition et à la détention de ce type de biens ; que les dispositions contestées, qui réduisent de 820 euros la fraction de valeur de ces biens qui fait l'objet d'une exonération à hauteur de 75 % et non de 50 % et suppriment toute indexation annuelle du plafond de la fraction exonérée à hauteur de 75 %, ne méconnaissent pas les facultés contributives des contribuables ; que les dispositions de l'article 16 ne sont contraires ni à l'égalité devant les charges publiques ni à aucune autre exigence constitutionnelle et doivent être déclarées conformes à la Constitution ;
Sur l'article 23 :
20. Considérant que le paragraphe I de l'article 23 fixe pour l'année 2015 le montant de la dotation globale de fonctionnement à 36 607 053 000 euros ; que ce montant est inférieur de 3 513 991 000 euros par rapport au montant de la dotation globale de fonctionnement de l'année 2014 ; que le paragraphe II de cet article 23 détaille la répartition de la réduction de cette dotation entre différents mécanismes de compensation ou de dotation de l'Etat aux collectivités territoriales, en fonction d'un taux fixé à son paragraphe III ;
21. Considérant que, selon les députés requérants, les dispositions de l'article 23 portent atteinte aux principes de libre administration et d'autonomie financière des collectivités territoriales, dès lors que les effets cumulés de la réduction de la dotation globale de fonctionnement, de la hausse de la péréquation « verticale » et « horizontale » et de l'accroissement des dépenses sur lesquelles les collectivités territoriales n'ont qu'une faible marge de manœuvre entravent leur autonomie financière, tant en ressources qu'en dépenses ;
22. Considérant que l'article 34 de la Constitution réserve au législateur la détermination des principes fondamentaux de la libre administration des collectivités territoriales, de leurs compétences et de leurs ressources ; que, si, en vertu des articles 72 et 72-2 de la Constitution, les collectivités territoriales « s'administrent librement par des conseils élus » et « bénéficient de ressources dont elles peuvent disposer librement », elles le font « dans les conditions prévues par la loi » ;
23. Considérant, en premier lieu, qu'en adoptant les dispositions contestées, le législateur a entendu faire contribuer les collectivités territoriales à l'effort de réduction des déficits publics à due proportion de leur part dans les dépenses de l'ensemble des administrations publiques ; que le montant de la réduction de la dotation globale de fonctionnement représente 1,9 % des recettes de ces collectivités territoriales ; que cette réduction n'a pas pour effet de diminuer la part de leurs ressources propres et, partant, de porter atteinte à leur autonomie financière ; qu'elle n'est pas d'une ampleur telle qu'elle entraverait la libre administration des collectivités territoriales ;
24. Considérant, en second lieu, que l'article 23 ne met aucune dépense à la charge des collectivités territoriales ; que, par suite, le grief tiré de ce que cet article porterait atteinte à la libre disposition de leurs ressources est inopérant ;
25. Considérant que les griefs tirés de la méconnaissance des articles 72 et 72-2 de la Constitution doivent être écartés ;
26. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'article 23, qui ne méconnaît aucune autre exigence constitutionnelle, doit être déclaré conforme à la Constitution ;
Sur certaines dispositions de l'article 31 et l'article 33 :
27. Considérant, d'une part, que le 2 du paragraphe III de l'article 1600 du code général des impôt dispose que le produit de la taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises est affecté au fonds de financement des chambres de commerce et d'industrie de région, dans la limite du plafond prévu au second alinéa du paragraphe I de l'article 46 de la loi du 28 décembre 2011 de finances pour 2012 susvisée ;
28. Considérant que le Q du paragraphe I de l'article 31 de la loi déférée modifie la trente et unième ligne du tableau du second alinéa du paragraphe I de cet article 46 pour abaisser ce plafond de 719 millions d'euros à 506,117 millions d'euros ;
29. Considérant, d'autre part, que le paragraphe I de l'article 33 instaure un prélèvement de 500 millions d'euros au profit du budget général de l'Etat sur le produit attendu de la taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises ; que le paragraphe III de ce même article compense la perte de recettes du fonds de financement des chambres de commerce et d'industrie de région qui résulte de ce prélèvement par un prélèvement du même montant sur les chambres de commerce et d'industrie ; que le deuxième alinéa de ce paragraphe III organise les modalités de répartition de ce second prélèvement ; qu'il prévoit qu'il est réparti entre les chambres disposant d'un fonds de roulement de plus de 120 jours de charges de fonctionnement ; qu'aux termes des quatrième et cinquième alinéas de ce paragraphe III, le prélèvement est réparti : « 1° A hauteur de 350 millions d'euros, à proportion de cet excédent. Le fonds de roulement est défini, pour chaque établissement, par référence aux données comptables de l'exercice 2013, par différence entre les ressources stables (capitaux propres, provisions, dettes d'emprunt) et les emplois durables (actif immobilisé). Les charges prises en compte pour calculer le fonds de roulement correspondant à cent vingt jours sont les charges décaissables non exceptionnelles (charges d'exploitation et charges financières, moins les dotations aux amortissements et aux provisions pour dépréciation). Les données prises en compte pour le calcul du fonds de roulement et des charges décaissables non exceptionnelles excluent les services budgétaires portuaires et aéroportuaires et les ponts gérés par les chambres de commerce et d'industrie. Elles excluent également les montants affectés en 2014 et 2015 à des investissements en faveur de centres d'apprentissage ou de formation en alternance, et ayant fait l'objet d'une décision d'autorisation du Premier ministre avant le 1er novembre 2014 dans le cadre du programme d'investissements d'avenir ;
« 2° A hauteur de 150 millions d'euros, à proportion du poids économique des chambres de commerce et d'industrie, défini à l'article L. 711-1 du code de commerce » ;
30. Considérant que les sénateurs requérants font valoir que l'article 31 méconnaît le principe d'universalité budgétaire et porte atteinte à la garantie des droits ; qu'en outre, les dispositions de l'article 33 seraient inintelligibles et entachées d'incompétence négative ; que les députés et les sénateurs requérants soutiennent que les dispositions de l'article 33 méconnaissent aussi les principes d'égalité devant la loi et devant les charges publiques ainsi que la garantie des droits et la « sécurité juridique » ;
En ce qui concerne le grief tiré de la méconnaissance, par les dispositions contestées de l'article 31, du principe d'universalité budgétaire :
31. Considérant que les sénateurs requérants soutiennent qu'il résulte des articles 16 et 21 de la loi organique du 1er août 2001 que toute dérogation au principe d'universalité budgétaire implique l'existence d'une relation directe entre les recettes budgétaires affectées à une dépense et l'objet de celle-ci ; que le plafonnement de l'affectation de la taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises aux chambres de commerce et d'industrie romprait le lien entre cette affectation et l'objet des missions confiées aux chambres de commerce et d'industrie ; qu'il en résulterait une atteinte au principe d'universalité budgétaire ;
32. Considérant que les articles 16 et 21 de la loi organique du 1er août 2001 sont relatifs à l'affectation des recettes à certaines dépenses de l'Etat ; que les chambres de commerce et d'industrie sont des établissements publics ; que, par suite, le grief tiré de ce que l'affectation d'une recette à ces chambres méconnaîtrait les exigences résultant de ces dispositions est inopérant ;
33. Considérant que le second alinéa de l'article 2 de la loi organique du 1er août 2001 dispose : « Les impositions de toute nature ne peuvent être directement affectées à un tiers qu'à raison des missions de service public confiées à lui et sous les réserves prévues par les articles 34, 36 et 51 » ; qu'à ce titre, le 1° du paragraphe I de l'article 34 dispose que la première partie de la loi de finances autorise, pour l'année, la perception des ressources de l'Etat et des impositions de toute nature affectées à des personnes morales autres que l'Etat ; qu'en vertu de l'article 36, l'affectation, « totale ou partielle », à une autre personne morale d'une ressource établie au profit de l'Etat ne peut résulter que d'une disposition de loi de finances ; que ni l'existence d'un plafonnement du produit de la taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises affecté au fonds de financement des chambres de commerce et d'industrie de région ni l'abaissement de ce plafond ne méconnaissent ces exigences ;
En ce qui concerne les griefs tirés de l'atteinte à la garantie des droits :
34. Considérant que les sénateurs requérants soutiennent que les dispositions des articles 31 et 33 font peser sur les chambres de commerce et d'industrie « une très forte insécurité fiscale » ; qu'ils soutiennent que la diminution des ressources fiscales des chambres et le prélèvement sur leur trésorerie sont de nature à remettre en cause les exigences constitutionnelles qui s'attachent à l'accomplissement de leurs missions ; que, selon les députés et les sénateurs requérants, en prévoyant un prélèvement opéré en une seule fois avant le 15 mars 2015 d'un montant substantiel sur le fonds de roulement des chambres de commerce et d'industrie alors que ces chambres pouvaient légitimement considérer que ces sommes leur étaient acquises et qu'elles ont pu contracter des engagements à ce titre, les dispositions de l'article 33 portent également atteinte à la sécurité juridique et aux exigences de l'article 16 de la Déclaration de 1789 ;
35. Considérant toutefois, qu'il résulte des travaux préparatoires qu'en adoptant les dispositions contestées, le législateur a entendu réduire le fonds de roulement des chambres de commerce et d'industrie dont le montant avait augmenté en raison du dynamisme du rendement de la taxe additionnelle à la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises ; que, d'une part, les chambres de commerce et d'industrie sont des établissements publics soumis à la tutelle de l'Etat ; qu'aucune exigence constitutionnelle ne leur garantit le droit de conserver leur trésorerie ou de se voir affecter un niveau constant de recettes fiscales ; que, d'autre part, l'accomplissement de leurs missions ne met en œuvre aucune exigence constitutionnelle ; que, par suite, les griefs tirés de l'atteinte à la garantie des droits reconnue par l'article 16 de la Déclaration de 1789 doivent être écartés ;
En ce qui concerne les griefs tirés de l'atteinte à l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi et de l'incompétence négative du législateur :
36. Considérant que, selon les sénateurs requérants, les critères en fonction desquels est opérée la répartition du prélèvement sur les chambres de commerce et d'industrie sont imprécis ; qu'en particulier, ne seraient pas définies les notions de « fonds de roulement » et de « poids économique » ; que le législateur aurait ainsi méconnu l'étendue de sa compétence et l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi ;
37. Considérant qu'il incombe au législateur d'exercer pleinement la compétence que lui confie la Constitution et, en particulier, son article 34 ; que le plein exercice de cette compétence, ainsi que l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi, qui découle des articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration de 1789, lui imposent d'adopter des dispositions suffisamment précises et des formules non équivoques ;
38. Considérant que les deuxième à cinquième alinéas du paragraphe III de l'article 33 énoncent les critères de répartition du prélèvement de 500 millions d'euros sur les chambres de commerce et d'industrie ; que le montant de ce prélèvement est précisément déterminé, pour chaque chambre de commerce et d'industrie, par le tableau figurant au septième alinéa de ce même paragraphe III ; que, par suite, les griefs tirés de ce que l'imprécision des critères de répartition du prélèvement méconnaîtrait l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi ainsi que la compétence du législateur doivent être écartés ;
En ce qui concerne les griefs tirés de la méconnaissance du principe d'égalité :
39. Considérant que, selon les députés et les sénateurs requérants, en opérant la répartition du prélèvement entre les chambres de commerce et d'industrie en fonction, d'une part, du nombre de jours de couverture des charges de fonctionnement par le fonds de roulement de chacune des chambres et, d'autre part, de leur poids économique respectif, les dispositions de l'article 33 instituent, en méconnaissance des principes d'égalité devant la loi et les charges publiques, des différences de traitement entre les chambres qui défavorisent les plus petites d'entre elles qui sont contraintes de disposer d'un fonds de roulement proportionnellement plus important pour financer leurs investissements futurs ; que les sénateurs soutiennent que méconnaissent également ces exigences constitutionnelles la référence aux données comptables du seul exercice 2013 pour le calcul du fonds de roulement ainsi que l'absence de prise en compte, dans les données comptables servant au calcul de ce prélèvement, des services budgétaires portuaires et aéroportuaires et des ponts gérés par les chambres ; qu'ils font enfin valoir que le critère de cent vingt jours de charges de fonctionnement, qui détermine l'application du prélèvement, produit des effets de seuil contraires aux objectifs poursuivis ;
40. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la Déclaration de 1789 : « La loi… doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse » ; que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ;
41. Considérant que, pour assurer le respect du principe d'égalité devant les charges publiques, le législateur doit fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu'il se propose ; que cette appréciation ne doit cependant pas entraîner de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques ;
42. Considérant que, pour déterminer la répartition du prélèvement de 500 millions d'euros sur les chambres de commerce et d'industrie, le législateur s'est fondé sur les dernières données comptables disponibles ; que, pour apprécier la capacité financière des chambres, il a pris principalement en compte l'importance de leur fonds de roulement ; qu'il a prévu d'opérer un prélèvement sur celles de ces chambres qui disposent d'un fonds de roulement de plus de cent vingt jours de fonctionnement et à proportion de cet excédent ; qu'afin de prendre en compte la situation des chambres de petite taille, il a pondéré ce critère en prévoyant qu'à hauteur de 150 millions d'euros, le prélèvement s'opérerait à proportion du « poids économique des chambres de commerce et d'industrie, défini à l'article L. 711-1 du code de commerce » ; qu'enfin, il a entendu préserver notamment, comme il lui était loisible de le faire, certains investissements particulièrement importants que les chambres réalisent en tant que délégataires ou concessionnaires de services publics ainsi que certains investissements en faveur de centres d'apprentissage ou de formation en alternance ; que les critères ainsi retenus pour la répartition de ce prélèvement ne méconnaissent pas le principe d'égalité ;
43. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le Q du paragraphe I de l'article 31 de la loi ainsi que l'article 33 de celle-ci, qui ne méconnaissent aucune autre exigence constitutionnelle, doivent être déclarés conformes à la Constitution ;
Sur l'article 78 :
44. Considérant que l'article 1735 ter du code général des impôts réprime le défaut de réponse ou la réponse partielle à une mise en demeure adressée par l'administration en application du paragraphe III de l'article L. 13 AA du livre des procédures fiscales en matière de contrôle des prix de transfert entre des entreprises qui sont en situation de dépendance ou de contrôle ou lorsque l'une de ces entreprises est établie ou constituée dans un Etat ou territoire non coopératif au sens de l'article 238-0 A du code général des impôts ; qu'il prévoit, pour chaque exercice vérifié, une amende « d'un montant de 10 000 euros ou, si le montant correspondant est supérieur à cette dernière somme, et compte tenu de la gravité des manquements, d'un montant pouvant atteindre 5 % des bénéfices transférés » ;
45. Considérant que l'article 78 modifie les dispositions de cet article qui fixent le maximum du montant de l'amende encourue ; qu'il prévoit que l'amende, qui ne peut être inférieure à 10 000 euros, peut atteindre le plus élevé des deux montants suivants : « 0,5 % du montant des transactions concernées par les documents ou compléments qui n'ont pas été mis à disposition de l'administration après mise en demeure » ou « 5 % des rectifications du résultat fondées sur l'article 57 du présent code et afférentes aux transactions mentionnées au 1° du présent article » ;
46. Considérant que, selon les sénateurs requérants, en instaurant une sanction proportionnelle au montant des transactions concernées par les documents qui n'ont pas été mis à disposition de l'administration, ces dispositions portent atteinte au principe de proportionnalité des peines ;
47. Considérant que l'article 8 de la Déclaration de 1789 dispose : « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires… » ; qu'aux termes de l'article 34 de la Constitution : « La loi fixe les règles concernant… la détermination des crimes et délits ainsi que les peines qui leur sont applicables » ; que l'article 61 de la Constitution ne confère pas au Conseil constitutionnel un pouvoir général d'appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement ; que, si la nécessité des peines attachées aux infractions relève du pouvoir d'appréciation du législateur, il incombe au Conseil constitutionnel de s'assurer de l'absence de disproportion manifeste entre l'infraction et la peine encourue ;
48. Considérant que, pour le calcul du plafond de l'amende instituée par l'article 1735 ter, le taux de 0,5 % n'est appliqué qu'au montant des seules transactions pour lesquelles les documents ou compléments spécialement désignés et réclamés par mise en demeure de l'administration n'ont pas été mis à sa disposition ou ne l'ont été que partiellement ; que le législateur a retenu un critère de calcul du maximum de la peine encourue en lien avec les infractions réprimées ; que, pour la détermination du plafond d'une amende prononcée en proportion de la gravité des manquements réprimés, le taux de 0,5 % appliqué à ce montant n'est pas manifestement hors de proportion avec la gravité de ces infractions ; que, par suite, le grief tiré de la violation du principe de proportionnalité des peines doit être écarté ;
49. Considérant que l'article 78, qui ne méconnaît aucune autre exigence constitutionnelle, doit être déclaré conforme à la Constitution ;
Sur l'article 79 :
50. Considérant que le b de l'article 1729 du code général des impôts prévoit que les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de 80 % en cas d'abus de droit au sens de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales ; que cette majoration peut être réduite à 40 % lorsqu'il n'est pas établi que le contribuable a eu l'initiative principale du ou des actes constitutifs de l'abus de droit ou en a été le principal bénéficiaire ;
51. Considérant que le paragraphe I de l'article 79 de la loi déférée insère dans le code général des impôts un article 1740 C relatif à la « sanction à l'égard de tiers facilitant l'évasion et la fraude fiscales » ; qu'aux termes de cet article : « Toute personne qui, avec l'intention de faire échapper autrui à l'impôt, s'est entremise, a apporté son aide ou son assistance ou s'est sciemment livrée à des agissements, manœuvres ou dissimulations conduisant directement à la réalisation d'insuffisances, d'inexactitudes, d'omissions ou de dissimulations ayant conduit à des rappels ou rehaussements assortis de la majoration prévue au b de l'article 1729 est redevable d'une amende égale à 5 % du chiffre d'affaires ou des recettes brutes qu'elle a réalisés à raison des faits sanctionnés au titre du présent article. L'amende ne peut pas être inférieure à 10 000 €. - L'article L. 80 D du livre des procédures fiscales est applicable au présent article » ; que le paragraphe II de l'article 79 prévoit que le paragraphe I s'applique aux insuffisances, inexactitudes, omissions ou dissimulations commises à compter du 1er janvier 2015 ;
52. Considérant que, selon les sénateurs requérants, ces dispositions permettent qu'un tiers soit poursuivi pour avoir apporté son aide à des faits qui ont donné lieu à l'application de pénalités au titre de l'abus de droit mais privent ce dernier de la possibilité de contester la qualification d'abus de droit ; qu'en outre, la sanction instituée par ces dispositions pourrait être appliquée à un tiers sans attendre la confirmation, par une juridiction, du bien6fondé des pénalités prononcées au titre de l'abus de droit ; qu'il en résulterait une atteinte au droit à un recours juridictionnel effectif ;
53. Considérant que le législateur tient de l'article 34 de la Constitution, ainsi que du principe de légalité des délits et des peines qui résulte de l'article 8 de la Déclaration de 1789, l'obligation de définir les crimes et délits en termes suffisamment clairs et précis ;
54. Considérant, d'une part, que parmi les conditions qu'il a posées pour l'application de cette sanction fiscale, l'article 1740 C prévoit que les agissements que la personne poursuivie a commis, auxquels elle a apporté son aide ou son assistance ou dans lesquels elles s'est entremise doivent avoir conduit « à des rappels ou rehaussements assortis de la majoration prévue au b de l'article 1729 » ; que cette rédaction ne permet pas de déterminer si l'infraction fiscale instituée est constituée en raison de l'existence d'un abus de droit, que la personne poursuivie serait recevable à contester indépendamment du sort des majorations appliquées au contribuable en application du b de l'article 1729, ou si l'infraction est constituée par le seul fait qu'une telle majoration a été prononcée ;
55. Considérant, d'autre part, qu'en prévoyant que l'amende qui peut être prononcée à l'encontre de la personne visée à l'article 1740 C est égale à 5 % du chiffre d'affaires ou des recettes brutes « qu'elle a réalisés à raison des faits sanctionnés au titre du présent article », cet article ne permet pas de déterminer si le taux de 5 % doit être appliqué aux recettes ou au chiffre d'affaires que la personne poursuivie a permis au contribuable de réaliser ou s'il doit être appliqué aux recettes ou au chiffre d'affaires que la personne poursuivie a elle-même réalisés ;
56. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les dispositions de l'article 79 méconnaissent les exigences constitutionnelles précitées ; qu'elles doivent être déclarées contraires à la Constitution ;
Sur l'article 82 :
57. Considérant que l'article 200-0 A du code général des impôts prévoit, en matière d'impôt sur le revenu, une limitation globale de l'avantage en impôt résultant de certains crédits, déductions et réductions d'impôt ; que le premier alinéa du 1 de cet article fixe à 10 000 euros le plafond de la réduction de l'impôt sur le revenu que peuvent procurer certains avantages fiscaux ; que sont toutefois exclus de ce plafonnement les avantages mentionnés aux articles 199 undecies A, 199 undecies B, 199 undecies C et 199 unvicies ; que, pour ces quatre exceptions, le second alinéa du 1 prévoit une majoration du plafonnement à 18 000 euros ;
58. Considérant que le paragraphe I de l'article 82 de la loi déférée modifie cet article 200-0 A ; qu'il ajoute la réduction d'impôt sur le revenu prévue par le XII de l'article 199 novovicies parmi les avantages pour lesquels s'applique le plafonnement majoré de 18 000 euros ; que son paragraphe II prévoit que cette modification s'applique à compter de l'imposition des revenus de l'année 2015 pour les avantages fiscaux acquis au titre des investissements réalisés à compter du 1er septembre 2014 ;
59. Considérant que, selon les députés requérants, ces dispositions auraient dû figurer en première partie de la loi de finances dans la mesure où la prise en compte des investissements réalisés à compter du 1er septembre 2014 aurait un impact sur l'exercice budgétaire de l'année 2015 ;
60. Considérant, toutefois, qu'il ressort du texte même des dispositions contestées qu'elles ne s'appliquent qu'à compter de l'imposition des revenus de l'année 2015 ; que, par suite, le grief manque en fait ;
Sur la place d'autres dispositions dans la loi déférée :
61. Considérant que l'article 46 modifie l'article L. 213-21-1 du code monétaire et financier ; qu'il impose l'inscription dans un compte-titres détenu par un intermédiaire mentionné aux 2° à 7° de l'article L. 542-1 pour les titres financiers émis par l'Etat ;
62. Considérant que l'article 117 modifie l'article L. 5216-1 du code général des collectivités territoriales ; qu'il a pour objet de permettre la création d'une communauté d'agglomération lorsque le critère démographique de 15 000 habitants est satisfait par une « entité urbaine continue » ;
63. Considérant que ces dispositions ne concernent ni les ressources, ni les charges, ni la trésorerie, ni les emprunts, ni la dette, ni les garanties ou la comptabilité de l'Etat ; qu'elles n'ont pas trait à des impositions de toutes natures affectées à des personnes morales autres que l'Etat ; qu'elles n'ont pas pour objet de répartir des dotations aux collectivités territoriales ou d'approuver des conventions financières ; qu'elles ne sont pas relatives au régime de la responsabilité pécuniaire des agents des services publics ou à l'information et au contrôle du Parlement sur la gestion des finances publiques ; qu'ainsi, elles sont étrangères au domaine des lois de finances tel qu'il résulte de la loi organique du 1er août 2001 susvisée ; qu'il suit de là que les articles 46 et 117 ont été adoptés selon une procédure contraire à la Constitution ;
64. Considérant qu'il n'y a lieu, pour le Conseil constitutionnel, de soulever d'office aucune autre question de conformité à la Constitution,
Décide :


  • Les articles 46, 79 et 117 de la loi de finances pour 2015 sont contraires à la Constitution.


  • Les articles 16, 23, 33, 78 et 82 de cette même loi, ainsi que le Q du paragraphe I de son article 31, sont conformes à la Constitution.


  • La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.
    Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 29 décembre 2014, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, président, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Valéry GISCARD d'ESTAING, Hubert HAENEL et Mme Nicole MAESTRACCI.
    Rendu public le 29 décembre 2014.


Le président,
Jean-Louis Debré

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