Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 19 mars 2020, 19-14.253, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


CIV. 3

FB



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 19 mars 2020




Cassation sans renvoi


M. CHAUVIN, président



Arrêt n° 240 F-D

Pourvoi n° K 19-14.253




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 19 MARS 2020

M. C... D..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° K 19-14.253 contre l'ordonnance rendue le 25 janvier 2019 par le juge de l'expropriation du département de la Drôme siégeant au tribunal de grande instance de Valence, dans le litige l'opposant :

1°/ à la commune de Saint-Julien-en-Vercors, prise en la personne de son maire, domicilié en cette qualité [...],

2°/ au préfet du département de la Drôme, domicilié [...] ,

défendeurs à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Renard, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de M. D..., après débats en l'audience publique du 11 février 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Renard, conseiller référendaire rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. L'ordonnance attaquée (juge de l'expropriation du département de la Drôme, 25 janvier 2019) déclare expropriée pour cause d'utilité publique, au profit de la commune de Saint-Julien-en-Vercors, une fraction de la parcelle cadastrée [...] appartenant à M. D....

Examen du moyen

Sur le moyen unique, pris en sa première branche, ci-après annexé

2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le moyen unique, pris en ses deuxième et troisième branches

Énoncé du moyen

3. M. D... fait grief à l'ordonnance de déclarer expropriée une fraction du bien dont il est propriétaire, alors :

« 1°/ que l'ordonnance prononçant l'expropriation désigne chaque immeuble ou fraction d'immeuble exproprié et précise l'identité des expropriés, conformément aux dispositions de l'article R. 132-2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique renvoyant aux prescriptions de l'article 7 du décret du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière ; que pour une parcelle faisant l'objet d'une expropriation partielle, l'ordonnance doit suffire à déterminer la surface et la zone expropriées ; qu'en déclarant expropriés les immeubles conformément au plan et à l'état parcellaires ci-après quand l'ordonnance d'expropriation ne comporte en annexe qu'un état parcellaire indiquant qu'une surface de 18 a 70 ca est prise sur la parcelle cadastrée [...] d'une surface totale de 2 ha 06 a 20 ca appartenant à M. D... mais aucun plan parcellaire permettant la désignation et la détermination claire de la zone de la fraction expropriée de la parcelle cadastrée [...], le juge de l'expropriation a violé les articles R. 221-4, R. 132-2, R. 132-3 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, ensemble l'article 7 du décret du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière ;

2°/ que l'ordonnance prononçant l'expropriation désigne chaque immeuble ou fraction d'immeuble exproprié et précise l'identité des expropriés, conformément aux dispositions de l'article R. 132-2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique renvoyant aux prescriptions de l'article 7 du décret du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière ; qu'en cas d'expropriation partielle impliquant de modifier les limites des terrains concernés, un document d'arpentage doit être préalablement réalisé afin que les parcelles concernées soient désignées conformément à leur numérotation issue de ce document ; qu'en transférant au profit de la commune de Saint-Julien-en-Vercors, l'immeuble dont l'acquisition est nécessaire à l'opération déclarée d'utilité publique, sans qu'ait été établi un document d'arpentage désignant les parcelles issues de la division opérée par l'expropriation partielle d'une surface de 18 a 70 ca à prendre sur la parcelle cadastrée [...] d'une surface totale de 2 ha 06 a 20 ca appartenant à M. D..., le juge de l'expropriation a violé les articles R. 221-4, R. 132-2, R. 132-3 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, ensemble l'article 7 du décret du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière. »

Réponse de la Cour

Vu les articles R. 221-4, R. 132-2, R. 132-3 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique et l'article 7 du décret du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière :

4. L'ordonnance prononçant l'expropriation désigne chaque immeuble ou fraction d'immeuble exproprié et précise l'identité des expropriés, conformément aux dispositions de l'article R. 132-2 renvoyant aux prescriptions de l'article 7 du décret du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière.

5. L'article 7, alinéa 2, du décret du 4 janvier 1955 prévoit que, lorsqu'il y a division de la propriété du sol entraînant changement de limite, l'acte doit désigner l'immeuble tel qu'il existait avant la division et chacun des nouveaux immeubles résultant de cette division.

6. Le dernier alinéa de cet article dispose que, dans la plupart des cas, la désignation est faite conformément à un extrait cadastral et, en cas de changement de limite, d'après les documents d'arpentage établis spécialement en vue de la conservation du cadastre.

7. L'article 25 du décret du 30 avril 1955 relatif à la conservation du cadastre précise que tout changement de limite de propriété doit être constaté par un document d'arpentage qui est soumis au service du cadastre, préalablement à la rédaction de l'acte réalisant le changement de limite, pour vérification et numérotage des nouveaux îlots de propriété.

8. Il résulte de ces textes qu'en cas d'expropriation partielle impliquant de modifier les limites des terrains concernés, un document d'arpentage doit être préalablement réalisé afin que les parcelles concernées soient désignées conformément à leur numérotation issue de ce document.

9. Pour transférer, au profit de la commune de Saint-Julien-en-Vercors, une fraction d'une parcelle appartenant à M. D..., l'ordonnance désigne le bien exproprié en mentionnant la surface expropriée qui ne correspond pas à sa surface totale.

10. En statuant ainsi, en l'absence de document d'arpentage désignant les parcelles issues de la division opérée par l'expropriation partielle, le juge de l'expropriation a violé les textes susvisés.

11. L'ordonnance est entachée d'un vice de forme qui doit en faire prononcer l'annulation.

Portée et conséquences de la cassation

12. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1er, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 25 janvier 2019, entre les parties, par le juge de l'expropriation du département de la Drôme, siégeant au tribunal de grande instance de Valence ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Condamne le département de la Drôme aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne le département de la Drôme à payer à M. D... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance cassée ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf mars deux mille vingt.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour M. D....

Il est fait grief à l'ordonnance attaquée d'AVOIR déclaré expropriés pour cause d'utilité publique au profit de la commune de Saint-Julien-en-Vercors les immeubles dont l'acquisition est nécessaire pour parvenir à l'exécution de l'acte déclaratif, conformément au plan et à l'état parcellaires ci-après et d'AVOIR, en conséquence, envoyé la commune de Saint-Julien-en-Vercors en possession desdits immeubles sous réserve de se conformer aux dispositions du Chapitre III et de l'article L. 331-3 du code de l'expropriation sur la fixation et la paiement des indemnités ainsi que de procéder à toutes notifications utiles ;

AUX VISAS DE la requête de M. le Préfet du Département de la Drôme en date du 29 novembre 2018 reçue au Greffe le 30 novembre 2018 ; les articles L. 220-1, L. 221-1, L. 222-l et R221-1 et suivants du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ; l'arrêté n°2013206-0024 pris le 25 juillet 2013 par Monsieur le Préfet de la Drôme portant déclaration d'utilité publique des travaux de prélèvement et de dérivation des eaux, et de l'instauration des périmètres de protection, portant déclaration du prélèvement dans le milieu naturel et portant autorisation d'utiliser l'eau en vue de la consommation humaine pour la production et la distribution par un réseau public concernant le captage de la source de Pied Châtelet sis sur la commune de Saint-Julien-en-Vercors ; le plan parcellaire des immeubles à exproprier, le plan de situation, l'état parcellaire désignant les propriétaires des immeubles ; l'arrêté n°2014050-0038 pris le 19 février 2014 par M. le Préfet de la Drôme modifiant l'arrêté n°2013206-0024 du 25 juillet 2013 portant autorisation de captage de la source de Pied Châtelet sur la commune de Saint-Julien-en-Vercors ; l'arrêté n°26-2018-03-12-005 pris le 12 mars 2018 par Monsieur le Préfet de la Drôme prorogeant pour une durée de cinq ans les effets de l'arrêté préfectoral n°2013206-0024 du 25 juillet 2013 modifié par l'arrêté préfectoral n°2014050-0038 du 19 février 2014, portant déclaration d'utilité publique des travaux de prélèvement et de dérivation des eaux et de l'instauration des périmètres de protection ; l'arrêté n°2012227-OO2O de M. le Préfet de la Drôme du 14 août 2012 prescrivant sur le territoire de la commune de Saint-Julien-en-Vercors du lundi 1er octobre 2012 au vendredi 19 octobre 2012 inclus, l'ouverture d'enquêtes publiques conjointes (enquête préalable à la déclaration d'utilité publique, enquête parcellaire et servitude de passage) concernant l'acquisition par la commune de Saint-Julien-en-Vercors des terrains nécessaires au projet de mise en conformité des périmètres de protection du captage de la source du Pied Châtelet, de la source les Orcets et de la source Roche sur le territoire de la commune de Saint-Julien-en-Vercors ; le certificat en date du 22 octobre 2012 délivré par la Mairie de la Commune de Saint-Julien-en-Vercors constatant que cet arrêté a été affiché dans sa commune aux lieux accoutumés ; les exemplaires en date des 13 septembre 2012 et 4 octobre 2012 du " Dauphiné Libéré " et de " Drôme Hebdo " dans lesquels cet arrêté a été publié ; la notification individuelle du dépôt du dossier en Mairie faite aux expropriés : M. C..., J..., T... D..., né le [...] à Saint-Julien-en-Vercors (Drôme), demeurant [...] ) gérant de société époux de Mme R..., P..., H... L... par lettre recommandée avec accusé de réception reçue le 15 septembre 2012 ; l'arrêté n°2012227-0020 de M. le Préfet de la Drôme en date du 14 août 2012 qui a désigné Monsieur N... M... en qualité de commissaire-enquêteur et M. E... T... W... en qualité de commissaire-enquêteur suppléant ; le procès-verbal en date du 30 novembre 2012 de l'enquête parcellaire ouverte à Saint-Julien-en-Vercors du lundi 1er octobre 2012 au vendredi 19 octobre 2012 inclus ; l'avis favorable du commissaire-enquêteur du 30 novembre 2012 à l'enquête parcellaire et la transmission du dossier d'enquête de cet avis à Monsieur le Préfet de la Drôme ; l'arrêté n° 2078240-006 de M. le Préfet de la Drôme du 28 août 2018 qui a déclaré immédiatement cessibles pour cause d'utilité publique les immeubles bâtis ou non bâtis indiqués audit arrêté et nécessaires pour parvenir à l'exécution de l'acte déclaratif d'utilité publique sus-énoncé ;

ET AUX MOTIFS QUE toutes les formalités exigées par la loi ont été remplies ;

1) ALORS QUE la notification individuelle du dépôt du dossier d'enquête parcellaire à la mairie est faite par l'expropriant, sous pli recommandé avec demande d'avis de réception, aux propriétaires concernés ; qu'en déclarant expropriée la fraction de parcelle litigieuse après s'être borné à viser un accusé de réception d'une notification individuelle à M. D... sans faire apparaître que cette notification avait été faite par l'autorité expropriante et concernait l'avis de dépôt à la mairie du dossier soumis à l'enquête parcellaire, le juge de l'expropriation a violé les articles L. 221-1, R. 131-6, R. 221-1 et R. 221-2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

2) ALORS QUE l'ordonnance prononçant l'expropriation désigne chaque immeuble ou fraction d'immeuble exproprié et précise l'identité des expropriés, conformément aux dispositions de l'article R. 132-2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique renvoyant aux prescriptions de l'article 7 du décret du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière ; que pour une parcelle faisant l'objet d'une expropriation partielle, l'ordonnance doit suffire à déterminer la surface et la zone expropriées ; qu'en déclarant expropriés les immeubles conformément au plan et à l'état parcellaires ci-après quand l'ordonnance d'expropriation ne comporte en annexe qu'un état parcellaire indiquant qu'une surface de 18 a 70 ca est prise sur la parcelle cadastrée [...] d'une surface totale de 2 ha 06 a 20 ca appartenant à M. D... mais aucun plan parcellaire permettant la désignation et la détermination claire de la zone de la fraction expropriée de la parcelle cadastrée [...], le juge de l'expropriation a violé les articles R. 221-4, R. 132-2, R. 132-3 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, ensemble l'article 7 du décret du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière ;

3) ALORS, en toute hypothèse, QUE l'ordonnance prononçant l'expropriation désigne chaque immeuble ou fraction d'immeuble exproprié et précise l'identité des expropriés, conformément aux dispositions de l'article R. 132-2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique renvoyant aux prescriptions de l'article 7 du décret du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière ; qu'en cas d'expropriation partielle impliquant de modifier les limites des terrains concernés, un document d'arpentage doit être préalablement réalisé afin que les parcelles concernées soient désignées conformément à leur numérotation issue de ce document ; qu'en transférant au profit de la commune de Saint-Julien-en-Vercors, l'immeuble dont l'acquisition est nécessaire à l'opération déclarée d'utilité publique, sans qu'ait été établi un document d'arpentage désignant les parcelles issues de la division opérée par l'expropriation partielle d'une surface de 18 a 70 ca à prendre sur la parcelle cadastrée [...] d'une surface totale de 2 ha 06 a 20 ca appartenant à M. I..., le juge de l'expropriation a violé les articles R. 221-4, R. 132-2, R. 132-3 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, ensemble l'article 7 du décret du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière.ECLI:FR:CCASS:2020:C300240
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