Décision n° 2021-1289 du 3 décembre 2021 mettant en demeure la Société d'exploitation d'un service d'information

Version initiale


Le Conseil supérieur de l'audiovisuel,
Vu la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 modifiée relative à la liberté de communication, notamment ses articles 1er, 3-1, 13 et 42 ;
Vu la décision n° 2005-473 du 19 juillet 2005 modifiée et prorogée autorisant la Société d'exploitation d'un service d'information (SESI) à utiliser une ressource radioélectrique pour l'exploitation d'un service de télévision à caractère national diffusé en clair par voie hertzienne terrestre en mode numérique initialement dénommé « i Télé » puis, à compter de la décision n° 2016-680 du 27 juillet 2016, « CNEWS », reconduite par la décision n° 2019-582 du 11 décembre 2019 ;
Vu la délibération n° 2017-62 du 22 novembre 2017 relative au principe de pluralisme politique dans les services de radio et de télévision ;
Vu la délibération n° 2021-86 du 8 septembre 2021 du Conseil supérieur de l'audiovisuel relative aux modalités de transmission des temps d'intervention des personnalités politiques ;
Vu la convention conclue le 27 novembre 2019 entre le Conseil supérieur de l'audiovisuel et la Société d'exploitation d'un service d'information concernant le service de télévision « CNEWS », notamment ses articles 2-3-1 et 4-2-1 ;
Vu le courrier du 3 novembre 2021 adressé au groupe Canal Plus concernant le respect du principe de pluralisme politique pour la période du troisième trimestre 2021 et la réponse à cette lettre datée du 23 novembre 2021 ;
Vu le relevé des temps de parole diffusés sur l'antenne du service de télévision « CNEWS » pour la période du 1er octobre au 15 novembre 2021 ;
Après en avoir délibéré,
Considérant ce qui suit :
Sur le cadre juridique :
1. En premier lieu, aux termes des dispositions de l'article 42 de la loi du 30 septembre 1986 : « Les éditeurs (…) de services de communication audiovisuelle (…) peuvent être mis en demeure de respecter les obligations qui leur sont imposées par les textes législatifs et réglementaires et par les principes définis aux articles 1er et 3-1 ». L'article 4-2-1 de la convention du 27 novembre 2019 prévoit que l'éditeur peut être mis en demeure d'en respecter les stipulations.
2. En deuxième lieu, en vertu de l'article 1er de la loi du 30 septembre 1986, l'exercice de la liberté de la communication au public par voie électronique ne peut être limité que dans la mesure requise, notamment, par le respect du caractère pluraliste de l'expression des courants de pensée et d'opinion. L'article 13 de la même loi prévoit que : « le Conseil supérieur de l'audiovisuel assure le respect de l'expression pluraliste des courants de pensée et d'opinion dans les programmes des services de radio et de télévision, en particulier pour les émissions d'information politique et générale. » Dans la décision n° 86-217 DC du 18 septembre 1986, le Conseil constitutionnel a considéré que : « le pluralisme des courants d'expression socioculturels est en lui-même un objectif de valeur constitutionnelle ; que le respect de ce pluralisme est une des conditions de la démocratie ; que la libre communication des pensées et des opinions, garantie par l'article 11 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789, ne serait pas effective si le public auquel s'adressent les moyens de communication audiovisuelle n'était pas à même de disposer, aussi bien dans le cadre du secteur public que dans celui du secteur privé, de programmes qui garantissent l'expression de tendances de caractères différents dans le respect de l'impératif d'honnêteté de l'information ; qu'en définitive, l'objectif à réaliser est que les auditeurs et les téléspectateurs qui sont au nombre des destinataires essentiels de la liberté proclamée par l'article 11 de la Déclaration de 1789 soient à même d'exercer leur libre choix ».
3. En vertu de l'article 1er de la délibération du 22 novembre 2017, le temps d'intervention cumulé du Président de la République relevant du débat politique national, de ses collaborateurs et des membres du Gouvernement doit correspondre au tiers du temps total d'intervention et les partis et groupements politiques exprimant les grandes orientations de la vie politique nationale doivent bénéficier d'un temps d'intervention équitable au regard des éléments de leur représentativité. En vertu de l'article 3 de cette délibération, le Conseil procède chaque trimestre à l'appréciation du respect du principe de pluralisme politique dans l'ensemble des programmes.
4. Il résulte de ce qui précède que les interventions politiques doivent être diffusées dans des conditions permettant que le public en soit réellement destinataire. Les obligations précisées par la délibération précitée ne sauraient donc être regardées comme remplies si les interventions de l'exécutif et des partis et groupements politiques étaient essentiellement diffusées au sein des programmes de nuit, à des heures où l'audience est très faible. De la même façon, l'obligation d'équité fixée par la délibération du 22 novembre 2017 ne saurait permettre qu'une part substantielle des temps d'intervention de certaines catégories d'intervenants soit diffusée à des horaires de faible audience, sans méconnaître l'exigence de pluralisme des courants de pensée et d'opinion.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article 2-3-1 de la convention du 27 novembre 2019 : « L'éditeur assure le pluralisme de l'expression des courants de pensée et d'opinion notamment dans le cadre des recommandations formulées par le Conseil supérieur de l'audiovisuel, en particulier de la délibération relative au principe de pluralisme politique dans les services de radio et de télévision ».
6. Il appartient au Conseil supérieur de l'audiovisuel, au vu des recensements réguliers des temps de parole des personnalités politiques, de veiller au respect des obligations fixées par la délibération du 22 novembre 2017 en matière de pluralisme. Il peut alors, à ce titre, adresser en temps utile, en application de l'article 42 de la loi du 30 septembre 1986, des mises en demeure lorsqu'il apparaît que ce principe ne pourra pas être respecté sur l'ensemble du trimestre au cours duquel son respect doit être apprécié.
Sur les faits de l'espèce :
7. D'une part, il ressort de l'examen des temps de parole relevés sur l'antenne du service CNEWS entre le 1er octobre et le 15 novembre 2021 qu'une proportion très significative des interventions de l'exécutif et des interventions de La France Insoumise a été diffusée dans des émissions programmées entre 0h00 et 5h59, avec plus de 82 % du volume total des interventions des membres de l'exécutif et plus de 53 % du temps de parole des représentants de La France Insoumise diffusés sur cette tranche horaire.
8. D'autre part, il apparaît que l'exécutif et la France Insoumise ont été les seules catégories d'intervenants à faire l'objet de conditions de programmation aussi massivement défavorables et se traduisant, entre 6h00 et 23h59, par une sous-représentation marquée avec des proportions respectives de 8,6% et 3,7% du temps total d'intervention sur cette tranche horaire.
9. Par un courrier du 3 novembre 2021 portant sur le respect du principe de pluralisme politique sur la période du troisième trimestre 2021, le Conseil supérieur de l'audiovisuel, qui avait constaté qu'une proportion significative des temps de parole du pouvoir exécutif et de La France Insoumise relevait de diffusions nocturnes, avait fermement appelé l'attention des responsables du service « CNEWS » sur la nécessité d'assurer une exposition des formations politiques plus équilibrée au regard des horaires de diffusion. Dans sa réponse à ce courrier datée du 23 novembre 2021, le groupe Canal Plus a contesté la position retenue par le Conseil et s'est abstenu d'annoncer des mesures susceptibles de résorber, même partiellement, les déséquilibres constatés.
10. L'ensemble des faits mentionnés aux points 7 et 8 de la présente décision sont susceptibles de caractériser des manquements de la part de l'éditeur aux obligations que lui imposent l'article 1er de la délibération du 22 novembre 2017 et l'article 2-3-1 de la convention du 27 novembre 2019, relatives au respect du pluralisme de l'expression des courants de pensée et d'opinion notamment dans le cadre des recommandations du Conseil.
11. Dans ces conditions, il résulte de ce qui précède, en l'état des déclarations de l'éditeur, que l'ensemble des obligations résultant de l'article 1er de la délibération du 22 novembre 2017 et de l'article 2-3-1 de la convention du 27 novembre 2019 pourront difficilement être respectées sur l'antenne de « CNEWS » sur l'ensemble du quatrième trimestre 2021. Il y a donc lieu de mettre la Société d'exploitation d'un service d'information en demeure d'y remédier afin de se conformer, d'ici au 31 décembre 2021 et à l'avenir, à l'article 1er de la délibération du 22 novembre 2017 tel qu'explicité aux points 3 et 4 de la présente décision et à l'article 2-3-1 de la convention du 27 novembre 2019,
Décide :


  • La Société d'exploitation d'un service d'information est, en ce qui concerne le service de télévision « CNEWS », mise en demeure de se conformer, d'ici au 31 décembre 2021 et à l'avenir, aux dispositions de l'article 1er de la délibération du 22 novembre 2017 telles qu'explicitées aux points 3 et 4 de la présente décision sur l'ensemble de la période au cours de laquelle son respect doit être assuré ainsi qu'aux stipulations de l'article 2-3-1 de la convention du 27 novembre 2019.


  • La présente décision sera notifiée à la Société d'exploitation d'un service d'information et publiée au Journal officiel de la République française.


Fait à Paris, le 3 décembre 2021.


Pour le Conseil supérieur de l'audiovisuel :
Le président,
R.-O. Maistre

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