COUR DES COMPTES - Deuxième Chambre - Arrêt - 13/07/2021 - Grand port maritime (GPM) de la Guadeloupe - Exercices 2014 à 2018 - n° S-2021-1317

Texte intégral

La Cour,

Vu le réquisitoire n° 2020-33 en date du 8 décembre 2020, par lequel la Procureure générale près la Cour des comptes a saisi la juridiction de charges soulevées à l’encontre de MM. X et Y, agents comptables du grand port maritime de la Guadeloupe, au titre des exercices 2014 à 2018, notifié le 9 décembre 2020 aux comptables concernés ;

Vu les comptes rendus en qualité de comptables du grand port maritime de la Guadeloupe par M. X, du 1 er janvier 2014 au 2 avril 2017, et M. Y, du 3 avril 2017 au 31 décembre 2018 ;

Vu les justifications produites au soutien des comptes en jugement ;

Vu le code des juridictions financières ;

Vu l’article 60 modifié de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 ;

Vu les lois et règlements applicables aux grands ports maritimes, notamment le code des ports maritimes, le code des transports et les instructions comptables M9 et M9-5 ;

Vu le décret n° 53-707 du 9 août 1953 relatif au contrôle de l'Etat sur les entreprises publiques nationales et certains organismes ayant un objet d'ordre économique ou social ;

Vu le décret n° 2012-1102 du 1 er octobre 2012 relatif à l’organisation et au fonctionnement des grands ports maritimes de la Guyane, de la Guadeloupe, de la Martinique et de la Réunion ;

Vu le décret n° 2012-1103 du 1 er octobre 2012 instituant le grand port maritime de la Guadeloupe ;

Vu le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ;

Vu le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du VI de l’article 60 de la loi de finances de 1963 modifié dans sa rédaction issue de l’article 90 de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 ;

Vu l’arrêté du 13 avril 2016 fixant la liste des pièces justificatives des dépenses des organismes soumis au titre III du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ;

Vu les pièces produites au cours de l’instruction, notamment les réponses au réquisitoire transmises par M. X le 29 décembre 2020 et par M. Y le 22 janvier 2021 ;

Vu le rapport n° R-2021-0616 à fin d’arrêt de M. Jérôme PERDREAU, conseiller référendaire, magistrat chargé de l’instruction ;

Vu les conclusions n° 271 de la Procureure générale du 1 er juin 2021 ;

Vu les observations produites par M. X postérieurement à la clôture de l’instruction, enregistrées au greffe le 10 mai 2021 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Entendu lors de l’audience publique du 4 juin 2021, M. Jérôme PERDREAU, conseiller référendaire, en son rapport, M. Pierre VAN HERZELE, avocat général, en les conclusions du ministère public, Maître Marc RICHER, représentant M. X, M. Y et le grand port maritime de la Guadeloupe, et M. Z, président du directoire de l’établissement public, ayant eu la parole en dernier ;

Sur la charge n° 1 soulevée à l’encontre de monsieur Y au titre de l’exercice 2018

1. Attendu que, par le réquisitoire susvisé, la Procureure générale a saisi la Cour des comptes de la responsabilité encourue par M. Y à raison du défaut de justification d’une partie du solde débiteur au 31 décembre 2018 du compte 2711 ; que ce défaut de justification, relatif à des participations du grand port maritime de la Guadeloupe au capital de la société A, pouvant être constitutif d’un déficit ou d’un manquant en monnaie ou en valeurs, serait présomptif d'une irrégularité susceptible de fonder la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire du comptable ;

Sur le droit applicable

2. Attendu qu’en application du I de l’article 60 susvisé de la loi du 23 février 1963, « les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables (…) de la garde et de la conservation des fonds et valeursappartenant ou confiés aux différentes personnes morales de droit public dotées d’un comptable public ( …), du maniement des fonds et des mouvements de comptes de disponibilités, de la conservation des pièces justificatives des opérations et documents de comptabilité ainsi que de la tenue de la comptabilité du poste comptable qu'ils dirigent » ; que leur responsabilité personnelle et pécuniaire « se trouve engagée dès lors qu’un déficit ou un manquant en monnaie ou en valeurs a été constatée (…) » ;

3. Attendu qu’aux termes de l’article 18 du décret du 7 novembre 2012 susvisé, « dans le poste comptable qu'il dirige, le comptable public est seul chargé : 1° De la tenue de la comptabilité générale ; (…) ; 5° Du recouvrement des ordres de recouvrer et des créances constatées par un contrat, un titre de propriété ou tout autre titre exécutoire ; (…) 9° De la garde et de la conservation des fonds et valeurs appartenant ou confiés aux personnes morales mentionnées à l'article 1 er ; (…) 11° De la conservation des pièces justificatives des opérations transmises par les ordonnateurs et des documents de comptabilité » ;

4. Attendu qu’en application du III de l’article 60 modifié de la loi du 23 février 1963 susvisée, la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics ne peut être mise en jeu à raison de la gestion de leurs prédécesseurs que pour les opérations prises en charge sans réserve lors de la remise de service ou qui n’auraient pas été contestées par le comptable entrant dans les délais réglementaires ;

Sur les faits

5. Attendu qu’au 31 décembre 2018,le compte 2711 présentait un solde débiteur de 45 000 €, constitué d’une inscription de 15 000 € en date du 19 mars 2004 portant sur l’acquisition d’actions de la société par actions simplifiée A et d’une inscription de 30 000 € en date de février 2006 correspondant à une « augmentation de capital » ;

Sur les éléments apportés à décharge par l’agent comptable

6. Attendu qu’en réponse au réquisitoire, l’agent comptable a produit des pièces justifiant une participation d’une valeur totale de 15 000 € détenue par le grand port maritime de la Guadeloupe au capital de la société A ; que selon le procès-verbal d’une assemblée générale de cette société tenue le 28 décembre 2005, une augmentation de capital a été décidée par les actionnaires, à laquelle le grand port maritime de la Guadeloupe a souscrit, portant la valeur de sa participation à 45 000 € ; que, toutefois, au cours de la même séance, une réduction de capital d’un montant équivalent a été décidée afin d’apurer les dettes contractées par la société A, ramenant la valeur totale de la participation du grand port maritime de Guadeloupe à 15 000 € à l’issue de l’opération ;  

Sur l’existence d’un manquement

7. Attendu que les pièces produites en réponse au réquisitoire attestent de la détention par le grand port maritime de la Guadeloupe d’une participation d’une valeur totale de 15 000 € ; que la différence entre ce montant et l’inscription figurant au compte 2711, soit 30 000 euros, ne correspond à aucune valeur que le grand port maritime de Guadeloupe aurait possédée ; que si ces constatations traduisent des négligences dans la tenue des comptes de l’établissement public, elles ne sont pas révélatrices d’un déficit ou d’un manquant en monnaie ou en valeurs au sens du troisième alinéa du I de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée ;

8. Attendu qu’il résulte de ce qui précède qu’il n’y a pas lieu de mettre en jeu la responsabilité de M. Y à raison de la première charge soulevée par la Procureure générale dans son réquisitoire ;

Sur la charge n° 2 soulevée à l’encontre de M. Y au titre de l’exercice 2018

9. Attendu que, par le réquisitoire susvisé, la Procureure générale a saisi la Cour des comptes de la responsabilité encourue par M. Y à raison du défaut de justification du solde débiteur au 31 décembre 2018 du compte 2751 « Dépôts versés » ; que ce défaut de justification, pouvant être constitutif d'un déficit ou d'un manquant en monnaie ou en valeurs, serait présomptif d'une irrégularité susceptible de fonder la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire du comptable ;

Sur le droit applicable

10. Attendu qu’en application du I de l’article 60 susvisé de la loi du 23 février 1963, « les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables (…) de la garde et de la conservation des fonds et valeursappartenant ou confiés aux différentes personnes morales de droit public dotées d’un comptable public ( …), du maniement des fonds et des mouvements de comptes de disponibilités, de la conservation des pièces justificatives des opérations et documents de comptabilité ainsi que de la tenue de la comptabilité du poste comptable qu'ils dirigent » ; que leur responsabilité personnelle et pécuniaire « se trouve engagée dès lors qu’un déficit ou un manquant en monnaie ou en valeurs a été constatée (…) » ;

11. Attendu qu’aux termes de l’article 18 du décret du 7 novembre 2012 susvisé, « dans le poste comptable qu'il dirige, le comptable public est seul chargé : 1° De la tenue de la comptabilité générale ; (…) ; 5° Du recouvrement des ordres de recouvrer et des créances constatées par un contrat, un titre de propriété ou tout autre titre exécutoire ; (…) 9° De la garde et de la conservation des fonds et valeurs appartenant ou confiés aux personnes morales mentionnées à l'article 1 er ; (…) 11° De la conservation des pièces justificatives des opérations transmises par les ordonnateurs et des documents de comptabilité » ;

12. Attendu qu’en application du III de l’article 60 modifié de la loi du 23 février 1963 susvisée, la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics ne peut être mise en jeu à raison de la gestion de leurs prédécesseurs que pour les opérations prises en charge sans réserve lors de la remise de service ou qui n’auraient pas été contestées par le comptable entrant dans les délais réglementaires ;

Sur les faits

13. Attendu que le solde débiteur du compte 2751 retrace les cautionnements versés par l’établissement public, pour un montant au 31 décembre 2018 de 24 805,16 €, dont 22 550,16 €, correspondant à des cautions déposées auprès de la chambre de commerce et d’industrie de la Guadeloupe en 2002 et 2003, n’étaient assortis d’aucune justification ;

Sur les éléments apportés à décharge par l’agent comptable

14. Attendu qu’en réponse au réquisitoire, l’agent comptable a indiqué que les recherches qu’il avait effectuées au sein de l’établissement et auprès de ses correspondants extérieurs ne lui avaient pas permis de trouver de pièces permettant de déterminer les droits et montants dont l 'établissement pourrait se prévaloir ; que M. Y a observé que ce défaut de justification n’avait pas été soulevé dans le réquisitoire pris le 15 février 2013 dans le cadre du précédent contrôle juridictionnel des comptes pour les exercices 2008 à 2011 du grand port maritime de la Guadeloupe ;

Sur l’existence d’un manquement

15. Attendu que lors de sa prise de fonctions, le 3 avril 2017, M. Y n’a pas émis de réserve sur la gestion de son prédécesseur ; qu’il lui appartenait de le faire en ce qui concerne spécifiquement le compte 2751 dans l’hypothèse où, comme cela se déduit de sa réponse, son solde débiteur au 31 décembre 2016 était déjà insuffisamment justifié ; qu’en ne signalant pas l’absence de pièces justifiant l’existence des cautions versées par le grand port maritime de la Guadeloupe, il s’est exposé à voir mise en jeu sa responsabilité propre au titre de sa gestion au cours des exercices suivants ;

16. Attendu que les obligations auxquelles l’agent comptable est tenu, aux termes du I de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée, en matière de garde et de conservation des fonds et valeurs, supposent qu’il soit à même de justifier à tout moment de la réalité des dépôts et cautionnements inscrits à l’actif de l’organisme public dont il tient la comptabilité ; que M. Y ne saurait se prévaloir de l’absence de remarque de la Cour des comptes sur ce point lors de son précédent contrôle, l’obligation de justifier le solde du compte 2751 s’imposant à lui pour chaque compte soumis à la juridiction financière ;

17. Attendu qu’il résulte de ce qui précède que M. Y a manqué à ses obligations en matière de garde et de conservation des fonds et valeurs de l’établissement public et qu’il y a lieu de mettre en jeu de ce chef sa responsabilité au titre de l’exercice 2018 ;

Sur l’existence d’un préjudice financier

18. Attendu que, pour déterminer si un manquement du comptable public à ses obligations a causé un préjudice financier à l’établissement public concerné, il appartient au juge des comptes de rechercher s’il existe un préjudice et s’il y a un lien de causalité entre le manquement et le préjudice ;

19. Attendu que l’absence de titre attestant l’existence des droits de l’établissement public, ou de certificat du dépositaire du ou des dépôts et cautionnements versés en reconnaissant l’existence, est constitutive d’un manquant en valeur, qui a causé un préjudice financier à l’organisme public, dès lors que celui-ci n’est plus en mesure d’obtenir le remboursement des dépôts et cautionnements versés ;

20. Attendu qu’aux termes du troisième alinéa du VI de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée, « lorsque le manquement du comptable (…) a causé un préjudice financier à l’organisme public concerné (…) , le comptable a l’obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante » ; qu’ainsi il y a lieu de constituer M. Y débiteur du grand port maritime de la Guadeloupe pour la somme de 22 550,16 € au titre de l’exercice 2018 ;

21. Attendu qu’aux termes du VIII de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée, « les débets portent intérêt au taux légal à compter du premier acte de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics » ; que le premier acte de la mise en jeu de leur responsabilité correspond à la date de réception du réquisitoire par les intéressés, intervenue en l’espèce le 9 décembre 2020 ;

Sur la charge n° 3 soulevée à l’encontre deMM. X et Y au titre des exercices 2014 à 2018

22. Attendu que, par le réquisitoire susvisé, la Procureure générale a saisi la Cour des comptes de la responsabilité encourue par MM. X et Y à raison de remboursements de frais de parking, essence, péage, lavage de véhicule, pressing et recharge de téléphone au profit de salariés du grand port autonome de la Guadeloupe, pour un montant total de 2 240,79 €, qui auraient été réalisés sur le fondement de pièces justificatives insuffisantes ; qu’en effet les versements correspondants seraient intervenus alors qu’aucun texte applicable à l’organisme ne prévoyait le remboursement de telles dépenses ; que cette possibilité ne ressortait notamment pas d’une charte d’utilisation des véhicules du grand port, adoptée en 2008, ni d’instructions de 2011 et 2016 relatives à la politique de déplacements professionnels de l’organisme, ni de deux décisions du président du directoire du 1 er mars 2013 relative aux indemnités journalières de mission et aux indemnités kilométriques et du 17 mars 2015 relative à l’utilisation des véhicules personnels pour les besoins du service ; qu’il ressortait de ces pièces que les remboursements forfaitaires ou aux frais réels portaient uniquement sur l’hébergement et les repas des agents en mission ;

23. Attendu que les paiements ainsi effectués sans vérifier si l'ensemble des pièces requises avaient été fournies, ni si ces pièces étaient complètes, précises et cohérentes au regard de la nature de la dépense telle qu'elle a été ordonnancée, seraient présomptifs d'irrégularités susceptibles de fonder la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables pour défaut de contrôle de la validité de la dette ;

Sur le droit applicable

24. Attendu qu’aux termes du I de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée, « les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables (…) du paiement des dépenses » et « des contrôles qu'ils sont tenus d'assurer en matière de (…) dépenses (…) dans les conditions prévues par le règlement général sur la comptabilité publique » ; que leur responsabilité personnelle et pécuniaire « se trouve engagée dès lors (…) qu’une dépense a été irrégulièrement payée » ;

25. Attendu qu’aux termes de l'article 18 du décret du 7 novembre 2012 susvisé, « le comptable public est seul chargé (…) du paiement des dépenses (…) » ; qu’aux termes de ses articles 19 et 20, « le comptable public est tenu d'exercer le contrôle (…) 2° s 'agissant des ordres de payer (…) d) de la validité de la dette » , qui porte notamment sur « 2° L'exactitude de la liquidation » et « 3° la production des pièces justificatives » ; qu'aux termes de l'article 38 du même décret, « lorsqu'à l'occasion de l'exercice des contrôles prévus au 2° de l'article 19 le comptable public a constaté des irrégularités ou des inexactitudes dans les certifications de l'ordonnateur, il suspend le paiement et en informe l'ordonnateur» ;

Sur les faits

26. Attendu que les remboursements de frais de parking, essence, péage, lavage de véhicule, pressing et recharge téléphonique visés dans le réquisitoire ont été réalisés sur les exercices 2014 à 2018 selon la répartition détaillée dans le tableau suivant :

Dépenses concernées

Montant (€)

Exercice 2014 : Frais de parking, pressing, recharge téléphonique

264,67

Exercice 2015 : Frais de parking, essence, péage, pressing

164,52

Exercice 2016 : Frais de parking, essence, lavage véhicule, péage, pressing

574,96

Exercice 2017: Frais de parking, essence

988,86

Exercice 2018 :  Frais de parking, essence

247,78

Total

2 240,79

Sur les éléments apportés à décharge par les agents comptables

27. Attendu que dans leurs réponses au réquisitoire, les agents comptables ont fait valoir que les dépenses en cause étaient intervenues dans le cadre d’un règlement intérieur définissant les conditions de remboursement des frais de déplacement des agents du grand port maritime de la Guadeloupe, adopté le 10 juin 2011 par le conseil d’administration de l’établissement public et applicable à compter du 1 er janvier 2011, dont ils ont produit la copie ;

Sur l’existence d’un manquement

28. Attendu qu’il ressort de l’instruction qu’aucun des textes mentionnés dans le réquisitoire n’a eu pour objet ou pour effet d’abroger le règlement intérieur du 10 juin 2011 ; qu’en ses articles 1.2 et 2.1.4, ce règlement autorise le remboursement, sur présentation de justificatifs, des natures de dépense en cause, soit explicitement, soit en tant que dépenses connexes d’une nature de dépense mentionnée ; que les pièces figurant au dossier attestent que les états de frais ayant donné lieu aux remboursements exposaient clairement la nature des dépenses en cause, étaient accompagnés des justificatifs nécessaires et ont été validés par l’ordonnateur ; qu’en procédant à ces remboursements, les comptables n’ont pas manqué à leurs obligations de contrôle de la validité de la dette ;

29. Attendu qu’il n’y a dès lors pas lieu de mettre en jeu la responsabilité de MM. X et Y au titre de la charge n° 3 ;

Sur la charge n° 4 soulevée à l’encontre deM. X et M. Y au titre des exercices 2016 et 2017

30. Attenduque, par le réquisitoire susvisé, la Procureure générale a saisi la Cour des comptes de la responsabilité encourue par MM. X et Y à raison du paiement d’indemnités d’intérim réalisé au cours des exercices 2016 et 2017 au bénéfice de trois salariés du grand port maritime de la Guadeloupe pour un montant total de 11 600,33 € sur le fondement de pièces justificatives insuffisantes ; qu’en effet , les comptables auraient pris en charge les mandats correspondants en l’absence d’états liquidatifs permettant de contrôler l’exactitude de la liquidation, ni de décisions faisant référence au texte ayant institué les indemnités en cause ;

31. Attendu que les paiements ainsi effectués sans vérifier si l'ensemble des pièces requises avaient été fournies, ni si ces pièces étaient complètes, précises et cohérentes au regard de la nature de la dépense telle qu'elle a été ordonnancée, seraient présomptifs d'irrégularités susceptibles de fonder la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables pour défaut de contrôle de la validité de la dette ;

Sur le droit applicable

32. Attendu qu’aux termes du I de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée, « les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables (…) du paiement des dépenses » et « des contrôles qu'ils sont tenus d'assurer en matière de (…) dépenses (…) dans les conditions prévues par le règlement général sur la comptabilité publique » ; que leur responsabilité personnelle et pécuniaire « se trouve engagée dès lors (…) qu’une dépense a été irrégulièrement payée » ;

33. Attendu qu’aux termes de l'article 18 du décret du 7 novembre 2012 susvisé, « le comptable public est seul chargé (…) du paiement des dépenses (…) » ; qu’aux termes de ses articles 19 et 20, « le comptable public est tenu d'exercer le contrôle (…) 2° s 'agissant des ordres de payer (…) d) de la validité de la dette » , qui porte notamment sur « 2° L'exactitude de la liquidation » et « 3° la production des pièces justificatives » ; qu'aux termes de l'article 38 du même décret, « lorsqu'à l'occasion de l'exercice des contrôles prévus au 2° de l'article 19 le comptable public a constaté des irrégularités ou des inexactitudes dans les certifications de l'ordonnateur, il suspend le paiement et en informe l'ordonnateur» ;

Sur les faits

34. Attendu que les indemnités visées dans le réquisitoire ont été payées, sur le fondement de décisions d’attribution prises les 15 octobre 2014, 21 octobre 2016 et 18 septembre 2017 par le président du directoire, à trois cadres ayant assuré par intérim respectivement les fonctions de directeur de l’administration générale entre le 5 septembre et le 14 octobre 2014, les fonctions de directeur du pôle des opérations entre le 1 er juillet 2015 et le 31 août 2016 et celles de directeur des ressources humaines entre le 1 er février et le 10 septembre 2017 ; que les paiements correspondants ont été réalisés dans les conditions détaillées dans le tableau ci-dessous :

Décision portant versement de la « prime d'indemnité d'intérim »

Bulletin de salaire concerné

Date de paiement

Comptable ayant pris en charge le paiement

Montant total versé (€)

Décision du 15/10/2014 : intérim du 5/09/2014 au 14/10/2014 : "indemnité de 500 € par mois"

janv-16

31/01/2016

A. X

933,33

Décision du 21/10/2016 : intérim du 01/07/2015 au 31/08/2016 (14 mois) : "indemnité de 500 € par mois soit un montant total de 7 000 €"

oct-16

31/10/2016

A. X

7 000,00

Décision du 18/09/2017 : intérim du 01/02/2017 au 10/09/2017 (soit 7 mois et 10 jours) : "indemnité de 500 € par mois, soit un montant total de 3 667 €"

sept-17

31/09/2017

O. Y

3 667,00

Total

11 600,33

       

Sur les éléments apportés à décharge par les agents comptables

35. Attendu que dans leurs réponses au réquisitoire, les agents comptables ont indiqué, et que Maître RICHER a confirmé à l’audience, que les indemnités avaient été payées sur le fondement de décisions en fixant le montant à un niveau de 500 € par mois en raison des difficultés d’application des dispositions figurant à l’article 3.3 de la convention collective nationale unifiée « ports et manutention » du 15 avril 2011, qui prévoient l’attribution aux intérimaires d’une « compensation salariale correspondant à la différence entre la rémunération minimale fixée par la convention collective pour l’emploi résultant de son contrat de travail et celle correspondant à l’emploi auquel il est affecté » ; qu’en effet, lorsque le salaire de base des agents concernés est supérieur à celui prévu pour les fonctions dont ils assurent l’intérim, la compensation ainsi prévue est négative ; que l’octroi par une décision ad hoc d’une indemnité d’intérim a eu pour objet d’éviter ce que les comptables et Maître RICHER ont décrit comme des « situations incongrues » ;

36. Attendu que postérieurement à la clôture de l’instruction, M. X a signalé que l’article 3.4 de la convention cadre prévoyait que, « pour les salariés cadres des établissements portuaires, le montant de l’indemnité mentionnée au 3 èmealinéa du § « remplacement temporaire », versée pour un remplacement temporaire d’une durée supérieure à 31 jours, ne [pourrait] être inférieur à 200 euros » et que « ce montant [serait] indexé sur l’évolution du SBMH » (salaire de base minimum hiérarchique) ; que selon le comptable, ces dispositions autorisaient le président du directoire à fixer à 500 € le montant mensuel des indemnités d’intérim versées aux cadres ayant bénéficié du dispositif dans les conditions ci-dessus détaillées ;

Sur l’existence d’un manquement

37. Attendu que, pour ce qui concerne le paiement réalisé en janvier 2016, en l’absence de nomenclature des pièces justificatives applicable aux grands ports maritimes, il appartenait à l’agent comptable d'identifier les pièces justificatives pertinentes et nécessaires à l’exercice de ses contrôles ; qu’il devait pour se faire se reporter aux textes encadrant chaque type de dépense pour exiger la production de toute pièce prévue par la réglementation lui permettant d’exercer ses contrôles ;

38. Attendu que, s’agissant des paiements réalisés postérieurement à l’entrée en vigueur de l’arrêté susvisé du 13 avril 2016 fixant la liste des pièces justificatives des dépenses des organismes soumis au titre III du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique, les comptables devaient exiger une « décision individuelle d’attribution » qui soit « suffisamment détaillée pour [leur] permettre (…) de vérifier l’exacte application du texte en vigueur » ;

39. Attendu qu’en l’espèce, aucun texte légal ou réglementaire n’autorisait le paiement des indemnités d’intérim visées dans le réquisitoire ; que celles-ci ne pouvaient être versées que sur le fondement et dans les conditions prévues par les articles 3.3 et 3.4 de la convention collective susmentionnée du 15 avril 2011 ; qu’il résulte des dispositions de l’article 3.3 que de telles indemnités ne sont dues que lorsque l’intérimaire exerce « une fonction relevant d’un niveau ou échelon supérieur » ; que tel n’était pas le cas des cadres ayant exercé l’intérim des fonctions de directeur du pôle des opérations entre le 1 er juillet 2015 et le 31 août 2016 et celui de directeur des ressources humaines du 1 er février au 10 septembre 2017 ; qu’en effet, les intéressés occupaient des emplois classés à l’échelon le plus élevé de la grille des rémunérations applicables ; que le cadre ayant assuré par intérim les fonctions de directeur de l’administration générale du 5 septembre au 14 octobre 2014 occupait un emploi classé à un échelon inférieur mais qu’en raison de son ancienneté, sa rémunération était d’un montant supérieur à celle du poste dont il a transitoirement assumé les responsabilités ; qu’en conséquence il ne pouvait prétendre qu’à l’indemnité minimale prévue par l’article 3.4 de la convention collective ;

40. Attendu qu’en procédant au paiement des primes litigieuses sur la base de décisions d’attribution ne visant pas le texte justifiant l’attribution de telles primes et permettant d’en calculer le montant pour deux des intérimaires concernés et en en faisant une application inexacte pour le troisième, MM. X et Y ont manqué à leur obligation de contrôle de la validité de la dette, notamment de la production des pièces justificatives et de son exacte liquidation ; qu’il y a lieu de mettre en jeu de ce chef leur responsabilité personnelle et pécuniaire au titre des exercices 2016 et 2017 respectivement ;

Sur l’existence d’un préjudice

41. Attendu que pour déterminer si le paiement irrégulier d’une dépense par un comptable public a causé un préjudice financier à l’organisme public concerné, il appartient au juge des comptes de vérifier, au vu des éléments qui lui sont soumis à la date à laquelle il statue, si la correcte exécution, par le comptable, des contrôles lui incombant aurait permis d’éviter que soit payée une dépense qui n’était pas effectivement due ; que dans le cas où le comptable a engagé sa responsabilité en payant une dépense sur le fondement de pièces justificatives insuffisantes, le manquement doit être regardé comme n’ayant, en principe, pas causé un préjudice financier à l’organisme public concerné lorsqu’il ressort des pièces du dossier, y compris d’éléments postérieurs aux manquements en cause, que la dépense reposait sur les fondements juridiques dont il appartenait au comptable de vérifier l’existence au regard de la nomenclature, que l’ordonnateur a voulu l’exposer et, le cas échéant, que le service a été fait ; 

42. Attendu qu’en l’absence de texte légal ou réglementaire ou de dispositions conventionnelles en autorisant le versement, les dépenses correspondant aux indemnités payées aux cadres ayant assuré l’intérim des fonctions de directeur du pôle des opérations et de directeur des ressources humaines étaient dépourvues du fondement juridique dont il appartenait au comptable de vérifier l’existence au regard de la nomenclature ; qu’elles présentaient donc un caractère indu et ont en conséquence causé un préjudice financier au grand port maritime de la Guadeloupe ; qu’il ressort des pièces du dossier que le cadre ayant assuré l’intérim des fonctions de directeur de l’administration générale n’avait droit qu’à l’indemnité minimale prévue par l’article 3.4 de la convention collective, soit 282,33 € sur la période du 5 septembre au 14 octobre 2014 et qu’il a donc bénéficié d’un trop versé de 651 € ;

43. Attendu qu’aux termes du troisième alinéa du VI de l'article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée, « lorsque le manquement du comptable (…) a causé un préjudice financier à l’organisme public concerné (…), le comptable a l’obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante » ; qu’ainsi il y a lieu de constituer débiteurs du grand port maritime de la Guadeloupe M. X pour la somme de 7 651 € au titre de l’exercice 2016 et M. Y pour la somme de 3 667 € au titre de l’exercice 2017 ;

44. Attendu qu’aux termes du VIII de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée, « les débets portent intérêt au taux légal à compter du premier acte de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics » ; que le premier acte de la mise en jeu de leur responsabilité correspond à la date de réception du réquisitoire par les intéressés, intervenue en l’espèce le 9 décembre 2020 ;

45. Attendu qu’il n’existait pas, pour la période considérée, de plan de contrôle sélectif de la dépense au grand port maritime de la Guadeloupe ; que cette circonstance fait obstacle à une remise gracieuse totale des débets ;

Sur la charge n° 5 soulevée à l’encontre deM. X au titre de l’exercice 2015

46. Attenduque par le réquisitoire susvisé, la Procureure générale a saisi la Cour des comptes de la responsabilité encourue par M. X à raison du paiement en 2015, sur le fondement de pièces justificatives insuffisantes, d’indemnités d’intérim d'un montant de 8 788,10 € au directeur de l'aménagement, membre du directoire ayant exercé à titre transitoire les fonctions de président de cette instance sur la période du 1 er décembre 2013 au 25 février 2014 ; qu’en effet, le comptable n’aurait pas disposé d’un décret du ministre chargé de l’économie dont l’article R. 5312-28 du code des transports prévoirait la production pour le remplacement d’un président de directoire absent ou empêché, ni d’une décision de la même autorité ministérielle fixant les éléments de sa rémunération, conformément à l’article 3 du décret susvisé du 9 août 1953 ; qu’en outre, la décision prise le 18 mars 2015 par le président du directoire, sur le fondement de laquelle l’indemnité en cause a été payée, se serait appuyée sur des dispositions non applicables en l’espèce de la convention collective nationale unifiée « Ports et manutentions » ;

47. Attendu que les paiements ainsi effectués sans vérifier si l'ensemble des pièces requises avaient été fournies, ni si ces pièces étaient complètes, précises et cohérentes au regard de la nature de la dépense telle qu'elle a été ordonnancée, seraient présomptifs d'irrégularités susceptibles de fonder la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables pour défaut de contrôle de la validité de la dette ;

Sur le droit applicable

48. Attendu qu’aux termes du I de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée, « les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables (…) du paiement des dépenses » et « des contrôles qu'ils sont tenus d'assurer en matière de (…) dépenses (…) dans les conditions prévues par le règlement général sur la comptabilité publique » ; que leur responsabilité personnelle et pécuniaire « se trouve engagée dès lors (…) qu’une dépense a été irrégulièrement payée » ;

49. Attendu qu’aux termes de l'article 18 du décret du 7 novembre 2012 susvisé, « le comptable public est seul chargé (…) du paiement des dépenses (…) » ; qu’aux termes de ses articles 19 et 20, « le comptable public est tenu d'exercer le contrôle (…) 2° s 'agissant des ordres de payer (…) d) de la validité de la dette » , qui porte notamment sur « 2° L'exactitude de la liquidation » et « 3° la production des pièces justificatives » ; qu'aux termes de l'article 38 du même décret, « lorsqu'à l'occasion de l'exercice des contrôles prévus au 2° de l'article 19 le comptable public a constaté des irrégularités ou des inexactitudes dans les certifications de l'ordonnateur, il suspend le paiement et en informe l'ordonnateur» ;

Sur les faits

50. Attendu que M. X a procédé au paiement, le 31 mars 2015, d’une indemnité d’intérim d’un montant de 8 788,10 € au bénéfice du directeur de l'aménagement, au titre du remplacement temporaire du président du directoire entre le 1 er décembre 2013 et le 25 février 2014, sur la base d’une décision d’attribution du 18 mars 2015 prise par le président du directoire nouvellement nommé et visé par le contrôleur général de l’établissement ;

Sur les éléments apportés à décharge par l’agent comptable

51. Attendu qu’en réponse au réquisitoire, M. X a fait valoir qu’il convenait d’apprécier les pièces justificatives de la nomination du salarié exerçant l’intérim du président du directoire selon le droit en vigueur à la date du fait générateur et non de la décision d’attribution de l’indemnité ; qu’en l’espèce, sur la période du 1 er décembre 2013 au 25 février 2014, les modalités de nomination du remplaçant du président du directoire relevaient de l’article R. 102-22 du code des ports maritimes, alors en vigueur, et non de l’article R. 5312-28 du code des transports mentionné dans le réquisitoire, applicable à compter du 1 er janvier 2015 ; que selon le comptable, les modalités de désignation du remplaçant étaient conformes à la procédure définie à l’article R. 102-22 du code des ports maritimes ;

52. Attendu que, s’agissant du calcul de la rémunération, M. X a indiqué que la décision sur le fondement de laquelle la prime a été payée avait explicitement pris pour référence la rémunération du président du directoire entrant, en l’absence de salaire de référence définie pour un tel emploi dans la convention collective unifiée ; que cette rémunération du président du directoire avait été validée par les autorités de tutelle, en application des dispositions du décret susvisé du 9 août 1953 ;

Sur l’existence d’un manquement

53. Attendu qu’en l’absence de nomenclature des pièces justificatives applicable aux grands ports maritimes, il appartenait à l’agent comptable d'identifier les pièces justificatives pertinentes et nécessaires à l’exercice de ses contrôles ; qu’il devait pour se faire se reporter aux textes encadrant chaque type de dépense pour exiger la production de toute pièce prévue par la réglementation lui permettant d’exercer ses contrôles ;

54. Attendu que la désignation du président par intérim du conseil de surveillance ayant donné lieu au versement de l’indemnité visée dans le réquisitoire ne relevait pas de l’article R. 5312-28 du code des transports, non entré en vigueur lorsque l’intérim a été assuré et portant sur le cas de la nomination d’un nouveau président pour la période courant jusqu’au terme du mandat du président démissionnaire ou empêché ; que l’intérim en cause relevait en effet d’une suppléance temporaire, dans l’attente de la nomination d’un nouveau président, régie par les dispositions de l’article R. 102-22 du code des ports maritimes, applicable à la date de la désignation de l’intérimaire, survenue le 27 novembre 2013 ;

55. Attendu que les formalités prévues par cet article, qui ne requiert pas l’adoption d’un décret du ministre chargé de l’économie mais seulement une décision de désignation de l’intérimaire par le commissaire du Gouvernement, ni la production d’une décision de la même autorité ministérielle fixant les éléments de la rémunération de l’intéressé, ont été respectées ;

56. Attendu qu’il résulte des dispositions de l’article 2 de la convention collective nationale unifiée « Ports et manutentions » que celle-ci n’est pas applicable aux fonctions de président du directoire ; qu’en conséquence la décision du président du directoire du 18 mars 2015 ne pouvait valablement fonder l’attribution de l’indemnité d’intérim sur la convention collective ; que le versement d’une telle prime n’était pas non plus prévu par un texte légal ou réglementaire ;

57. Attendu qu’en procédant au paiement de l’indemnité litigieuse sur la base d’une décision d’attribution visant une convention collective dont le champ d’application excluait la situation justifiant l’attribution d’une telle indemnité, et mentionnant des modalités de calcul non prévues par ladite convention, M. X a manqué à son obligation de contrôle de la validité de la dette, notamment de la production des pièces justificatives et de son exacte liquidation ; qu’il y a lieu de mettre en jeu de ce chef sa responsabilité personnelle et pécuniaire au titre de l’exercice 2015 ;

Sur l’existence d’un préjudice

58. Attendu que pour déterminer si le paiement irrégulier d’une dépense par un comptable public a causé un préjudice financier à l’organisme public concerné, il appartient au juge des comptes de vérifier, au vu des éléments qui lui sont soumis à la date à laquelle il statue, si la correcte exécution, par le comptable, des contrôles lui incombant aurait permis d’éviter que soit payée une dépense qui n’était pas effectivement due ; que dans le cas où le comptable a engagé sa responsabilité en payant une dépense sur le fondement de pièces justificatives insuffisantes, le manquement doit être regardé comme n’ayant, en principe, pas causé un préjudice financier à l’organisme public concerné lorsqu’il ressort des pièces du dossier, y compris d’éléments postérieurs aux manquements en cause, que la dépense reposait sur les fondements juridiques dont il appartenait au comptable de vérifier l’existence au regard de la nomenclature, que l’ordonnateur a voulu l’exposer et, le cas échéant, que le service a été fait ; 

59. Attendu qu’en l’absence de texte légal ou réglementaire ou de dispositions conventionnelles en autorisant le versement, les dépenses correspondant aux indemnités payées au président du directoire par intérim étaient dépourvues du fondement juridique dont il appartenait au comptable de vérifier l’existence ; qu’elles présentaient donc un caractère indu et ont en conséquence causé un préjudice financier au grand port maritime de la Guadeloupe ;

60. Attendu qu’aux termes du troisième alinéa du VI de l'article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée, « lorsque le manquement du comptable (…) a causé un préjudice financier à l’organisme public concerné (…), le comptable a l’obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante » ; qu’ainsi il y a lieu de constituer M. X débiteur du grand port maritime de la Guadeloupe pour la somme de 8 788,10 € au titre de l’exercice 2015 ;

61. Attendu qu’aux termes du VIII de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée, « les débets portent intérêt au taux légal à compter du premier acte de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics » ; que le premier acte de la mise en jeu de leur responsabilité correspond à la date de réception du réquisitoire par les intéressés, intervenue en l’espèce le 9 décembre 2020 ;

62. Attendu qu’il n’existait pas, pour la période considérée, de plan de contrôle sélectif de la dépense au grand port maritime de la Guadeloupe ; que cette circonstance fait obstacle à une remise gracieuse totale du débet ;

Par ces motifs,

DÉCIDE :

En ce qui concerne M. X

Au titre de l’exercice 2014 (charge n° 3)

Article 1 er . – Il n’y a pas lieu de mettre en jeu la responsabilité de M. X.

Au titre de l’exercice 2015 (charges n° 3 et 5)

Article 2. – Il n’y a pas lieu de mettre en jeu la responsabilité de M. X au titre de la charge n° 3.

Article 3. – M. X est constitué débiteur du grand port maritime de la Guadeloupe, au titre de la charge n° 5, pour la somme de 8 788,10 €, augmentée des intérêts de droit à compter du 9 décembre 2020.

Le paiement n’entrait pas dans une catégorie de dépenses faisant l’objet de règles de contrôle sélectif.

Au titre de l’exercice 2016 (charges n° 3 et 4)

Article 4. – Il n’y a pas lieu de mettre en jeu la responsabilité de M. X au titre de la charge n° 3.

Article 5. – M. X est constitué débiteur du grand port maritime de la Guadeloupe, au titre de la charge n° 4, pour la somme de 7 651 €, augmentée des intérêts de droit à compter du 9 décembre 2020.

Les paiements n’entraient pas dans une catégorie de dépenses faisant l’objet de règles de contrôle sélectif.

Au titre de l’exercice 2017 (charge n° 3)

Article 6. – Il n’y a pas lieu de mettre en jeu la responsabilité de M. X.

En ce qui concerne M. Y

Au titre de l’exercice 2017 (charges n° 3 et 4)

Article 7. – Il n’y a pas lieu de mettre en jeu la responsabilité de M. Y au titre de la charge n° 3.

Article 8. – M. Y est constitué débiteur du grand port maritime de la Guadeloupe, au titre de la charge n° 4, pour la somme de 3 667 €, augmentée des intérêts de droit à compter du 9 décembre 2020.

Le paiement n’entrait pas dans une catégorie de dépenses faisant l’objet de règles de contrôle sélectif.

Au titre de l’exercice 2018 (charges n° 1 à 3)

Article 9. – Il n’y a pas lieu de mettre en jeu la responsabilité de M. Y au titre de la charge n° 1.

Article 10. – M. Y est constitué débiteur du grand port maritime de la Guadeloupe, au titre de la charge n° 2, pour la somme de 22 550,16 €, augmentée des intérêts de droit à compter du 9 décembre 2020.

Article 11. – Il n’y a pas lieu de mettre en jeu la responsabilité de M. Y au titre de la charge n° 3.

Article 12. – La décharge de MM. X et Y pour leur gestion au titre des exercices 2014 à 2018 ne pourra être donnée qu’après apurement des débets à acquitter, fixés ci-dessus.

Fait et jugé en la Cour des comptes, deuxième chambre, quatrième section. Présents : M. Louis VALLERNAUD, président de section, président de la formation, MM. Philippe GEOFFROY et Jacques BASSET, conseillers maîtres, Mme Michèle COUDURIER, conseillère maître, M. Paul de PUYLAROQUE, conseiller maître.

En présence de Mme Michelle OLLIER, greffière de séance.

En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit arrêt à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux judiciaires d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.

En foi de quoi, le présent arrêt a été signé par :

Michelle OLLIER

Louis VALLERNAUD

Conformément aux dispositions de l’article R. 142-20 du code des juridictions financières, les arrêts prononcés par la Cour des comptes peuvent faire l’objet d’un pourvoi en cassation présenté, sous peine d’irrecevabilité, par le ministère d’un avocat au Conseil d’État dans le délai de deux mois à compter de la notification de l’acte. La révision d’un arrêt peut être demandée après expiration des délais de pourvoi en cassation, et ce dans les conditions prévues au I de l’article R. 142-19 du même code.

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