Avis n° 2016-05 de la Commission consultative des trésors nationaux

Version initiale


Saisie par la ministre de la culture et de la communication, en application de l'article R. 111-11 du code du patrimoine,
Vu le code du patrimoine, notamment ses articles L. 111-2, L. 111-4 et R. 111-11 ;
Vu la demande de certificat d'exportation déposée le 16 mars 2016, relative à une verseuse à décor ciselé de fleurs et oiseaux, argent rehaussé d'or, Chine, vers 1680, offerte de la part du roi Phra Naraï par les ambassadeurs du Siam à Louis XIV le 1er septembre 1686 à Versailles,


  • La Commission régulièrement convoquée et constituée, réunie le 12 juillet 2016,
    Après en avoir délibéré,
    Considérant que le bien pour lequel le certificat d'exportation est demandé est un remarquable objet en argent, orné d'éléments repoussés et de hauts-reliefs rapportés avec rehauts d'or, qui a vraisemblablement été fabriqué en Chine autour de 1680 ; qu'il s'agit d'un précieux témoignage de l'ambassade du Siam en 1686, épisode particulièrement marquant du règne de Louis XIV, qui recherchait depuis les années 1660 une alliance avec cette puissance d'Asie pour contrer la Hollande ; que les trois ambassadeurs du roi de Siam, Phra Naraï (1633-1688), qui espérait obtenir l'appui d'une grand pays européen, ont été reçus avec faste lors de l'audience du 1er septembre 1686, qui leur a été accordée dans la galerie des Glaces, à Versailles, par le Roi-Soleil ; qu'au cours de cette réception, largement commentée par les chroniqueurs contemporains et à l'origine d'une abondante iconographie, ont été offerts à la famille royale environ 3 000 objets, dont seules quelques rares pièces subsistent aujourd'hui ; que cette verseuse, identifiée comme un des cadeaux, présente sur le fond et sur le col du couvercle deux numéros gravés par l'administration du Garde-Meuble de la Couronne à des dates différentes, le n° 65 en 1697, correspondant à son enregistrement avec un autre objet similaire dans l'inventaire du Garde-Meuble royal, et le n° 314 en 1729, inscrit au moment où la numérotation de l'inventaire a été modifiée ; que cette pièce est revêtue également de l'écu couronné aux armes de France et des trois couronnes, marques des propriétés royales à partir du règne de Louis XIV ; que sa trace apparaît encore, avec son pendant, à l'hôtel du Garde-Meuble dans les inventaires de 1775 et de 1791, où elle est localisée dans la salle des Bijoux, ouverte au public sous le règne de Louis XVI et où étaient alors exposés les joyaux de la Couronne ; qu'échappant apparemment à nouveau à la fonte en 1793, elle a été vendue lors des dernières ventes révolutionnaires en janvier 1797 et s'est retrouvée ensuite munie du poinçon au 2e coq et des armes d'un membre de la famille Terray de Morel-Vindé, qui en était devenu propriétaire ; qu'appartenant stylistiquement à un groupe restreint de petites verseuses chinoises en argent, cette très rare pièce d'orfèvrerie ayant survécu aux fontes massives ordonnées par le roi en 1689 et 1709 ou révolutionnaires, qui est la seule actuellement connue parmi les présents de l'ambassade du Siam, constitue un témoin à la fois précieux de cet événement historique important ainsi qu'emblématique de l'évolution du goût et du parcours complexe des biens des collections royales ;
    Qu'en conséquence cette œuvre présente un intérêt majeur pour le patrimoine national du point de vue de l'histoire et de l'art et doit être considérée comme un trésor national ;
    Emet un avis favorable au refus du certificat d'exportation demandé.


Pour la commission :
Le président,
E. Honorat

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